LITTERATURE – Clarisse Nomaye a remporté le prix littéraire féminin  tchadien 2020. Qui est cette avocate – écrivaine à la plume revendicative ? 

Vendredi 3 novembre.  Il est 11 h 10. Clarisse Nomaye, nous reçoit à son bureau. C’est une chance de l’avoir en ce moment à son cabinet. Normalement, elle devait être à  la barre en train de plaider des dossiers pro bono. Le bureau de celle qui est lauréate de la plume féminine de la littérature tchadienne 2020, n’a rien de singulier. Le décor est composé d’une immense table ovale sur laquelle un pile de dossiers et son cinquième ouvrage sont déposés. Un recueil qui lui a valu son prix.

C’est l’histoire d’une jeune femme privée de son adolescence, car mariée à ses 13 ans à un trentenaire.  Choquée, elle fait bouillir de l’eau qu’elle renverse sur son époux et sa coépouse en pleins ébats. Derrière les barreaux , elle affirme : « je me suis sentie plus légère, en liberté. Je me suis sentie libre d’esprit », se remémore-t-elle.

Ce prix est une surprise pour moi. C’est la dernière chose que j’avais en tête. L’objectif de mes écrits, ce n’est pas d’avoir un trophée.  Mais, je vois à travers cette récompense une façon d’encourager les jeunes à lire “, souligne la lauréate avec modestie et large sourire, au sujet du prix qu’elle vient de gagner.

Derrière elle, sa robe d’avocate est accrochée sur un porte-manteau. Visage enchanté, sur sa chaise de patronne du cabinet « Clarisse Nomaye », l’écrivaine tourne les pouces. Le goût de l’écriture, la fille du professeur Nomaye Madana l’a acquis tôt. Au primaire, la fillette intègre le journal de son école et s’attelle à être journaliste. Derrière son rêve de gamine, Clarisse Nomaye forge sa rage contre  les maux dont les femmes sont victimes : injustice, stigmatisation, poids de la tradition…

« Dans notre société, une femme est censée être discrète. Moi, je dis que les femmes doivent prendre la parole, extérioriser leurs douleurs. Elles sont les seules à connaitre leurs difficultés, elles sont les seules à pouvoir  les dire clairement au monde », martèle l’avocate d’un ton grave.  

Clarisse Nomaye sur la trace de parent

Entre le collège évangélique et le  lycée Félix Eboue, celle qui avoue être le fruit de son père décroche son baccalauréat.  Sans attendre, elle s’envole pour le Burkina Faso et s’inscrit à l’université de Ouagadougou. Au pays des hommes intègres, le rêve d’être notaire commence à la fasciner. A l’obtention de sa maitrise en droit privé,  Clarisse Nomaye glisse sur une autre voie :  enseignante. La mère de quatre enfants ne fait pas bon ménage avec la craie. Dans la foulée, elle sort son premier ouvrage en 2012. Dans l’ombre, l’une des rares femmes écrivaines tchadiennes ne s’arrête plus et lutte pour être avocate.

Après clerc au cabinet Mianlengar Pierre, elle est maitre stagiaire au barreau du Tchad. « Sans embuches, ni désorientation », Clarisse Nomaye enfile sa toge d’avocate, en 2018. « Ce n’est pas une profession facile. Dès que vous prenez la parole à la barre,  vous avez en face de vous un adversaire, qui devient  votre ennemi.  Mais quelque part, il faut se défendre », confie-t-elle.

La défense des droits de l’homme, de la veuve, de l’orphelin : la mère de quatre enfants en fait son combat. Sa mission est de faire entendre la voix des [femmes] personnes pauvres.