Entre archaïsme et conditions de travail précaires, les fabricants de marmite made in Tchad excellent dans leur domaine. Immersion dans le plus grand atelier de fabrication de N’Djamena. Reportage.

A l’entrée sud du quartier Ridina, dans le 5e arrondissement de N’Djamena, on sent une odeur de brûlé qui flotte dans l’air. L’endroit est modeste, clôturé par des tôles rouillées. Un hangar de fortune se dresse au milieu de la cour où travaillent 14 employés. Chacun exécute une tâche spécifique. Le propriétaire de l’atelier scrute les faits et gestes de ses employés.

Ici, dans le plus grand atelier de fabrication de marmite au Tchad, rien ne se fait au hasard. L’activité est archaïque et artisanale certes, mais elle nécessite une grande précision. « Toute erreur peut fausser le processus de fabrication », confirme Abakar Adoum, qui gère l’entreprise depuis 15 ans. 

Tout commence par la collecte de l’aluminium, matière première de fabrication. Les carcasses de moteurs des véhicules et des motos, des fils électriques usés, les canettes de boisson, … Bref tout ce qui contient de l’aluminium est récupérable.

« Nous avons un large réseau avec des garagistes qui nous amènent des pièces défectueuses ; des agents de le SNE [Société nationale d’électricité] qui nous apportent des fils électriques qui ne fonctionnent pas ; des femmes des casseroles déjà usées et même avec des enfants qui ramassent des canettes dans les rues », indique Abakar Adoum. 

Ces matériaux sont mis dans une fosse d’un mètre carré et fondent pendant deux heures sous une température très élevée. Comme à la forge, un employé est chargé de souffler sur le feu et un autre de contrôler le processus de liquéfaction et d’enlever les résidus qui remontent à la surface grâce à un long instrument. Cela permet de s’éloigner de la chaleur infernale dégagée par le bouillonnement de l’aluminium.

Un ouvrier dans l’atelier de fabrique de marmite made in Tchad au quartier Ridina. Photo: Almardi/Tchadinfos.com

Une autre équipe s’active pour préparer les moules à base d’argile pendant que d’autres préparent les carcasses qui seront fondues après la première opération.  

La dernière étape est la plus décisive. D’autant qu’elle mobilise tous les employés. Elle consiste à verser l’aluminium fondu dans les moules. Cinq minutes après l’opération, les marmites sont déjà prêtes. 

Un ouvrier démoulant les marmites fabriquées Photo: Almardi/Tchadinfos.com

Ainsi, plus de 150 marmites de toutes les formes sont fabriquées par jour. Les prix varient en fonction de la taille et du poids. Par exemple celle de 6 kg est vendue à 4 000 francs CFA. « Mais ici on traite plus avec les grossistes », informe le gérant de l’atelier. 

De cet atelier sortent ainsi les marmites utilisées dans tout le pays et exportées par les commerçants grossistes vers les pays voisins comme le Soudan. D’après Abakar Adoum, le secret de sa fabrication réside dans la qualité de la matière première utilisée. A l’en croire, des bourma importées du Nigeria sont faites à base de mélange d’autres métaux et même du ciment, c’est pourquoi elles peuvent se briser lorsqu’elles tombent. « Nos marmites sont 100 % aluminium et plus résistantes », soutient-il, avec fierté.