N’DJAMENA, 12 février (Xinhua) — Les élus du Mouvement patriotique du salut (MPS), qui dominent l’Assemblée nationale, ont modifié mardi certaines dispositions de la Constitution relatives notamment au statut du président de la République et à l’inamovibilité du juge, au grand dam des députés de l’opposition et des avocats.

Selon Moussa Kadam, président du groupe parlementaire MPS, les dispositions de la Constitution portant sur les incompatibilités des fonctions de Président de la République et son droit de citoyen d’animer un parti politique, “semblent très restrictives et méritent d’être révisées”.

M. Kadam et ses collègues du MPS ont soutenu que le président de la République, élu au suffrage universel direct sous la bannière d’un parti politique ou d’un regroupement de partis, a le droit comme tout autre citoyen de militer au sein de ce parti, mais sans y assurer des fonctions dirigeantes.

Cela a provoqué un tollé dans les rangs de l’opposition. Son chef de file, Saleh Kebzabo, a dénoncé une marche en arrière vers le parti-Etat où le président de la République est tout: chef de l’Etat et président du parti.

L’autre sujet qui a divisé la majorité et l’opposition parlementaire est l’inamovibilité des magistrats.

“Les magistrats du siège ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à l’autorité de la loi. Ils sont inamovibles”, dispose l’article 151 de la Constitution.

Mais pour la majorité parlementaire, “le principe de l’inamovibilité pose des problèmes quant à la nécessité de la mobilité par l’affectation des magistrats”. Selon elle, seule l’indépendance des magistrats, qui serait déjà garantie par la loi, doit être maintenue dans la Constitution.

Pour l’opposition, on ne peut pas concevoir une justice indépendante sans des juges inamovibles.

“L’indépendance et l’inamovibilité constituent le fondement du pouvoir judiciaire. Ce sont deux notions indissociables, l’une ne exister sans l”autre”, a déclaré le député Néatobei Bidi Valentin, un ancien magistrat reconverti notaire.

Au Tchad, il existe deux catégories de magistrats, correspondant à deux modalités d’exercice de la mission d’application du droit qui leur est confiée: les magistrats du siège (les juges) sont chargés de dire le droit en rendant des décisions de justice; les magistrats du parquet (les procureurs) ont pour fonction de requérir l’application de la loi.

Les magistrats du parquet sont soumis à un principe hiérarchique qui découle de la nature même de leurs fonctions, puisqu’ils sont notamment chargés d’appliquer la politique pénale du gouvernement.

Les magistrats du siège possèdent un statut leur garantissant une indépendance renforcée, par rapport aux membres du parquet.

La Constitution prévoit ainsi leur inamovibilité, afin d’empêcher l’exécutif d’outrepasser l’autorité de nomination et de s’immiscer, par voie de révocation, de suspension ou de déplacement (avancement compris) dans le déroulement de la carrière professionnelle des juges.

“En sautant le principe d’inamovibilité du juge de siège, on le livre au bon vouloir du pouvoir exécutif”, a averti le député Béral Mbaïkoubou, un jeune non-voyant qui a réussi l’exploit de décrocher, en 2011, un des deux sièges du VIème arrondissement de la capitale.

Le barreau des avocats du Tchad s’est invité dans le débat sur l’inamovibilité ou non des magistrats. Arborant leurs toges, les avocats ont fait, dès les premières heures de mardi, une haie d’honneur à l’entrée du Palais du 15 janvier, siège provisoire du Parlement tchadien.

Ils brandissaient des affiches et pancartes sur lesquels l’on pouvait lire: “la séparation des pouvoirs est un principe sacré”, “l’indépendance du pouvoir judiciaire est un gage d’une démocratie “, etc.

Selon la Constitution tchadienne, adoptée par référendum en mars 1996 puis révisée en juillet 2005, l’initiative de la révision appartient concurremment au Président de la République, après décision prise en Conseil des ministres et aux membres de l’Assemblée nationale.

Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision doit être voté à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale.

Mardi, ce sont 155 députés (les 2/3 prévus équivalent à 126) qui ont voté en faveur de la révision de la Constitution. Le nouveau texte devra être soumis au Conseil constitutionnel avant d’être promulgué par le président Déby Itno.