Le gouvernement tchadien vient de lancer le Projet pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique au Sahel (SWEDD), qui vise à outiller les femmes et les adolescentes à se prendre en charge, à s’occuper de leurs familles, de leurs communautés et partant à participer pleinement au développement de leur pays.

Le projet SWEDD est une initiative régionale, née de la volonté de six chefs d’Etats de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) de renforcer le niveau d’autonomisation des femmes et des adolescentes en vue d’accélérer la transition démographique dans la région. Il se singularise par le fait qu’il se focalise sur les femmes et les adolescentes qui en sont les cibles principales, mais s’intéresse également aux enfants, aux hommes, aux professionnels de la santé, aux responsables gouvernementaux, aux leaders communautaires et religieux, aux membres de la société civile en général qui en sont les cibles secondaires et tertiaires.

Pendant une dizaine de jours, toutes les parties prenantes stratégiques impliquées, réunies à Dougia, à 80 km au nord de N’Djaména, la capitale du Tchad, ont adapté au contexte tchadien des messages et supports de communication, tel que l’a recommandée l’atelier régional tenu du 17 au 27 avril 2017 à Bamako au Mali.

Financé par la Banque mondiale et la Fondation Bill et Melinda Gates pour un montant global de 207 millions USD, il est coordonné par le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP). Au Tchad, il couvre quatre régions, pour un coût de 26,7 millions USD.

A l’instar du Tchad, les pays du Sahel concernés par le projet SWEED sont affectés par la pauvreté, en plus des conflits, des catastrophes naturelles, des épidémies, l’insécurité et la montée du radicalisme. Ils ont aussi en commun des taux de fécondité élevés, des inégalités entre hommes et femmes assez marquées, le chômage accentué des jeunes qui entraînent des taux de dépendance des jeunes très élevés (le rapport entre la population de jeunes inactifs dépendant des personnes ayant un emploi rémunéré pour subvenir à leurs besoins), toutes choses qui concourent à ralentir considérablement le développement socioéconomique des pays.

Pour tirer profit du dividende démographique, il faut investir dans l’éducation, la création d’emplois décents, l’égalité de genre, la santé et la bonne gouvernance“, déclare Youssouf Awaré, un statisticien démographe qui coordonne le projet au Tchad.

Le projet SWEDD s’articule ainsi autour de trois piliers majeurs: l’autonomisation des femmes et des filles (notamment à travers la scolarisation des filles et de la communication pour le changement social et de comportement);  le renforcement de l’accès des populations aux services (produits et personnels) de santé de la reproduction; le développement des capacités d’analyse et de plaidoyer sur le dividende démographique.

Les 6 pays ont certes des politiques pour l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes, mais force est de reconnaître qu’en matière de scolarité, il reste beaucoup à faire quant à l’accès aux ressources, aux soins de santé, puisque les violences basées sur le genre, le mariage précoce, la faible participation aux prises de décision, l’analphabétisme prévalent encore largement“, déplore Aloys Hakizimana, consultant international auprès du projet.

Reconnue comme une condition majeure de l’autonomisation, la scolarisation des filles a certes enregistré de notables progrès dans les pays du continent et du Sahel en particulier, mais de fortes inégalités sont notées entre les filles et les garçons, ajoute-t-il. On enregistre un nombre encore trop élevé de filles qui arrêtent l’école pour des raisons liées au mariage précoce et forcé, aux grossesses précoces, aux violences de toutes sortes, à la pauvreté et aux conceptions traditionnelles sur le rôle et la place de la jeune fille et de la femme. Or, la scolarisation des filles et leur maintien à l’école influe positivement et durablement sur la fécondité de la femme et sa capacité à se prendre en charge, à améliorer sa condition économique et sociale et à garantir une meilleure survie aux enfants.

Le faible accès des jeunes et des femmes en particulier aux emplois, la pauvreté ambiante et la survivance de conceptions et pratiques préjudiciables à leur santé, à leur intégrité physique empêchent les jeunes de mettre leurs énergies créatrices et leur force de travail au services des pays, tout en les fragilisant et les exposant à la récupération des recruteurs des extrémismes de toutes sortes“, explique Youssouf Awaré.

De ce fait, le dividende démographique ne peut pas se gagner de façon automatique, ajoute-t-il. Il suppose la réalisation d’un certain nombre de préalables au nombre desquels une accélération de la transition démographique avec une baisse importante de la fécondité, de la mortalité maternelle et infantile, de la malnutrition, le relèvement de l’éducation des filles et des femmes, un changement des normes et pratiques sociales qui maintiennent les femmes dans la subordination.

Avec le projet régional SWEDD, une réflexion en profondeur a été menée en vue d’une part de maîtriser le contexte socioculturel et d’autre part de développer au travers de projets sur la santé sexuelle et reproductive, la scolarisation des filles et des femmes, le mariage des enfants et l’autonomisation des femmes, des actions d’envergure pour accélérer la transition démographique“, précise le coordonnateur.

Le projet SWEDD s’articule autour de trois composantes principales, véritables leviers sur lesquels reposent ses activités entreprises au niveau régional et national. Ces actions visent à impulser un changement social et culturel, renforcer la disponibilité des services et produits de santé et promouvoir le dividende démographique au niveau politique.

La première composante vise à créer une demande pour les produits et services de santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et nutritionnelle (SRMNIN) en favorisant le changement social et comportemental et l’autonomisation des femmes et des adolescentes; la seconde tend à renforcer les capacités régionales afin d’améliorer l’offre en produits SRMNIN et en personnel qualifié; et la troisième a pour objectif de renforcer le plaidoyer et la concertation de haut niveau menés dans le cadre du projet et à renforcer les capacités pour l’élaboration des politiques et la mise en œuvre du projet.