SOCIETE – L’axe principal reliant la province du Guéra à celle du Salamat devient de plus en plus impraticable, alors qu’elle est censée être une voie de commerce. Pourtant, la première pierre pour la construction de cette voie a été posée en 2015. Que s’est-il passé jusqu’à là ? Pourquoi les travaux tardent-ils à se concrétiser ? Fatigue, découragement… Je vous raconte ma plus longue demi-journée dans le Salamat.

270 kilomètres. Rien que cette distance-là. Pas plus, ni moins. Vous vous dites certainement, 270 km seulement.  Mais non ! C’est une petite distance d’un long calvaire.

Au milieu d’un lobe extraordinaire, sous le regard pensif d’une jolie femme à la courbe impressionnante, couchée de dos, délimitant toute la ville. Roulant entre les arbustes aux odeurs de la limonade et les bœufs qui pâturent dans la contrée, stupéfait, je me demande où sommes-nous exactement? Nous sommes dans la ville de Mongo et cette belle femme n’est rien d’autre que la reine du Guéra.

Comme des voleurs, nous sommes pressés de rebrousser chemin. Direction : Am-Timan, dans la province du Salamat. La prière est faite très rapidement, les tasses de café aussi, sont prises. Notre convoi reprend sa route. Je suis très excité d’aller vers des aventures nouvelles. Tellement excité que je demandais à Abdou, notre chauffeur le temps qu’il faudra pour arriver dans cette région des bassins, Aka, le grenier du Tchad. 

Abdou ne connaissait pas lui aussi. Mais la maman qui est à côté de lui m’a répondu. ” Mon fils, il nous reste encore beaucoup. Si c’est très tôt, nous serions à Am-Timan à 15 heures “, répond d’un air décevant, Kaltouma. Scandaleux ! Comment faire plus de 6 heures de voyage rien que pour une petite distance de 270 kilomètres? Pendant que je cogitais encore, soudain, notre véhicule rentre dans un trou : c’est ici que s’arrête mon ” Canan“. J’allais dire, c’est la fin du goudron et bonjour la terre ferme. Un premier trou, un deuxième, ainsi de suite. Ici, commence ma longue demi-journée. 

Un chemin de croix 

Secousses, eaux et barrières de pluie, contournements, des pistes sans suite… C’est en bravant toutes ces épreuves que nous avancions, lentement je dirai. Mais aussi surement. Car, cette route ne permet pas de rouler à plus de 40 kilomètres par heure et garder le véhicule en bon état. Tout compte fait, Abdou, notre conducteur avance. 

Il retrouve au bout d’une trentaine de minutes un tronçon couvert de latérite. Un ouf de soulagement. ” Je peux dormir en paix “, me dis-je. Mais c’est un enjaillement précoce.  Le dur calvaire est devant. Nous sommes à 11 heures, et la moitié du trajet n’est pas encore faite.  

Nous nous arrêtons, au milieu de nulle part. ” Je dois m’assurer que les roues de la voiture sont bien fixées. Vu l’état de la route, il est important de vérifier de temps à autre “, explique Abdou. Une dizaine de minutes, il redémarre et nous revoilà en route . Je me pose des questions au fort intérieur de moi : comment une région censée être le grenier d’un pays peut avoir une route pareille ? Comme l’économie de cette province peut-elle se developper ? 

Des interrogations que je décide de les soumettre à maman Kaltouma. « Cet axe Mongo – Am-Timan que tu vois devrait être goudronné. La première pierre pour la construction de cette route a été posée en 2015. » Quoi ? En 2015 ? Incroyable ! Mais pourquoi les travaux n’ont jamais commencé ? Cette question, je la réserve pour Am-Timan. 

Contre vents et marées, nous avancions. Pendant ce temps, nous sommes à 14 heures. Ici, c’est Afous, un village situé à 20 kilomètres de notre destination. Ce n’est pas fini. 

En avançant, nous apercevons deux ponts cassés. Une troupe de gros porteurs se stationne. Raison : ils ne peuvent pas bouger; car, le chemin vers Am-Timan n’est accessible qu’avec les petites voitures. Il fallut attendre une bonne heure. Mais, nous passons quand même. 

La fin du long calvaire 

Nous sommes arrivés, nous sommes à Am-Timan. Dès l’entrée de la ville, des pêcheurs nous accueillaient du regard. Des tas de poissons exposés tout au long de l’artère. J’observais la bouche et les yeux grandement ouverts. Qu’est-ce qu’ils sont impressionnants ? 

Chemin faisant, nous arrivions chez nos hôtes. Envahi par la fatigue, je descendais nonchalamment pour saluer le chef de canton Hémat, Hamit. Il me souriait et demandait comment était le voyage? Il le savait, il a conscience de l’état de la route. Je répondais avec un soupir. Il a compris ! 

La crise pétrolière, l’écroulement du barrage…

Je profite de notre passage chez le chef Hamit pour m’entretenir avec lui. Là, je trouve enfin une réponse à ma question relative au non démarrage du chantier de construction de la route. ” On m’a expliqué que la chute de prix du pétrole est une première raison. Aussi, l’écroulement du pont à l’entrée de la ville. Ce pont aurait été la cause de la déviation des eaux. Conséquence : les eaux de pluies se déversent toutes vers la grande voie. Impossible de construire”, m’explique-t-il. De visu, il me paraît lui-même pas convaincu des raisons avancées. Mais ça, ce n’est que mon avis. 

Je quittais de là pour aller me reposer. Demain est un autre jour avec des défis nouveaux. 

Transport difficile des denrées alimentaires vers les provinces voisines

J’entendais des voix s’élever de partout. C’est les Mamounes qui appelaient pour la première prière (musulman) de la journée. Pour moi, ce n’est qu’une erreur puisque ma paisible nuit venait de commencer. Mais non, c’est 3 heures du matin. Le temps allait vite. Je dirais même très très vite. Avec la fatigue de la veille, je ne voyais pas la nuit passer. 

Le jour se levait. Nous nous apprêtions à faire le tour de la ville. Première destination : le marché de la ville d’Am-Timan. Nous partions avec Habib, un jeune garçon de maison de mes hôtes. 

Nous arrivions au marché. Cette année, les récoltes ne s’annoncent pas fructueuses. Le mobile : l’impact négatif des fortes pluies . 

Tout compte fait, il ne manquait pas de quoi vivre et vendre en dehors de la ville. C’est d’ailleurs ce que m’expliquait Halimé, vendeuse de poissons. Elle exerce ce métier, l’un des plus pratiqués de la province, depuis une décennie.  « Nous avons assez de poissons frais qu’on ne peut pas amener vers Mongo ou N’djamena pour vendre. Car, ils ne peuvent pas arriver en bon état. On ne peut pas aussi les conserver ici parce qu’il n’y a pas d’électricité. Nous sommes obligés de les faire sécher . Et même ça, nous n’arrivons pas à les envoyer en dehors de la province vu le mauvais état dans lequel se trouve la route».

Comme Halimé, une grande partie de la population du Salamat est dans cette impasse. Un appel est lancé aux autorités compétentes de sortir cette population enclavée de cet enclos. J’espère revenir une prochaine fois en toute aisance. Wait and see !