N’DJAMENA, 19 février (Xinhua) — Face à l’insécurité qui sévit dans la capitale tchadienne, le gouvernement multiplie les interdictions et les actions de poing dans les milieux de la grande criminalité. Et misent sur l’appui de la population pour éradiquer le phénomène.

“Nous avons connu une sécurité appréciable, mais brusquement ça s’est régénéré ces dernières semaines. Tous ces événements laissent perplexes la population”, déplore Mahamat Yaya Oki Dagache, ministre tchadien de l’Intérieur et de la Sécurité publique.

N’Djaména, la capitale du Tchad, a renoué avec ses vieux démons en ce début d’année 2014. Il ne se passe un jour où des crimes crapuleux, des agressions armées ou des violences de tous genres ne soient signalés par les médias. Le comble a été atteint, il y a une dizaine de jours, avec l’assassinat, en plein jour et dans un commissariat de police, de trois policiers et d’un officier de l’armée par deux individus venus exfiltrer un proche arrêté la veille pour un braquage de moto.

Plusieurs facteurs concourent à cette recrudescence brutale de l’insécurité dans la capitale tchadienne, selon M. Mahamat Yaya Oko Dagache. Il y a d’abord l’environnement dans lequel son se trouve. “Tout notre entourage est en insécurité”, indique-t-il, faisant référence aux pays voisins en proie à la violence: la Libye au nord, la Centrafrique au sud, le Soudan à l’est et le Nigéria avec la secte islamique Boko Haram à l’ouest.

Beaucoup d’armes légères et guerre circulent en effet dans la capitale et dans les provinces tchadiennes; le pays ayant connu, pendant plusieurs décennies, des rébellions et des guerres. Ces dernières années, les forces de défense et de sécurité mènent régulièrement des fouilles d’armes sur l’ensemble du pays. La semaine dernière, une centaine d’armes de poing et de guerre ont été ainsi saisies dans la région orientale de Wadi Fira, frontalière avec le Soudan et connue pour être le bastion de nombreuses rébellions qui ont ensanglanté le pays.

“Malgré les décisions que nous prenons, malgré notre bonne volonté, malgré les efforts que nous faisons, il y a toujours une arme dans les mains d’un malfrat quelque part. Nous ne pouvons pas du jour au lendemain éradiquer complètement les armes, c’est un travail de longue haleine et nous sommes sur la bonne voie”, indique le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique.

L’autre facteur d’insécurité, selon M. Mahamat Yaya Oki Dagache, est l’agrandissement de la ville. La capitale tchadienne, qui a considérablement changé ces dernières années, compte aujourd’hui environ 2 millions d’habitants. “Il n’y a que dix commissariats de police; alors que pour une population de 200.000 habitants, il faut un commissariat de 100 hommes bien armés, bien équipés, avec des moyens de transmission, des véhicules et autres”, précise Ahmat Koutibara Léo, directeur de la Sécurité publique.

Pour faire face à cette insécurité qui a repris du poil de la bête, le ministère de la Sécurité publique a décidé de renforcer les effectifs de la police par le recrutement de 2.000 autres gardiens de la paix, et de créer 7 autres commissariats de police et 7 autres brigades de gendarmerie urbaine pour quadriller les périphéries de N’Djaména.

“Nous devons armer les policiers, ne serait-ce que pour leur légitime défense et pour la respectabilité de l’institution. Un petit malfrat vient, en plein jour dans un commissariat, extraire des prisonniers, tuer des policiers et s’évader, c’est un affront à la police. Nous allons remédier à ces lacunes en relevant le niveau d’intervention de la police et en mettant les agents à condition de se défendre et de faire régner l’ordre”, promet le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique.

Parmi les mesures prises par le gouvernement, il y a également la réactivation des comités de sécurité de la ville, composés de la police, de la gendarmerie, de la garde nomade et de tous les services de renseignement. “Nous avons mobilisé plus de 400 gendarmes, plus de 400 gardes nomades et plus de 400 policiers exclusivement pour cette mission, en plus des moyens organiques de la police”, précise M. Mahamat Yaya Oki Dagache.

Les autorités tchadiennes ont, enfin, interdit le “transport en amazone” (transport de plusieurs passagers sur une moto en plus du conducteur), la circulation à bord d’un véhicule à vitres fumés, le port d’armes blanches ou à feu, même aux militaires en dehors des casernes, etc.

Pour montrer leur détermination à en finir avec l’insécurité dans la capitale, le Groupement mobile d’intervention de la police (GMIP, l’unité d’élite) mène depuis quelques jours une opération ” ville propre” dans les quartiers de N’Djaména et dans ses environs. Des centaines de personnes suspectes ou présentes dans des endroits suspects sont appréhendées et détenues dans les commissariats de la capitale. Parmi elles, une trentaine d’éléments du réseau “G7”, un gang qui opère avec des armes à feu.

Cependant, les autorités en charge de la sécurité au Tchad redoutent que toutes ces mesures et actions de poing ne suffisent à éradiquer l’insécurité. Aussi ne cessent-elles d’appeler leurs concitoyens à la collaboration et à la dénonciation. “La population doit collaborer avec la police en lui fournissant l’information, en lui indiquant les pistes suspectes”, exhorte Mahamat Yaya Oki Dagache, promettant la garantie et la protection nécessaires aux “collaborateurs” de la police.

“Tant que les gens ne communiquent pas, tant qu’on ne dénonce pas, les malfrats profiteront de la situation pour sévir”, conclut Ahmat Koutibara Léo.