Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Tchad sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies à Genève, M. Bamanga Abbas Malloum, a fait valoir qu’un Comité national de dialogue politique composé des partis politiques de la majorité, de l’opposition et des représentants de la société civile a été mis en place en 2013. Il a en outre indiqué que code des personnes et de la famille, actuellement dans un processus de réforme, permettra de résoudre la question de conformité avec le Pacte des matières régies par les coutumes. La réforme en cours du code pénal tchadien reprend la définition de la torture telle qu’énoncée dans les instruments internationaux. Il existe en outre un moratoire de fait sur la peine de mort et, depuis plus d’une décennie, il n’y a pas eu de condamnations à la peine capitale. Au sujet des «événements de 2008», M. Malloum a indiqué qu’une information judiciaire a été ouverte sur plainte du Gouvernement pour crimes de guerre et contre l’humanité commis par les rebelles et leurs complices lors de leur pénétration en territoire national; l’information a été clôturée par une ordonnance de non-lieu rendue le 22 juillet 2013. Le Représentant permanent du Tchad a précisé que certaines victimes des événements de 2008 ont reçu une indemnisation.

La délégation tchadienne était également composée de représentants du Ministère des droits de l’homme et de la promotion des libertés fondamentales; du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de la justice; et du Ministère de l’action sociale, de la solidarité nationale et de la famille. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s’agissant, notamment, du projet de loi visant à rendre la Commission nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris; de l’invocabilité du Pacte devant les juridictions internes; de la réforme en cours du code de la famille; de l’application de la peine de mort; du degré de coopération avec la société civile; des châtiments corporels; des réfugiés; de la lutte contre le recrutement d’enfants-soldats; du travail des enfants; de la condamnation de journalistes; des pratiques d’expropriation; ou encore de l’indépendance de la justice.

Plusieurs membres du Comité ont affirmé que des progrès ont incontestablement été faits au Tchad en matière d’application des normes internationales des droits de l’homme, en particulier dans le cadre de la Constitution. Mais les lois coutumières restent fondamentalement discriminatoires, notamment en matière de mariage et de succession. Des inquiétudes ont en outre été exprimées au sujet d’informations faisant état de centres de détention aux mains de chefs locaux, en dehors de toute réglementation légale. Des préoccupations ont par ailleurs été exprimées s’agissant du non-lieu prononcé dans l’affaire de disparition forcée concernant Ibni Oumar Mahamat Saleh, et que les enquêtes doivent donc se poursuivre. Plusieurs experts ont en outre fait part de leurs préoccupations au sujet de cas de ventes d’enfants et de l’absence de mesures concrètes prises pour protéger les enfants contre le travail forcé.

Le Comité adoptera en séance privée ses observations finales sur le rapport du Tchad et les rendra publiques à l’issue de la session, dont les travaux se terminent le vendredi 28 mars prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Népal (CCPR/C/NPL/2).

Présentation du rapport du Tchad

Présentant le rapport du Tchad (CCPR/C/TCD/2), le Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies à Genève, M. BAMANGA ABBAS MALLOUM, a réitéré les remerciements de son pays au système des Nations Unies et aux pays qui ont permis l’élection du Tchad comme membre non permanent du Conseil de sécurité. Il a en outre manifesté la disponibilité du Tchad pour œuvrer à la paix dans la sous-région, notamment par sa présence au Mali, et en Centrafrique.

Après avoir souligné que son gouvernement œuvrait pour la recherche de la paix et la consolidation des acquis démocratiques, M. Malloum a rappelé que des élections législatives, présidentielles et communales ont été organisées respectivement en 2011 et 2012. Un nouvel organe politique dénommé Comité national de dialogue politique composé des partis politiques de la majorité présidentielle, de l’opposition démocratique et des représentants de la société civile a été mis en place en 2013pour instaurer un dialogue permanent entre l’opposition et le parti au pouvoir. En outre, une nouvelle commission électorale nationale indépendante a été créée et ses membres nommés par décret ont prêté serment devant la Cour suprême. Le représentant a aussi fait valoir que des lois et décrets ont été adoptés par le Gouvernement tchadien pour encourager le pluralisme politique.

