SANTE – Dans la province du Kanem, les femmes enceintes sont suivies par les matrones au détriment du corps médical, les sages-femmes. Une pratique qui n’est sans risque sur la santé.

Au Kanem, impossible pour une femme enceinte de ne pas se faire suivre par la matrone de son quartier. Ces accoucheuses traditionnelles, qui ont appris la gynécologie avec le temps et l’expérience, suivent les grossesses, détectant l’anémie, les oedèmes allant jusqu’à procéder elles-mêmes à l’accouchement à domicile. Résultat, dans les centres de santé de Kékédina ou Mondo par exemple, peu de femmes donnent naissance.

Si les matrones se sont improvisées sages-femmes en réponse à un manque de structures de santé et de personnel formé, aujourd’hui, elles pourraient passer la main. Mais pour le gouverneur du Kanem, Hassan Terap, les femmes enceintes de sa province ne fréquentent pas les centres de santé parce qu’elles vivent sous l’emprise de la tradition. « Ces femmes ne veulent pas exposer leur nudité devant n’importe qui et surtout devant un homme », illustre-t-il.

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Cette tradition ayant la dent dure, les humanitaires ont décidé de former les matrones, leur donnant un rôle d’accompagnatrices plus que d’accoucheuses. Formées par des médecins appuyés par le Fonds français Muskoka, près de 200 matrones ont appris à détecter les possibles complications et à orienter les patientes vers des centres de santé pour une prise en charge rapide.

Illustration avec deux sages-femmes traditionnelles en plein quartier de Mao. Elles expliquent à la femme enceinte comment accoucher à l’aide de dessins qu’elles appellent “boîte à images”. Mais le succès de cette campagne de sensibilisation réside ailleurs : une récompense de 15 000 francs CFA est donné à la matrone qui encourage une femme en grossesse à accoucher à l’hôpital.

Zénaba Mahamat exerce depuis ses 18 ans

« Quand une femme est en travail, tout ce que je peux faire, c’est de la conduire à l’hôpital. En cas de problème je ne suis pas coupable », confie Zénaba Mahamat, l’une des matrones de Mao. A 75 ans, elle est visiblement une doyenne en la matière. Car dit-elle, c’est depuis l’âge de 18 ans qu’elle a appris à accoucher les femmes.

Zénaba, la doyenne des matrones de Mao

Si la quasi-totalité des femmes de la localité consultent les matrones, Zénaba quant à elle ne les accepte pas toutes. Les femmes en situation de handicap physique et les jeunes filles ne peuvent pas bénéficier de ses services. Raison ? « Les femmes handicapées et les femmes de petite taille présente trop de complication en situation de grossesse », explique-t-elle.

Dans les districts sanitaires et l’hôpital provincial de Mao, les infirmiers apprécient diversement les services des matrones. Pour certains, elles permettent aux femmes enceintes de se faire ausculter par le personnel médical, alors que pour d’autres, elles peuvent avoir des gestes dangereux sur le corps des femmes. Conscient de la situation, « on ne change pas les mentalités en un seul jour », conclut le gouverneur de la province du Kanem.