N’Djamena – Un des ténors de l’opposition tchadienne, Saleh Kebzabo, demande à la France d’être plus exigeante envers le régime du président Idriss Déby Itno avant la visite à N’Djamena cette semaine du chef de l’Etat français François Hollande.

L’envoi de troupes tchadiennes pour le maintien de la paix à l’extérieur ne saurait être une prime accordée au régime à l’intérieur, écrit M. Kebzabo dans un communiqué parvenu mercredi à l’AFP, ajoutant: le Tchad n’est ni un Etat démocratique, ni un Etat de droit.

Reporters sans frontière dénonce également le pouvoir tchadien qui continue de violer les droits de l’homme au quotidien, notamment ceux des journalistes. Au cours de l’année écoulée, cinq journalistes ont été emprisonnés. Ceux qui ont été remis en liberté sont toujours sous le coup de condamnations avec sursis qui les empêchent de travailler librement, poursuit RSF dans une lettre ouverte au président français.

M. Hollande se rend vendredi soir au Tchad pour une visite essentiellement consacrée aux dossiers sécuritaire et de défense en Afrique sub-saharienne.

Le Tchad va jouer un rôle central dans la réorganisation en cours de la présence militaire française sur le continent, avec la mise en place d’une nouvelle opération, Barkhane, dont le commandement sera basé à N’Djamena, où la France dispose déjà d’une importante base militaire.

Les partis politiques d’opposition conviennent que la situation sécuritaire dans la zone sahélo-saharienne constitue un sujet de préoccupation constante qui appelle la mobilisation de toutes les ressources, commente à ce sujet l’opposant tchadien, en se félicitant du soutien français dans les crises malienne et centrafricaine, où le Tchad a engagé son armée aux côtés des forces françaises, ainsi que dans la lutte contre le terrorisme international.

Mais cela ne doit pas conduire à un soutien inconditionnel au régime tchadien, poursuit Saleh Kebzabo, en demandant instamment aux partenaires économiques du Tchad, en particulier la France, d’être de plus en plus exigeants sur la gouvernance économique, le respect des droits humains face à un régime qui a acculé la population à une paupérisation croissante et excelle dans la gestion patrimoniale de l’Etat, dans le seul but de détourner les deniers publics au profit d’une oligarchie établie, refusant l’alternance à travers la confiscation du pouvoir par des élections truquées.

L’opposition tchadienne rappelle également à François Hollande la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh. Cet opposant avait été enlevé à son domicile par des militaires, ainsi que trois autres, le 3 février 2008, au plus fort d’une rébellion qui avait failli renverser Idriss Deby en arrivant jusqu’à N’Djamena. Les autres opposants ont réapparu, mais Ibni Oumar Mahamat Saleh n’a plus donné signe de vie.

Enfin, RSF dit avoir essayé à plusieurs reprises de se rendre sur place pour dialoguer avec les autorités, mais continue de se heurter au silence de l’ambassade du Tchad à Paris, qui ne donne pas suite à ses demandes de visas. Il est crucial que la coopération militaire et sécuritaire entre les deux pays n’incite pas la France à fermer les yeux sur des actions répressives des libertés fondamentales dont la liberté d’information, ajoute l’Ong.

(©AFP / 16 juillet 2014 12h57)