Pour assurer le respect de ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme, le Gouvernement a créé, par un arrêté du 12 décembre 2011, un comité interministériel de suivi des instruments internationaux en matière de droits de l’homme, présidé par le Secrétaire général du Ministère des droits de l’homme et de la promotion des libertés fondamentales, et composé notamment de représentants de la société civile. M. Malloum a assuré que le Gouvernement tchadien s’était attelé à mettre en œuvre les recommandations qui lui avaient été adressées à l’issue de l’examen de son rapport initial. La plupart des recommandations ont été mises en œuvre, certaines sont en voie de l’être et d’autres sont au centre des préoccupations du Gouvernement.

Le Gouvernement tchadien a organisé en mars 2010 un forum national sur les droits de l’homme dont les recommandations ont permis d’élaborer un plan d’action national des droits de l’homme techniquement validé, qui attend son adoption, a par ailleurs souligné le Représentant permanent. Le Gouvernement a organisé un atelier inclusif sur la réforme et l’harmonisation de la Commission nationale des droits de l’homme en vue de sa conformité avec les Principes de Paris; le projet de loi est en cours d’examen par le Gouvernement.

La volonté du Gouvernement de combattre la discrimination sous toutes ses formes est clairement exprimée à travers la Constitution tchadienne, qui dispose en son article 14 que «l’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale. Il a le devoir de veiller à toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme et d’assurer la protection de ses droits dans tous les domaines de la vie privée et publique», a poursuivi M. Malloum. Même si la définition de la discrimination n’est pas clairement énoncée dans la législation nationale, les juridictions tchadiennes n’hésitent pas à sanctionner les pratiques discriminatoires, a-t-il assuré. Conscient que les pesanteurs socioculturelles constituent un handicap pour l’épanouissement des femmes, le Gouvernement et ses partenaires mènent des actions de sensibilisation contre les mutilations génitales féminines et les violences domestiques. En outre, la loi du 15 avril 2002 portant promotion de la santé de reproduction interdit les mutilations génitales féminines, les mariages précoces et les violences domestiques et sexuelles. M. Malloum a indiqué que le processus de réforme du code des personnes et de la famille est en cours et que «l’adoption de ce code permettra de résoudre la question de conformité des matières régies par les coutumes au Pacte».

Le Représentant permanent du Tchad a par ailleurs indiqué qu’il existe en réalité un moratoire de fait sur la peine de mort : depuis plus d’une décennie, il n’y a pas eu de condamnations à la peine capitale.

Une information judiciaire a été ouverte sur des allégations d’exécutions extrajudiciaires, a poursuivi M. Malloum, avant d’indiquer que les instructions judiciaires n’ont pas permis d’identifier les auteurs des exécutions; cependant, le Gouvernement reste attentif à toutes les informations pouvant conduire à l’identification des auteurs de tels actes.

La réforme en cours du code pénal tchadien reprend la définition de la torture telle qu’énoncée dans les instruments internationaux, a en outre fait valoir M. Malloum, ajoutant que le projet de code pénal punit sévèrement la torture en son article 376. «La peine est un emprisonnement de dix à vingt ans lorsque la torture cause à la victime la privation permanente de l’usage de tout ou partie d’un membre, d’un organe ou d’un sens», a-t-il précisé. Cependant, la réforme ne prévoit pas un mécanisme spécial de traitement des plaintes contre les forces de défense et de sécurité; celles-ci sont astreintes aux mêmes textes que les autres citoyens et toutes les plaintes émanant des victimes sont adressées aux parquets des juridictions compétentes.

Au sujet des événements de 2008, M. Malloum a rappelé que le Gouvernement avait créé une Commission d’enquête et que, sur la base de ces conclusions, une plainte contre X a été déposée par le Gouvernement pour les crimes de guerre et contre l’humanité commis par les rebelles et leurs complices lors de leur pénétration en territoire national. Une information judiciaire a été ouverte et le magistrat instructeur a clôturé l’information par une ordonnance de non-lieu rendue le 22 juillet 2013. Certaines victimes des événements de 2008 ont été indemnisées à hauteur de 700 millions de francs CFA, a-t-il ajouté.

L’année 2013 a été marquée par une étape importante en ce qu’elle a permis de déclencher des poursuites contre Hissène Habré pour des crimes commis sous son règne, a poursuivi M. Malloum. En effet, a-t-il rappelé, celui-ci a été inculpé au Sénégal, conformément à la volonté de l’Union africaine. Certains de ses complices sont actuellement en détention au Tchad, a-t-il précisé, ajoutant que les chambres africaines instruisent des dossiers des victimes. Des missions d’investigation se sont en rendues plusieurs fois au Tchad, des témoins ont été auditionnés et l’instruction suit son cours.

