DEFENSE – Alors que l’Etat-major français confirme de nouvelles frappes dans l’Ennedi le 6 février, la situation au nord du Tchad reste toujours confuse. Mouvements rebelles, terroristes ou autres groupes armés… Le pays semble renouer avec ses vieux démons. Décryptage. 

Après plus d’une décennie d’accalmie, des bruits des bottes sont de plus en plus retentissants au nord du pays, aux confins de la Libye et du Soudan. Les mêmes tendances rebelles ayant échoué à prendre N’Djaména en 2008 semblent s’être reconstituées pour tenter de renverser le régime d’Idriss Déby Itno par les armes. Avec pour nouveauté : la création d’autres mouvements armés, notamment le Conseil de Commandement Militaire pour le Salut de la République (CCMSR). 

Le Gouvernement persiste et signe. Selon les autorités tchadiennes, il n’y a pas de mouvements rebelles dans ces zones. Il n’y a que « des terroristes, des djihadistes, et des narcotrafiquants qui pullulent aux frontières de la Libye », en proie à toutes sortes de violences après la chute de Mouammar Kadhafi. 

Dans cette situation où tout est imbriqué, c’est le flou total. En plus des armes, chaque partie se livre à une guerre de communication. Côté de N’Djaména, c’est presque le silence total. Côté groupes armés, les réseaux sociaux, surtout Facebook, sont utilisés pour diffuser les moindres actions. 

Retour sur Kouri Bougoudi 

Après février 2008, il a fallu attendre le 11 août 2018 pour parler à nouveau des attaques rebelles avec la prise temporaire de la localité de Kouri Bougoudi par les éléments du CCMSR. A la suite de cette attaque dans cette zone aurifère, le gouvernement tchadien a interdit toutes les opérations d’orpaillage. Le ministère de la Sécurité publique avait exhorté les orpailleurs de quitter la zone en une semaine. Après cet ultimatum, des actions de grande envergure ont été engagées pour « nettoyer la zone aurifère ».

En réaction, les communautés de cette province se constituent en un comité d’autodéfense, avec la démission du sous-préfet de Kouri Bougoudi qui a rejoint le mouvement. Ensuite plusieurs autres natifs de Tibesti se rallient : ils estiment qu’on leur refuse d’exploiter les richesses de leur zone. 

Résultat, le gouvernement se retrouve à faire face à plusieurs mouvements rebelles et mécontents, en plus des terroristes et djihadistes. Jusque-là, dans la communication gouvernementale les mots rebelle ou rébellion n’apparaissent pas, en tentant toujours de minimiser les mouvements armés dans le septentrion du pays.

Situation confuse dans l’Ennedi 

Encore dans le communiqué du porte-parole de l’Armée nationale tchadienne (ANT) du 3 février concernant les frappes dans l’Ennedi, les autorités font cas « des mercenaires et terroristes qui écument la partie sud de la Libye ». Le colonel Azem Bermandoa Agouna précise qu’une : « colonne de mercenaires et terroristes a tenté de faire incursion sur le territoire tchadien, a été repérée, neutralisée et mise hors d’état de nuire ». Il assure que « les forces de défense et de sécurité déterminées et engagées demeurent vigilantes et prêtes à faire face à toutes menaces d’où qu’elles viennent ». La rébellion de son côté dit être à l’intérieur du territoire tchadien à 400 kilomètres au sud de la frontière libyenne. Là encore, qui croire ?

En attendant, l’opposition politique exprime son désarroi. Elle estime que si des Tchadiens ont pris les armes pour défendre leurs libertés c’est parce que le régime actuel ne leur a pas donné d’autres possibilités. L’opposition démocratique tchadienne met en garde : la France « s’ingère dans une affaire interne du pays ». 

Le porte-parole adjoint de la CPDC, Poddi Djimé Bichara, va plus loin et prévient : « si la France est en train de perdre la Centrafrique à cause de ses ingérences internes, elle perdra également le Tchad si elle n’arrête pas de s’interférer dans les conflits tchado-tchadien en soutenant toujours le régime en place. »

La réaction du parti au pouvoir ne s’est pas fait attendre

Dans un communiqué publié le 6 février, le secrétaire général du MPS, M. Mahamat Zen Bada déclare que : « tous les ennemis de la République, qu’ils soient de l’intérieur ou de l’extérieur, seront traités comme tels et avec la dernière sévérité ». Pour le secrétaire général du MPS, puisque le tintamarre de ces derniers temps est provoqué par certains chefs de partis politiques, non contents et attristés par l’anéantissement d’une colonne d’aventuriers terroristes en provenance de la Libye, le Bureau Politique National pense que le temps du recadrage est venu.