N’DJAMENA, 19 juin (Xinhua) — Après plusieurs tentatives, l’Etat tchadien est déterminé à faciliter l’accès progressif de ses ménages à des logements de bonne qualité et à moindre coût, en mettant en place un mécanisme approprié qui s’inspire d’autres pays africains et avec l’appui financier de ses partenaires de développement.

“Le logement social est un concept de développement qui signifie qu’on construit des logements à bas coût pour une catégorie de populations. L’objectif est de faire en sorte que les populations à faible revenus puissent avoir accès à des logements décents”, indique Allaïssem Dobingar, secrétaire général du ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation.

“Le principal obstacle au Tchad est l’absence d’un mécanisme permettant de ramener à un niveau accessible le logement social pour aider un grand nombre de population”, ajoute-t-il. Ainsi, ce vaste pays d’Afrique centrale est le deuxième de la sous-région, après la République centrafricaine, à ne pas disposer de logements sociaux et d’un mécanisme approprié à cet effet. Cette absence de mécanisme oblige les citoyens à se doter chacun selon ses moyens des logements peu enviables.

Ces dernières années, le gouvernement tchadien a réalisé des efforts dans le cadre des programmes de logement. Un Projet de développement urbain et d’amélioration de l’habitat (DURAH) a été mis en place avec l’aide du Programme des Nations-Unies pour le Développement. Il vise la construction de 12.000 logements et l’amélioration de l’habitat.

L’on a commencé par les logements sur un site dénommé la Patte d’oie, à la sortie nord de la capitale tchadienne. Malheureusement, seuls 70 logements y sont construits à ce jour.

Après l’échec du projet DURAH, une Société de promotion foncière et immobilière (SOPROFIM) a été créée en 2009, avec pour mission de faire un programme de logements sociaux, de viabilisation des quartiers en vue de permettre aux populations d’ avoir accès aux logements décents.

La SOPROFIM “est un opérateur à qui les moyens ont été donnés au départ. Notamment la remise à 1 franc symbolique de tous les dispositifs de la Patte d’oie et l’autorisation à lui donnée pour vendre ces parcelles à d’autres promoteurs”, explique Allaïssem Dobingar.

En 2012, le ministère de l’Aménagement du territoire a signé des accords avec une quinzaine d’entreprises privées dans le but de leur permettre de trouver les moyens afin de construire des logements sociaux qui seront rachetés par la SOPROFIM. Malheureusement, ces accords n’ont pas été concluants.

“La première société, l’américaine Federal Development, qui s’est manifestée et a obtenu le site de Toukra (à la sortie sud de N’Djaména, la capitale du Tchad, Ndlr) n’a pas honoré ses engagements une fois la convention signée avec le Tchad. A côté de celle-ci, il y a plusieurs autres entreprises étrangères qui ont signé des accords dans le même but avec le gouvernement, mais une fois la convention signée, elles ont disparu”, déplore le secrétaire général du ministère de l’Aménagement du territoire.

Avec la 32ème assemblée générale de Shelter Afrique, tenue la semaine dernière à N’Djaména, le gouvernement tchadien a fait un grand pas en avant. Il a profité des échanges pour acquérir des stratégies nouvelles, adopter des approches et structures pratiques pour faciliter l’exécution des programmes et projets de production en masse de logements au bénéfice de ses populations, tant en villes que dans les campagnes.

Au Tchad, le rythme d’urbanisation a dépassé tous les pronostics. A l’échelle nationale, la population urbaine est passée de moins de 10% de la population totale en 1960 à 30% de 2010. Cette situation est encore plus accentuée pour la capitale dont la démographie s’est accrue par 14 fois en 40 ans, soit de 84.000 habitants en 1960 à près de 1,2 million en 2010.

Les matériaux durables de construction, importés pour l’essentiel des pays voisins, coûtent extrêmement chers; la grande majorité de cette population galopante habitent dans des logements précaires. L’année dernière, des pluies diluviennes ont causé des inondations sans précédent dans tout le pays et d’énormes dégâts humains et matériels, dont des dizaines de milliers de maisons détruites.

Avec l’expertise et un financement additionnel de Shelter Afrique, leader dans le financement du secteur de logements en Afrique, le Tchad entend de viabiliser 50 hectares à Toukra, à la sortie sud de la capitale, pour y construire une centaine de logements sociaux. Les travaux de ce projet devront commencer cette année. Dans les années à venir, le Tchad promet viabiliser entre 3.000 et 5.000 parcelles et y construire 500 logements sociaux par an.

“C’est dans cette perspective que le gouvernement a créé un ministère pluridisciplinaire regroupant les Affaires foncières, les Domaines, les Cadastres et l’Habitat”, a affirmé le Premier ministre, Joseph Djimrangar Dadnadji. Ce département assure la tutelle de la SOPROFIM, mais également de l’Observatoire de l’habitat et du développement urbain et de la Banque de l’habitat qui a obtenu, l’année dernière, un financement de 12 milliards F CFA (24 millions USD) auprès de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC).

Dans le même temps, le gouvernement tchadien s’attellera à élaborer et adopter de nouveaux textes devant régir le secteur foncier et domanial, pour faciliter la tâche à toutes les institutions publiques et privées qui seront déployées pour la production des logements en masse.

Selon M. Gata Ngoulou, ministre des Affaires foncières, des Domaines et de l’Habitat, l’exécution de ce programme national va s’inspirer des expériences de la Tanzanie, de l’Afrique du Sud et de la Côte d’Ivoire, qui ont permis à ces pays de fournir à leurs populations des logements de qualité et en quantité, en un laps de temps.

La construction des logements sociaux, a-t-il ajouté, nécessitera le transfert des compétences et des technologies, ainsi que l’exploitation des matériaux locaux, et mobilisera les opérateurs économiques locaux et de la main-d’œuvre locale.

Les logements construits seront acquis selon des critères bien définis: être de nationalité tchadienne, un salarié domicilié dans une banque de la place ou avoir d’autres ressources financières. L’acquéreur devra ensuite verser au moins 15% de la parcelle ou du logement sollicité.

Le coût moyen pour l’acquisition d’un logement est de 22 millions F CFA (environ 44.000 USD). Ce qui est de loin supérieur au coût en vigueur en Afrique de l’ouest et du centre qui “ne dépasse pas 9 millions F CFA (18.000 USD, Ndlr)”, selon M. Allaïssem Dobingar. Et le Tchadien moyen qui a pris un crédit bancaire pour acquérir un logement, aura bien du mal à le rembourser en 15 ans, délai plancher prévu.

Par Geoffroy Touroumbaye