M. Malloum a ensuite rendu compte des mesures législatives et réglementaires prises par le Gouvernement pour améliorer les conditions de détention, lutter contre les détentions arbitraires et secrètes ainsi que contre les châtiments corporels et la traite de personnes. La nouvelle loi pénitentiaire d’avril 2011 consacre les droits fondamentaux des détenus, notamment leur régime alimentaire, la séparation des mineurs des adultes et des femmes des hommes. Conformément au code de procédure pénale, la durée de garde à vue est de 48 heures et peut être prorogée pour 72 heures par une autorisation expresse du Procureur, a en outre souligné le Représentant permanent. Quant à la détention préventive, le projet de code de procédure pénale prévoit en son article 307 que sa durée est de six mois pour les délits et un an pour les crimes. L’inspection des services judiciaires ainsi que la direction générale de l’administration pénitentiaire veillent aux conditions de détention dans les maisons d’arrêt, y compris les cas de détention préventive prolongée. Le Garde des sceaux a donné instruction aux procureurs de faire des descentes inopinées dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie, a en outre indiqué M. Malloum.

Depuis 2003 jusqu’à nos jours, le Tchad accueille un nombre importants de réfugiés soudanais et centrafricains, a poursuivi le Représentant permanent, affirmant que le Gouvernement tchadien a toujours veillé au respect de leurs droits et rappelant que le Tchad a ratifié en 2010 la Convention de Kampala sur les réfugiés et les personnes déplacées en Afrique.

«Concernant l’emprisonnement pour dettes, la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion et d’association, la protection des mineurs, le droit à un procès équitable, le Gouvernement tchadien a, dans le chantier de réforme en cours, apporté des solutions à ces préoccupations», a déclaré M. Malloum. Pour lutter contre la corruption des magistrats, a-t-il ajouté, la loi portant statut des magistrats a été révisée et une ordonnance améliorant considérablement le traitement des magistrats a été prise en 2012. Quant à la liberté d’opinion et d’expression, elle est une réalité au Tchad, a affirmé le Représentant permanent. Les défenseurs de droits de l’homme et les syndicalistes exercent pleinement leurs activités dans le cadre des lois qui les régissent; ils ne sont ni inquiétés, ni intimidés, a-t-il assuré.

Enfin, M. Malloum a attiré l’attention sur le Plan d’action sur les enfants associés aux forces armées et groupes armés au Tchad, signé en 2011 entre le Gouvernement tchadien et l’Équipe spéciale des Nations Unies chargée du Mécanisme de surveillance, de communication et de l’information sur les violations des droits de l’enfant dans les conflits armés. Cet effort a permis le retrait des enfants dans les rangs des forces et groupes armés : 240 en 2009; 181 en 2010; 55 en 2011 et aucun en 2013, a précisé le Représentant permanent, avant de faire valoir que des inspections inopinées dans les zones militaires, menées par le Gouvernement et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, n’ont décelé aucun enfant.

Répondant à la liste de questions préalablement adressée au pays par le Comité CCPR/C/TCD/Q/2, la délégation tchadienne a notamment indiqué que le projet de code de pénal, qui définit la torture en son article 376, prévoit (outre ce qui a déjà été indiqué par le chef de la délégation – voir plus haut) une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans et une amende de 300 000 à un million de francs CFA lorsque la torture cause à la victime une maladie ou une incapacité de travail supérieure à 30 jours; ou une peine d’emprisonnement de deux à cinq ans et une amende de 100 000 à 500 000 francs CFA lorsque la torture cause à la victime soit une maladie ou une incapacité de travail égale ou inférieure à trente jours, soit des douleurs ou des souffrances mentales ou morales.

La loi du 13 mars 2006 portant orientation du système éducatif tchadien dispose que le droit à l’intégrité physique et morale des élèves et étudiants est garanti et qu’à ce titre, sont proscrits les sévices corporels ou toute autre forme de violence et d’humiliation.

La délégation a d’autre part attiré l’attention sur les constructions de maisons d’arrêt répondant aux normes internationales opérées dans le cadre du projet PRAJUST (Projet d’appui à la réforme de la justice au Tchad). Les responsables de la brigade de Mata Léré où les détenus sont morts asphyxiés ont été transférés à la maison d’arrêt de N’Djamena, a par ailleurs indiqué la délégation; ils sont jugés conformément à la loi, a-t-elle ajouté. Quant aux cas des détenus tués par les forces de défense lors des soulèvements de 2011, le Gouvernement a ouvert une enquête et les principaux responsables ont été poursuivis, a indiqué la délégation.

