La série de portraits des femmes qui se démarquent par leurs actions dans leurs communautés se poursuit. Après la fondatrice de la Fondation Dieu bénit, découvrons la mécène Sarah Noudjalbaye. C’est dans le cadre de la Semaine nationale de la femme tchadienne ( SENAFET).

Elle est plus que mignardée dans le milieu culturel. Ecoutez un seul morceau de l’artiste musicien Baton Magic ou de l’orchestre Soubyanna Music, et vous vous rendrez très vite à l’évidence. Tant les termes affectifs et qualificatifs comme ‘’ maman des artistes’’, ‘’ la femme au cœur grand’’ reviennent à n’en point compter pour la designer. Mais lorsqu’on évoque ce sujet, Sarah Noudjalbaye se montre gênée. Elle hésite. ‘’Quand on tend la main à quelqu’un, ça m’embête beaucoup d’en parler. Je le fais dans mon élan de cœur’’, indique-t-elle.

Puis se relâche un tout petit peu. “A l’époque, j’organisais des levées de fonds, et cela a bien marché. J’aide certains artistes à cause de mes relations. Je suis quelqu’un qui peut soulever la masse. C’est ma force. Avec Soubyanna Music, Ricardo et Baye Kaman en 2004, on a organisé une soirée et cela a très bien marché’’, se souvient-elle. Plongée dans le monde artistique avec ses réalités, Sarah Noudjalbaye coachait certains artistes.

Quand elle le pouvait, dit-elle, elle tendait les bras à ceux qui étaient dans le besoin. Chemin faisant, le social s’est intégré dans son champ d’action. “J’ai dit on ne peut pas s’arrêter là. C’est comme ça qu’on a élargi nos actions pour prendre les séropositifs du VIH/SIDA. Il était question de passer un message : celui de dire que ce n’est pas la maladie qui tuait les gens mais c’est la faim. Je supposais que pour avaler un médicament, il fallait bien manger. Or les gens étaient limités’’, remarque-t-elle.

Pour la quadragénaire, les gens avaient aussi honte. Il était alors question de les emmener à faire des témoignages à visage découvert. ‘’Parce qu’il ne faut pas se voiler la face. Je connais beaucoup de gens qui sont morts de cette maladie dans ma famille. Après c’était Noël avec les enfants vivants avec le VIH’’. Ces actions caritatives, Sarah Noudjalbaye, les a faites siennes après son entrée dans le monde professionnel.

C’est fort d’un brevet en secrétariat et communication obtenu au bout de quatre ans à Paris en France que la native de Gabolo, dans le Mandoul, a commencé à s’insérer dans la vie active en 1999. Sarah a fait ses premiers pas au Fonds national d’appui à la formation professionnelle (FONAP). ‘’Il y avait un partenariat avec le service allemand de développement, j’étais d’abord assistante de l’assistant technique. Après son départ, j’assurais l’intérim pendant un moment. Après j’étais nommée cheffe de service recouvrement. Ensuite, j’étais chargée des relations publiques’’, énumère-t-elle.

Depuis deux ans, elle est la cheffe de gestion du personnel et des relations publiques, totalisant 21 ans au sein de la même institution. Un parcours jalonné de difficultés qu’elle préfère taire.’’ Dans le milieu professionnel, on apprend toujours. Travailler avec les hommes, ce n’est pas évident. Il y a des choses positives et celles négatives. Mais c’est tout cela qui nous forge. On essaye de surmonter les difficultés pour bien travailler et c’est tout. Mais c’est passionnant. Le travail libère l’homme’’, siffle-t-elle.

Parallèlement à sa vie professionnelle, Sarah s’occupe de son époux et son deuxième fils âgé de 12 ans. Sa fille ainée âgée de 33 ans est mariée et a une fille, faisant d’elle une grand-mère. Comme beaucoup d’enfants nés dans les années 1970, Sarah a eu une enfance qui fut marquée par des ‘’ hauts et des bas’’. ‘’Des parents qui étaient dans de bonnes postures, après le coup d’Etat de 1975, s’étaient retrouvés en prison. Après cet évènement, on s’est retrouvé à Koumra. Mais Dieu nous a toujours fait grâce ’’, s’exclame-t-elle.

Revenant sur l’univers artistique tchadien, surtout musical, celle qui est issue d’une famille polygame dit qu’il faut être fier des artistes tels que KKJ, Sultan, Baton Magic.’’ Il faut croire en eux’’, lâche-t-elle. ‘’Maintenant, c’est un problème d’accompagnement. Les mesures d’accompagnement sont limitées. Aujourd’hui, quand il y a des soirées, il n’y a pas de sponsors. Or ailleurs, les sponsors courent après les gens’’, observe-t-elle.

S’agissant de l’état d’esprit de ses ”soeurs tchadiennes”, Sarah estime qu’il y a beaucoup de changements aujourd’hui. ‘’Il y a une fille qui conduit une grue. Et beaucoup de femmes sont dans des places qui sont réservées aux hommes. Il faut aider les femmes à s’émanciper. C’est ce que nous faisons déjà au niveau du FONAP avec des formations dans la coiffure, la couture pour l’insertion des filles mères. Nous les accompagnons pour qu’elles puissent s’installer. Et beaucoup prennent conscience’’, se félicite-t-elle.