Depuis lundi, la tension monte, principalement chez les jeunes, après la révélation du kidnapping et du viol collectif d’une lycéenne.

Si des appels à rassemblement sont lancés, les plus hautes autorités du pays appellent au calme et promettent que justice sera rendue.

Le 8 février, des jeunes hommes ont enlevé Zouhoura à la sortie de l’école et l’ont séquestrée pendant plusieurs jours avant de la relâcher.

Des images humiliantes et insupportables de la jeune fille, faites pendant sa séquestration, sont mises sur les réseaux sociaux. La vidéo circule, crée très vite un tollé général au sein de l’opinion.

Dimanche soir, deux des présumés kidnappeurs de la jeune fille ont été présentés à la presse dans les locaux de la direction générale de la Police nationale.

Selon Paul Manga, porte-parole de la Police nationale, l’enquête est en cours pour mettre la main sur les autres présumés auteurs de cet “acte horrible”.

“Toutes les dispositions sont prises pour que tous ceux qui sont cités soient remis aux juridictions compétentes afin de répondre de leurs actes”, promet le commissaire de police.

L’un de ces jeunes hommes tente de justifier leur acte en représailles d’injures de la part de la lycéenne.

“Elle nous a insultés de buveurs de lait d’ânesse. Nous l’avons déshabillée, mais personne n’a abusé d’elle sexuellement. Je suis aussi surpris qu’on nous dise que c’est nous qui avions mis sur les réseaux sociaux les images qui circulent maintenant”, se défend-il.

Au sein de l’opinion, c’est la consternation et la colère. Sur les réseaux sociaux, des milliers de personnes (principalement des jeunes) expriment leur indignation et réclament justice.

“J’ai très mal, je me suis dit que ça aurait pu être moi”, confie Leloum Sylviane, la Miss Tchad 2016 qui s’est engagée dans la lutte contre le mariage des mineurs.

“Nous réclamons que justice soit faite pour Zouhoura qui a été enlevée, séquestrée et violée. Elle n’est pas la première, mais doit être la dernière”, martèle Bouchra N’Diaye, défenseuse de la cause féminine.

Des élèves de la capitale décident de sortir le lendemain dans les rues pour manifester leur soutien à Zouhoura. Mais coup de théâtre. Sur la chaîne de télévision publique, la victime appelle ses compatriotes au calme.

“Je voudrais remercier tous ceux qui m’ont soutenue à travers les appels téléphoniques ou sur les réseaux sociaux. Mais, par rapport aux actions que les élèves et d’autres personnes veulent entreprendre pour manifester leur soutien, je leur demande de garder, pour le moment, leur calme, car l’affaire est entre les mains de la justice qui fait son travail. Je vous demande d’être forts comme je le suis actuellement, car la violence ne va pas résoudre le problème”, déclare-t-elle.

Pour beaucoup de Tchadiens, l’on a obligé Zouhoura à faire cette déclaration. Et il n’est pas question de surseoir à ces manifestations pacifiques.

Lundi matin, l’on assiste à un nouveau coup de théâtre. Dans un message vidéo posté sur sa page Facebook, Zouhoura revient sur sa déclaration à la télévision publique. “Je serai très contente si vous manifestiez aujourd’hui. Manifestez!”, dit-elle.

Des centaines de jeunes se rassemblent devant la maison familiale de Zouhoura et marchent vers le Palais de justice, un symbole fort dans un pays où l’impunité et l’injustice sont très décriées.

Dans le calme et portant des pancartes sur lesquelles on lit “Justice pour Zouhoura” ou “Je suis Zouhoura”, ils battent le pavé sur plusieurs kilomètres. Avant d’être dispersés à coup de grenades lacrymogènes par la police. Un jeune élève âgé de 15 ans a été fauché par une balle. De quoi raviver la colère dans les rangs d’une jeunesse déterminée à se faire entendre.

“Tout le monde a vu en Zouhoura une sœur, une nièce, une fille; tout le monde s’est imaginé à notre place. Notre plus grande force est notre indignation, notre mobilisation. Aujourd’hui, ma fille est victime de ces criminels, demain sera le tour d’une autre. Sans cette mobilisation, cette affaire aurait surement fini par être étouffée et oubliée comme les autres”, précise Mahamat Brahim Ali, oncle de Zouhoura.

Parmi les réactions à cette affaire, l’on remarquera celles du couple présidentiel. La Première dame, Hinda Déby Itno, condamne avec fermeté l’acte barbare perpétré sur la jeune Zouhoura. “En tant que mère et sœur, j’apporte tout mon soutien à la famille de Zouhoura et présente mes sincères condoléances à la famille de Abbachou Hassan Ousmane”, écrit-elle sur sa page Facebook.

Le président Idriss Déby Itno, d’habitude muet sur de telles affaires, choisit aussi Facebook pour exprimer toute son indignation face à un “acte ignoble et innommable”.

“Je comprends vos peines, je les partage”, affirme le chef de l’Etat tchadien pour sa première sortie sur Facebook. Il rassure que “justice sera rendue” et que “plus jamais cela ne se répétera”.

Sur les réseaux sociaux, les jeunes maintiennent la pression. A travers Facebook, WhatsApp ou Viber, des appels sont lancés pour de nouveaux rassemblements à partir de ce mercredi. Beaucoup d’établissements scolaires étaient restés fermés mardi. Beaucoup craignent qu’il ne provoque de manifestations violentes.
Source: Xinhua