Le tabagisme est un phénomène plurifactoriel dont les retombées affectent négativement la société toute entière. Il constitue un véritable fléau social et un défi majeur pour la santé publique. Cette situation est d’autant plus inquiétante car, elle prend place dans les modes de vie de la jeunesse tchadienne.

En milieu jeune, le constat est désolant. Alentours des écoles, terrains de sport, restaurants, voies publiques sont allègrement devenus des “espaces fumeurs’’. Cela met en exergue la propension préoccupante que prend le tabagisme actif et passif mais aussi, les ménaces qui pèsent sur l’espoir d’une nation qu’est sa jeunesse. Ses conséquences se manifestent par l’accroissement des dépenses, l’oisiveté, l’invalidité et des décès prématurés.

Emploi et pauvreté                         

Selon la Banque mondiale, le taux élevé de chômage chez les jeunes (11%) du fait de la faiblesse du marché de travail conduit inéluctablement à de nombreux problèmes sociaux, notamment le tabagisme. Classé 185e sur 188 pays d’après l’Indice de développement humain (IDH), avec la majorité de la population vivant sous le seuil de pauvreté, le Tchad fait partie des pays les plus pauvres d’Afrique. 46% des tchadiens vivotent avec 625 francs CFA par jour. Il découle selon l’étude “Tabac et pauvreté au Tchad’’ que, le revenu des fumeurs est essentiellement utilisé pour des biens de consommations alimentaires à hauteur de 61%, pour l’éducation 7%, la santé 5%  et le logement 7%. Le reste de son argent, soit 19%, est attribué à l’achat du tabac.

Les indicateurs sur la prévalence du tabac fournis par d’autres sources (Croix-bleue tchadienne, OMS, ADC, etc.) sont presqu’identiques. La consommation de tabac chez les plus de 13 ans est de 15% avec 11% de consommateurs de cigarettes et 4% de consommateurs d’autres produits du tabac. 21% chez les garçons et 14% chez les filles. Pour l’exposition au tabac, 55% des élèves de 13-15 ans sont autour des personnes qui fument des cigarettes et 34%, vivent avec ces personnes. L’Enquête démographique et de santé à indicateurs multiples (Eds-mics) de 2014-2015 dévoile que le nombre de cigarettes fumées dans les 24H, surplombe les 33 bâtons en moyenne pour la tranche de 20-24 ans. En outre, l’enquête montre que le taux de consommation de la cigarette est en hausse: 11% en milieu rural pour 9% en milieu urbain.

“En effet, les marchés hebdomadaires organisés dans les villages constituent des lieux où se trahit la dépravation des mœurs par l’effet d’imitation des comportements des gens qui viennent des villes. Les jeunes filles et garçons sont les plus vulnérables…’’, explique Samadji Mbangtonou, expert de la question depuis près de 30 ans et SG de la Croix-bleue Tchadienne. Il poursuit que “les villageoises consomment plus de tabac que les citadines. Elles la sucent, la sniffent ou chiquent, prétextant que le tabac, de cette manière, attenue les malaises de carie dentaire et de rhinite. Ce qui est faux’’.

Les interdits

Le tabac demeure la première cause de mortalité aux multiples conséquences fâcheuses, révèle l’OMS. Le tabac contient plus de 4000 substances chimiques toxiques et provoque plus de 60 types de cancers. Au Tchad, les textes sont fermes sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics, la publicité du tabac, etc. Et ce depuis 2010, avec la loi 10 portant lutte anti tabac, taxation et étiquetage. Quelques exemples. “L’article 28: Est passible d’un emprisonnement de 20 jours à 6 mois et d’une amende de 50.000 à 5.000.000 francs, ou l’une de ces peines seulement, quiconque aura enfreint l’interdiction de la publicité du tabac; Article 31: Seront punis d’une amende de 500 à 20.000 francs inclusivement et pourront l’être en outre, de l’emprisonnement jusqu’à 15 jours au plus, ceux qui auront enfreint l’interdiction de fumer (…)’’

Tout le monde doit s’impliquer

Laxisme, incivisme et ignorance. Pour Samadji Mbangtonou, “il faut dire que le Tchadien ne réagit pas, même quand il a la loi avec lui. L’Etat a institué les mesures mais ne peut pas faire le gendarme encore, ni les associations car la responsabilité est indiquée. Dans un débit de boisson, si l’on est indisposé par un fumeur, l’on doit se plaindre au tenancier qui devra rappeler au fumeur qu’ici, il est interdit de fumer. La santé compte, si le fumeur que vous côtoie refuse de se plier, il faut aller se plaindre devant les autorités compétentes et ce dernier sera sanctionné. Malgré nos efforts, personne ne s’indigne alors que faire?’’, s’interroge-t-il. Des supports de signalisation doivent être affichés dans leurs locaux. Aux responsables des commerces d’assurer le respect de la loi. Ils doivent savoir communiquer courtoisement avec le fumeur qui viole l’espace non fumeur, conseille Samadji Mbangtonou.

D’ailleurs, de récentes études montrent que les chiffres d’affaires des hôtels, bars, cafés, discothèques, etc. grimpent quand l’interdiction de fumer est observée. “La lutte antitabac doit s’étendre à l’ensemble du territoire national. Tout le monde doit s’y impliquer pour escompter des résultats concluants car, nous sommes tous touchés’’, alerte Samadji.

C’est dans cette optique que la Croix-bleue tchadienne, à l’instar d’autres associations, milite depuis 1989 par le biais d’activités régulières, ponctuelles et permanentes à savoir: formations ouvertes au public, sensibilisations, mobilisations communautaires, plaidoyers, conseils, accompagnements. Elle est implantée dans 11 provinces du pays et travaille avec 16 établissements scolaires à N’Djaména et 14 sites de conducteurs de mototaxis.

Bactar Frank I.