Contrairement aux informations qui circulent, aucun projet de loi sur la presse n’est en discussion à l’Assemblée nationale, a en outre assuré la délégation.

Enfin, même si le taux d’enregistrement n’est pas satisfaisant dans les camps de personnes déplacées et dans les zones rurales, des progrès notables ont été enregistrés dans le domaine de l’enregistrement des naissances, a fait valoir la délégation.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a relevé que des progrès ont incontestablement été faits au Tchad en matière d’application des normes internationales des droits de l’homme, en particulier dans le cadre de la Constitution. Conformément à la Constitution, les traités internationaux ont une valeur supérieure aux lois, a-t-il souligné. Mais pour ce qui est de la question de l’invocation des dispositions du Pacte par les justiciables et par les tribunaux tchadiens, le pays se contente de faire valoir que le droit tchadien reconnaît un recours utile, a toutefois fait observer l’expert. Or, la question qui est posée est celle du degré de diffusion du Pacte et de sa culture et des moyens consacrés à cette diffusion; c’est également celle des mesures juridiques prises pour intégrer le Pacte dans ce que l’on pourrait appeler le «bloc de la légalité» au Tchad.

Qu’en est-il du degré d’indépendance, y compris financière et administrative, de la Commission nationale des droits de l’homme et quelle est l’étendue de son mandat, a par ailleurs demandé l’expert? Le fait qu’elle ait été rattachée à l’exécutif n’est pas un signe d’autonomie, a-t-il fait observer. Combien de temps encore va-t-il falloir attendre avant de voir la fin du processus de mise en conformité de la Commission nationale des droits de l’homme avec les Principes de Paris? Que sont devenues les treize recommandations de la Commission d’enquête sur les événements de 2008, a par ailleurs demandé l’expert? Il s’est également enquis des raisons pour lesquelles les organisations de la société civile avaient boycotté le forum national sur les droits humains organisé par le pays.

Un autre expert s’est enquis des mécanismes en vigueur au Tchad pour lutter contre les discriminations.

Une experte a admis que la Constitution tchadienne fait effectivement ce qu’il faut en termes d’énoncé des droits, mais a regretté que les membres du Comité souhaitent pouvoir appréhender la réalité tchadienne et les difficultés qui sont rencontrées dans l’application des droits reconnus par le Pacte.

L’experte a souligné que les lois coutumières sont fondamentalement discriminatoires, notamment en termes de mariage ou de succession. Il n’y a toujours rien qui puisse réglementer les rapports au sein de la famille, en particulier pour ce qui a trait à la polygamie (qui reste la règle, sauf stipulation contraire expresse dans le contrat de mariage), a fait observer l’experte. Viol, harcèlement ou encore inceste ne sont pas pénalisés, a-t-elle insisté. En fait, l’État ne se reconnaît pas le droit d’interférer dans ces domaines alors qu’il en a l’obligation en tant qu’État partie au Pacte, a-t-elle rappelé.

Cette experte s’est en outre enquise, entre autres, des possibilités de recours à un avocat dans le contexte de la garde à vue. Elle s’est par ailleurs inquiétée d’informations faisant état de l’existence de centres de détention aux mains de chefs locaux, en dehors de toute réglementation légale.

Un membre du Comité a relevé qu’alors que les autorités affirment observer un moratoire sur l’application de la peine capitale et sur la condamnation à la peine de mort, des chefs rebelles, notamment, ont été condamnés à mort – certes par contumace – en 2010; en outre, Amnesty International affirme qu’en 2011, un individu ayant tué son épouse et blessé sa belle-mère aurait été condamné à mort par le tribunal pénal de N’Djamena. Qu’en est-il du nombre actuel de personnes condamnées à mort et se trouvant toujours en prison au Tchad, a demandé l’expert?

Des préoccupations ont par ailleurs été exprimées s’agissant du non-lieu prononcé dans l’affaire Ibni Oumar Mahamat Saleh. Cela est d’autant plus préoccupant qu’il s’agit d’une disparition forcée et que les enquêtes auraient dû se poursuivre.

