En marge de la Semaine nationale de la femme tchadienne ( SENAFET), Tchadinfos vous propose une série de portraits des femmes qui influencent positivement leurs communautés, à travers leurs actions. Aujourd’hui, la fondatrice de la Fondation Dieu bénit est à l’honneur.

Le social la définit. Cet élan de tendresse et de soutien surtout à l’endroit des enfants démunis, Nadjimbaïdjé Séphora, la fondatrice de la Fondation Dieu bénit, a su le cultiver dès son jeune âge. Pendant et après la guerre civile de 1979, elle portait déjà secours à ses proches et autres personnes victimes de cette tragédie. La nature de ces aides : de la nourriture et des conseils, entre autres. Et cela, malgré sa situation sociale qui était peu enviable.’’ J’avais perdu très tôt mon papa. Ici au Tchad, quand on perd les parents, c’est seulement pendant ces jours que les proches s’occupent des orphelins. Mais quand le deuil finit, on oublie les enfants’’, raconte-t-elle.

Une situation qui l’éprouve durement. Mais pour Séphora, il n’était pas question de baisser les bras. Hormis le regard attentionné de leur mère, qui devait, à travers des petits commerces, prendre en charge ses huit enfants, Séphora mettait aussi à profit les vacances scolaires pour vendre notamment les cubes maggis. Aller à l’école à chaque nouvelle rentrée est un impératif. Il fallait la préparer. Encore et encore. C’est ce qu’essayait de faire la jeune fille qu’elle était. C’était sans compter sur une céphalée qui allait la terrasser pendant deux ans. Une autre épreuve difficile. Pendant ce temps, l’originaire du Mandoul s’est vu obligé de tout mettre aux arrêts.

Le mal était profond. ‘’Dieu merci ! J’ai repris l’école par la suite’’, a-t-elle confié d’un ton assuré. Partie de l’école publique Annexe d’Ardep Djoumal, un quartier qui l’a vu naitre, la femme du diplomate qu’elle sera, a franchi patiemment les étapes. Elle avait passé par la case femme au foyer. Faisant preuve d’un dépassement de soi, elle joint les tâches ménagères aux études, et parvint à décrocher son baccalauréat au Lycée Technique commercial de N’Djaména en 1993.

Elle s’envole ensuite, pour une mission au Cameroun, avec son mari. Sur place, Séphora s’inscrit en secrétariat de direction à l’institut Siantou de Yaoundé pour suivre ses études supérieures. Diplôme en poche mais ne pouvant pas travailler, à cause de son statut de femme de diplomate, elle se consacra à sa passion : œuvrer aux cotés des démunis. ‘’Le déclic s’est produit au Cameroun. Certains jeunes tchadiens qui partent pour étudier sont issus d’une famille pauvre, je les inscrivais à l’école et les conseillais’’, indique-t-elle.

Après plusieurs missions aux côtés de son époux à l’étranger, la maman de deux enfants (un garçon et une fille), décida de regagner le pays. La raison : elle prenait de l’âge et ce retour lui permettrait de donner un coup de main aux jeunes déscolarisés. ’’Au début, pour moi, c’était d’abord d’apprendre les petits métiers tels que la couture, la teinture, la sérigraphie, le tricotage à ceux qui ont dépassé l’âge scolaire… quelques mois après, mon mari a constaté que certains enfants dormaient à l’entrée’’. C’est de ce constat que, de fil en aiguille, la Fondation Dieu bénit verra le jour le 11 décembre 2011. ‘’Je leur ai demandé d’entrer. On prenait le petit déjeuner ensemble. Ils étaient des sans-abri, il fallait leur donner un toit. Il fallait louer au départ et c’était au quartier Boutalbagar. J’ai commencé avec 23 enfants’’, se remémore-t-elle.

Devanture du siège de la Fondation Dieu bénit (Quartier Gassi à N’Djaména)

Aujourd’hui, le projet a pris de l’ampleur et les difficultés sont les mêmes.’’ La prise en charge est holistique. Elle concerne des domaines tels que l’éducation, la santé et l’alimentation des enfants. Nous disposons d’un centre de formation en couture qui compte 54 apprenants. Il y a aussi une école primaire qui reçoit les enfants de la fondation et ceux d’ailleurs. Cette école, nous permet d’avoir un peu de moyens pour payer les enseignants, et ceux de l’intérieur en bénéficient. Je fais aussi le plaidoyer pour compléter nos ressources parce que les enfants sont nombreux. Certaines institutions nous donnent de l’aide mais ce n’est pas suffisant’’, déplore-t-elle.

Quand je vais dans des centres de santé, rajoute-t-elle, il faut d’abord payer alors que quelque fois, je n’ai pas de liquidité. ‘’Et un enfant est malade, qu’est-ce que je dois faire? Il y avait une année, j’avais vraiment pleuré. Il y avait une fille qui avait une occlusion intestinale. Il fallait l’opérer à l’hôpital moderne. Pour que l’intervention ait lieu, il fallait que je mette ma carte de travail. J’ai supplié. J’ai pris des engagements et ils ont compris. J’ai payé cette dette pendant pratiquement six mois ‘’, retrace-t-elle.

La cour de la Fondation Dieu bénit

Mais la quinquagénaire ne s’est pas découragée. Sa plus grande satisfaction est, dit-elle, la vie que dégage ces enfants.’’ Je puise ma force dans la vie de ces enfants. Parce que quand j’entre ici, on m’appelle maman, maman ! Alors là, je suis au top. Ça me donne vraiment le tonus. Je peux ne pas manger deux jours”, se réjouit Séphora. Une autre belle expérience qu’elle retient, c’est l’histoire d’un jeune qui a été récupéré au marché de Dembé à l’âge de huit ans. Actuellement, il fait son Master 2 en Gestion des ressources humaines à l’université de N’Gaounderé. Les enfants démunis de la Fondation Dieu bénit, viennent de la rue et de certaines familles démunies.

Un élève de l’école ”La gaieté” de la Fondation Dieu bénit

Quelque fois, ‘’c’est les voisins qui nous appellent par rapport à la maltraitance des enfants. On joue la médiation. En plus de N’Djaména, la Fondation dispose de deux Centres à Moissala et Kelo, au sud du pays et des contacts au Lac Tchad. Les enfants réinsérés sont suivis sur le plan éducatif dans 91 familles’’. A ce sujet, la Fondation compte ouvrir un collège pour mieux encadrer ses apprenants. La maman des orphelins, dit avoir un ‘’cœur en or’’. L’abandon de son poste de secrétaire de direction dans une institution de la place pour se consacrer entièrement à la fondation en est, selon elle, une illustration. ‘’ Ces enfants ont besoin de l’aide. Le moi n’existe pas chez moi. Quand ils viennent sales, je préfère moi-même les nettoyer et non mes collègues parce que c’est moi la maman ! ‘’, dit-elle toute souriante. Dans le cadre de la Semaine nationale de la femme tchadienne ( SENAFET), Nadjimbaïdjé Séphora, invite ses sœurs à être des entreprenantes, des femmes qui boostent leurs maris.