SALUBRITE – Les ordures ménagères atterrissent dans les rues, les transformant du coup en décharges anarchiques. Fait qui prouve que les communes ou collectivités sont indéniablement démunies.

Il est 5h sur la rue 5031 à Moursal. Une fine brume enveloppe cette fraiche matinée, agrémentée par quelques rares ronronnements de moteur, aboiements de chiens et chants de coqs. Scène insolite mais édifiante à ce moment. Une vieille dame et deux de ses filles lestent des sacs de poubelle. Destination: une décharge anarchique en plein milieu de la rue longeant le Lycée-collège évangélique. Sur place, des tas de détritus qui laissent dégager une odeur désagréable. Accosté, la vieille dame confie qu’elle n’a pas les moyens pour payer des ramasseurs privés et les ramasseurs de la commune du 6ème arrondissement ne passent plus dans leur carré depuis belle lurette. “Nous au moins, on ne jette que des restes de nourriture ou du feuillage de balayage. Regardez, il y a même des chiens et chats morts balancés ici par d’autres“, poursuit-elle en montrant du doigt une charogne de chien au milieu d’un tas. Le groupe finit par craquer une allumette et brûler “ses saletés”. L’heure choisie n’est pas anodine car, les vigiles de la parcelle du Nigéria à côté “les chassent et leurs ordonnent de repartir avec leurs saletés si elles sont prises la main dans le sac”.

Incivisme ou ignorance ?

Nombre de riverains des parages leur emboîteront le pas les minutes qui suivront. La rue est quasi impraticable, occupée de plus de la moitié. Difficile de s’y frayer un chemin. Des objets tranchants, l’odeur, la fumée ont rendu le passage pénible. “Se boucher le nez et cracher est obligé”, rigole une des 2 filles accompagnant la vieille dame.

Un père de famille dans le secteur affirme qu’il paie “des particuliers pour ramasser ses ordures ménagères mais il arrive de fois que ceux-ci ne reviennent plus. Ne pouvant pas garder indéfiniment les ordures à la maison, il les jette où il peut (…)”. A la question de savoir s’il sait que cela peut causer de problèmes de santé, il acquiesce en ironisant sommairement: “Il n’y a ni décharge publique, ni éboueur de la mairie ici, on va faire comment? On les brûle en attendant que la commune passe si elle peut, une fois tous les 3 mois“.

Des ordures brûlées sur une rue de la capitale

Un peu plus loin. Sur la rue transversale au site du SIL, le constat est identique. Des tas d’immondices ont envahi cette rue. Cela est observé un peu partout sur les rues de Moursal. Les nids de poule ou crevasses sont systématiquement transposés en poubelles et cela occasionne parfois des querelles entre voisins. C’était le cas un mardi matin sur la rue 5098 où des invectives entre deux bonhommes ont failli de peu se solder par une rixe n’eut été l’intervention de passants. L’un intimait à l’autre de ne pas vider sa brouette d’immondices dans la rue. Le dernier lui répondit que “la rue appartient à tous et que ce n’était pas chez lui“. Incivisme ou ignorance? L’on ne saurait le dire.

Sortant chez lui avec son pousse-pousse, Dogo, un éboueur travaillant à son propre compte confie: “je ramasse les ordures deux fois la semaine par domicile. On me donne 500, 1000 francs par ménage. Quand c’est une cour commune avec plusieurs ménages, je suis ravi…”. “Il était seul au début pour le pâté de maison et maintenant, ils sont trois vu la forte demande”, dit-il.

Manque de moyens

Un agent de la commune du 6ème arrondissement requérant l’anonymat considère que “cette situation est due à la précarité de la collectivité. Les bennes de ramassage sont souvent en panne et il n’y a pas d’argent pour les réparations ou le carburant parfois. D’ailleurs, les agents accusent souvent des arriérés de salaires, comme il y a peu. Et quand les bennes peuvent enfin rouler, leur piteux état ne leur permet pas de sillonner les petites routes tortueuses au fond des quartiers. Alors la commune préfère nettoyer les voies bitumées (…)”.

BACTAR Frank I.