Un expert a demandé à la délégation d’expliquer les raisons pour lesquelles les victimes ne portent pas plainte pour des agissements dont pourraient se rendre coupables des policiers ou autres agents de sécurité.

Les châtiments corporels ne sont pas des faits rares, a-t-il été souligné, un expert citant des cas de châtiments dans une école coranique et affirmant que certaines écoles vont jusqu’à enchaîner des enfants.

Il existe au Tchad certaines coutumes, traditions et certains archaïsmes qui sont justifiés par la religion mais en fait, le sont par «une certaine lecture de la religion» que l’on peut contester – notamment en expliquant aux populations que tout cela n’a aucun fondement dans les textes religieux, a souligné un membre du Comité.

Un expert s’est enquis de la pratique concernant le renvoi devant les tribunaux des cas de violence contre les femmes. Où en est le projet de loi sur le statut des réfugiés adopté en mars 2013 par un comité interministériel et quand se pourrait-il que ce texte soit présenté au Parlement aux fins de son adoption définitive, a par ailleurs demandé cet expert. Il a aussi soulevé la problématique de l’enregistrement des naissances.

L’expert a ensuite fait observer que le Gouvernement tchadien a pour habitude d’intégrer des éléments de groupes armés dans l’armée nationale; or, il est bien connu que dans ces groupes armés, il y a des enfants-soldats – notamment du Front populaire pour le redressement – a souligné l’expert. Aussi, les autorités tchadiennes entendent-elles poursuivre les efforts pour identifier d’éventuels enfants-soldats ou estiment-elles que le problème est désormais réglé, a-t-il demandé?

Un autre expert s’est enquis de l’ampleur de la traite de personnes au Tchad, notamment de femmes et de filles à des fins d’exploitation sexuelle, faisant observer qu’un trafiquant d’enfants dûment identifié est toujours libre. Il y a des cas de ventes d’enfants au nord et au sud du pays, a insisté cet expert. Qu’en est-il de la mise en œuvre et de l’impact du plan national d’action de lutte contre la traite de personnes, a-t-il demandé? L’expert s’est en outre inquiété de la condamnation de journalistes, parmi lesquels le Secrétaire général de l’Union des journalistes tchadiens.

Une experte a rappelé que dans ses précédentes observations finales à l’intention du Tchad, le Comité avait recommandé au pays de prendre des mesures pour éradiquer le travail forcé des enfants. Si le Tchad a effectivement pris un certain nombre de mesures, telles que la ratification de plusieurs conventions de l’Organisation internationale du travail dans ce domaine, attestant de sa bonne volonté, aucune mesure n’a en revanche été prise pour protéger concrètement les enfants contre le travail forcé.

Un autre expert s’est réjoui de constater que, selon les indications fournies par le Tchad, lorsque le nouveau code pénal amendé sera adopté, l’emprisonnement pour dettes sera aboli.

Le code pénal, en son article 277, punit les mariages en-dessous de l’âge de 13 ans, a fait observer un membre du Comité.

Plusieurs membres du Comité ont fait part de leur préoccupation au sujet du sort de la jeune Khadidja Ousmane Mahamat, emprisonnée depuis plusieurs années pour avoir empoisonné le septuagénaire auquel elle avait été mariée de force.

La délégation ayant indiqué que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme n’avait pas été dûment disponible pour apporter une assistance au Tchad dans le processus visant à mettre la Commission nationale des droits de l’homme tchadienne en conformité avec les Principes de Paris, un représentant du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, M. Bamazi Tchaa, a assuré que le Haut-Commissariat avait inscrit le Tchad au titre de ses priorités, mais ajouté qu’il n’avait pas été possible de faire avancer ce dossier; il y a eu à certains moments des difficultés de communication avec la Mission permanente à Genève, a-t-il précisé, assurant que ce n’est pas faute, pour le Haut-Commissariat, d’avoir répondu aux demandes qui lui étaient adressées par le pays. Quoi qu’il en soit, le Haut-Commissariat réaffirme sa disponibilité pour mettre le Tchad sur la bonne voie, eu égard à l’importance que revêt pour tout pays l’instauration d’une institution nationale conforme aux Principes de Paris.

