SOCIETE – Les services de pompes funèbres marchent au point où les menuisiers fabriquent d’avance des cercueils, appelés “cercueils prêt-à-porter” et se font traiter des noms de tous les oiseaux.

Une petite excursion sur l’avenue Pascal Yoadoumnadji confirme que les ateliers de menuiserie des pompes funèbres nourrissent bien leurs hommes. Cette voie bitumée est longée d’ateliers qui foisonnent comme du champignon.

Quelques menuisiers accostés là racontent leur routine. Dounia Erebé scie, rabote et martèle dans un atelier de cet axe appartenant à un infirmier de l’hôpital général de référence nationale depuis 4 ans. Il y travaille avec 2 autres employés. Marié et père de 4 enfants,  l’activité menuisière est son unique source de revenus. Ici, la menuiserie est exclusivement relative à la conception de cercueils. Il y en a de toutes formes, tailles et couleurs. Faits en panneau, en bois rouge ou en bois blanc, avec des prix variant entre 70.000 et 300.000 francs. Il est 15h, Dounia reçoit son 6e client de la journée. Les deux clients viennent régler une facture de 65.000 francs et exigent que le cercueil soit prêt d’ici demain. Hélas! On n’a que 57.000 francs. Dounia leur intime de revenir demain avec le reste. L’un ironise: “laisse-nous prendre du  thé avec (…)”.

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A quelques pas, la pompe funébre “Ago me taa”. Marma Kalbang travaille avec ses frères ici depuis près de 7 ans. C’est une entreprise familiale. Quotidiennement, au moins 4 cercueils sont vendus. Marma a abandonné la fabrication de tables, penderies, guéridons pour se consacrer aux cercueils, plus rentables et faciles vendre car, “chaque jour, il y a des morts“, dit-il. Des cercueils faits en panneau (80.000 francs), en bois blanc, etc. figurent sur leurs prestations. Il y a un peu, “on a vendu 13 caisses valises en bois rouge et intérieur zinc à 350.000 francs l’unité. Avant il n’y avait que des commandes et ça prenait du temps. Maintenant, on en fabrique des modèles standards appelés cercueils prêt-à-porter“, renseigne le bonhomme. “Avec les nombreux cas d’accidents, de noyades, etc. on conçoit au moins 2 cercueils par jour“, ajoute-il sombrement. Il a déjà livré des cercueils coûtant 700.000, 800.000 francs pour de grandes entreprises.

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Si leur activité leur prodigue biens et argent, il faut remarquer que d’aucuns ne la voient pas de cet œil. Tradition, préjugé ou superstition, les tenanciers de pompes funèbres sont sujets de sarcasmes, insultes et mépris. Marma confie que très souvent, “les passants les conspuent, les dévisagent ou évitent de les regarder, pour les plus superstitieux“. Quant à Dounia, il raconte: “nous sommes la risée des étudiants et des passants des bus qui ne manquent pas une occasion de nous traiter de sorciers, commerçants de la mort ou menuisiers qui préparent la mort d’autrui d’avance (…)“.

BACTAR Frank I.