Portrait – A défaut d’emploi, Françoise Diddy est devenue conductrice de moto-taxi. Quotidiennement, elle se bat contre l’insécurité et les préjugés pour gagner sa vie à N’Djamena.

L’image est rare. Main droite en alerte et l’autre collée au guidon de sa moto. Cette posture, Françoise Diddy l’a depuis un certain temps.  Au milieu de ses collègues hommes, la seule conductrice de moto-taxi  de N’Djamena traque les clients. «  Clando? », hèle-t-elle les potentiels clients en arabe tchadien. « Vous-êtes une clandoman ? »  «  non,  je suis une clandowoman », répond-elle avec sourire.  

Au début du mois de septembre dernier, la trentenaire a rangé sa licence en ressources humaines pour le guidon d’un moto-taxi. Un engin qu’elle a acquis grâce à l’aide d’un parent. Ce matin, au carrefour feu tricolore de Paris-Congo, la native de Kyabé, province du Moyen Chari, est stationnée. Les épaules bien droites et le regard fixe, Diddy interpelle de loin de potentiels clients.

Sa féminité est loin d’être un avantage

La belle dame au teint un peu sombre, doit se battre à la loyale pour arracher ses clients. Aucune dérogation ne lui est faite. « Le premier à intercepter un client l’embarque ». Cette règle s’applique à Diddy sans demi-mesure. Son défi quotidien : convaincre les hommes qui refusent d’être remorqués par une femme.  « Ils disent que je peux facilement provoquer un accident de circulation. Pourtant, je conduis plus prudemment que mes collègues hommes », se défend Diddy en affirmant que leur refus est discriminatoire.

Cette attitude de certains hommes entraine un manque à gagner, estimé à plus de 1500 francs CFA par jour, à cette orpheline (elle a perdu son père avant son premier anniversaire). Une somme qui aurait renfloué sa recette journalière comprise entre 2000 et 4000 francs CFA par jour. Au coucher du soleil, la clandowomen tient sa comptabilité.  Le gain de la journée est reparti : amortissement de la moto, charges familiales,  besoin personnel…

Diddy arrête ses activités à 8 heures du soir. « Il n’est pas question de travailler la nuit. Il y a trop d’insécurité. J’ai peur d’être braquée », soutient-elle. Pourtant, le travail de nuit paye plus. Mais elle ne souhaite pas inquiéter davantage sa maman.

Enfant, Françoise était convaincu de devenir sœur. Mais ses parents songeaient à autre chose pour elle. Ils voulaient la voir sous d’autres projecteurs. Ainsi, sa maman l’a envoyé à l’école. De ses petits commerces, la petite fille ne manquait de rien.

Diddy décroche son  baccalauréat. Aussitôt, elle dépose ses valises à N’Djamena et s’inscrit en ressources humaines à l’université polytechnique la Francophonie.  Pour mettre toute les chances de son côté, elle s’envole pour Accra au Ghana pour parfaire la langue (anglais). De retour au pays, la diplômée toque à toutes les portes et finit par décrocher un poste de réceptionniste.  Ensuite, elle devient secrétaire, caissière, assistante de direction. Son dernier poste fut celui avec consortium. 

Aujourd’hui, nous apprenons que Francoise Diddy a décroché un nouveau travail et a garé sa moto.