Réponses de la délégation

La délégation s’est réjouie que le Comité ait reconnu que le Tchad avait fait d’importants progrès (depuis l’examen de son précédent rapport). Beaucoup d’efforts ont été déployés au Tchad pour que puisse aboutir le projet de loi concernant la Commission nationale de droits de l’homme et visant à mettre cet organe en conformité avec les Principes de Paris, a souligné la délégation. Mais si les choses ont traîné en la matière, la faute n’en incombe pas uniquement au Tchad, même s’il est vrai qu’il faut renouveler les efforts d’information et de sensibilisation à chaque fois que ce texte doit être réintroduit devant le Parlement, ce qui prend du temps. Il existe une réelle volonté du Tchad d’aller de l’avant en la matière, mais il serait bon que les structures des Nations Unies chargée d’apporter une aide dans ce contexte soient elles aussi disponibles pour aller de l’avant; or, tel n’a pas toujours été le cas, ce qui a retardé d’autant ce processus, a affirmé la délégation. Il est fort possible qu’au cours de cette année, le pays pourra aller de l’avant et que ce texte soit adopté par le Gouvernement et être renvoyé devant l’Assemblée nationale.

Le Forum sur les droits de l’homme n’a pas été boycotté par les associations de droits de l’homme; ce n’est pas parce que deux ou trois d’entre elles ont refusé d’y participer que l’on peut dire que ce Forum a été boycotté, a par ailleurs déclaré la délégation.

S’agissant de l’invocabilité du Pacte devant les juridictions nationales, la délégation a rappelé que les instruments juridiques internationaux dûment ratifiés par le Tchad peuvent être invoqués et appliqués comme des lois supranationales. Si le Tchad a adopté une approche moniste selon laquelle une fois dûment ratifiés, les instruments internationaux sont directement applicables en droit interne, les textes de droits de l’homme méritent néanmoins des décrets ou lois d’application, a indiqué la délégation; mais quoi qu’il en soit, la Constitution prévoit qu’ils sont directement invocables, a-t-elle insisté.

Le Gouvernement a inscrit au nombre de ses priorités la réforme du code de la famille, a poursuivi la délégation. Mais ce processus est confronté à des difficultés. En effet, émanation du peuple, le Gouvernement se doit d’ouvrir de larges consultations lorsque sont en jeu des questions aussi fondamentales que celles induites par la réforme du code de la famille – questions de succession, de mariage et de divorce, en particulier. Eu égard aux diversités religieuses, le Gouvernement tchadien s’efforce de parvenir à une adoption de ce code dans une démarche inclusive qui ne remette pas en cause les convictions des uns et des autres, tout en restant conforme aux engagements souscrits par le Gouvernement au niveau international, en l’occurrence en vertu du Pacte, a expliqué la délégation; aussi, le Gouvernement s’efforce-t-il de faire en sorte que les pratiques coutumières et religieuses ne soient pas contraires à ces engagements. Insistant sur les difficultés rencontrées dans ces matières, la délégation a indiqué, à titre d’exemple, que les femmes sont elles-mêmes favorables à la polygamie. Elle a également fait observer que le Mali avait adopté un code de la famille qu’il a ensuite dû retirer car il était passé outre les pesanteurs socioculturelles. Quoi qu’il en soit, les démarches sont donc en cours pour parvenir à l’adoption de ce code de la famille, a insisté la délégation.

En ce qui concerne la peine de mort, la délégation a assuré qu’aujourd’hui, tout le monde est conscient de la nécessité de parvenir, un jour ou l’autre, à son abolition. Au Tchad, cette peine n’est pas appliquée; cela fait plus d’une décennie que la peine de mort n’est pas appliquée dans le pays, a assuré la délégation.

S’agissant de la coopération avec la société civile, la délégation a affirmé que «tout est fait», du côté des autorités tchadiennes, pour qu’il y ait une collaboration et une concertation entre les associations de droits de l’homme et le Ministère des droits de l’homme. La délégation s’est donc dite surprise que certaines questions posées par les experts aient été, en fait, transmises par ces associations, alors que s’il y avait eu échange avec le Ministère, des réponses adéquates auraient pu être apportées, en particulier, sur un certain nombre de cas isolés.

Revenant brièvement sur les questions de la garde à vue, des délais de détention et de la légalité des détentions, la délégation a indiqué que l’indemnisation de victimes de détention injustifiée est une question qui est maintenant pratiquement résolue.

Aujourd’hui, au Tchad, a ensuite tenu à confirmer la délégation, le châtiment corporel dans le milieu éducatif est banni. Pour ce qui est des écoles coraniques (madrasas), il est vrai qu’il y a eu par le passé des châtiments corporels, y compris des enchaînements d’enfants, mais grâce au concours de l’UNICEF, de telles pratiques ont été combattues et n’existent plus. Au niveau familial, des châtiments, minimes, persistent, a ajouté la délégation, faisant allusion à des gifles pouvant être données aux enfants.

La délégation a indiqué n’avoir pas connaissance du texte du projet de loi portant statut des réfugiés. À l’est du pays, le Tchad accueille des réfugiés soudanais et au sud du pays, des réfugiés centrafricains, a-t-elle rappelé. Le Tchad assure comme il se doit l’enregistrement des naissances parmi les réfugiés, a-t-elle ajouté.

La délégation a ensuite souligné que le Tchad vient de prendre une ordonnance qui criminalise le recrutement d’enfants-soldats. Dans les huit régions militaires que compte le pays, ont été mises en place des unités de protection, coordonnées par le bureau de l’UNICEF à N’Djamena, dont l’objectif est d’assurer qu’aucun enfant ne soit assimilé (intégré) aux forces de sécurité, a poursuivi la délégation. Une équipe spéciale a par ailleurs été mise en place qui est chargée de veiller à la détermination de l’âge des enfants qui sont recrutés dans les forces armées, a-t-elle ajouté.

S’agissant des journalistes condamnés, la délégation a indiqué que la loi sur la presse prévoit effectivement des peines dans des cas bien précis. Faisant observer que le Tchad a traversé des périodes très difficiles et ne voudrait pour rien au monde revenir en arrière, la délégation a souligné qu’il y a une déontologie que doivent respecter tous les journalistes. Ce que l’on cherche à éviter, a-t-elle précisé, c’est l’incitation à la haine, qui vise à soulever les populations les unes contre les autres. Le Tchad figure au nombre des pays où les journalistes jouissent de la liberté de critiquer sans être inquiétés, a assuré la délégation. Les journalistes au Tchad sont même tellement libres qu’ils peuvent «diffamer», a-t-elle affirmé; ils prennent les ministres un par un et établissent des baromètres, a-t-elle précisé.

Au Tchad, les magistrats sont nommés par décret présidentiel après session du Conseil supérieur de la magistrature, a par ailleurs indiqué la délégation. En cas d’allégations de corruption ou de comportement non professionnel, le Ministre de la justice et Garde des sceaux peut prendre des mesures conservatoires en attendant que le magistrat comparaisse devant le Conseil supérieur de la magistrature en tant qu’organe disciplinaire. S’agissant de l’inamovibilité des magistrats, la délégation a expliqué qu’un projet en ce sens avait été rédigé qui visait les magistrats de la Cour suprême; mais le Conseil constitutionnel avait estimé que ce projet n’était pas conforme à la Constitution – raison pour laquelle ce texte n’a pu aboutir.

Justice traditionnelle et justice moderne sont imbriquées, en matière civile surtout, a par ailleurs indiqué la délégation.

En réponse à une question des experts, la délégation a expliqué qu’il peut être procédé à des expropriations à des fins d’utilité publique. Elle a assuré que la mise en œuvre cette procédure n’est pas arbitraire: dans un premier temps, notification est faite aux habitants concernés, puis la zone visée fait l’objet d’un marquage précis au sol et les habitants concernés se voient indiquer le délai qui leur est accordé pour prendre leurs dispositions. Par la suite, la question la plus importante, c’est l’indemnisation, la compensation, a ajouté la délégation. Or, pour la plus grande partie de ces victimes, il y a eu compensation, même si certaines ont jugé insuffisant le montant compensatoire. Pour l’État tchadien, cette question d’expropriation, d’expulsion forcée, n’est plus d’actualité, a affirmé la délégation.

La délégation a en outre fait part des mesures prises afin de prévenir le travail des enfants, rappelant les conventions de l’OIT, notamment contre le travail forcé, auxquelles le Tchad a accédé. Elle a par ailleurs fait état d’un projet de décret portant réglementation du travail des enfants, dans lequel figure un tableau qui présente les travaux auxquels les enfants peuvent avoir accès et ceux qui leur sont interdits. Le problème auquel le Tchad est confronté est celui des enfants bouviers, a ensuite indiqué la délégation; en coopération avec la société civile, a-t-elle ajouté, les autorités s’efforcent d’identifier les poches de subsistance de ce phénomène de servitude et de dûment sanctionner les responsables de telles pratiques.

Source: UN