En août 2016, une affaire de succession à la tête d’un canton a occasionné un conflit qui a vu l’ingérence des autorités administratives. C’était dans le canton Yiria, sous-préfecture de Moussoro rural, département du Bahr-El Gazal Sud.

Les habitants des  villages Clanicha, Douga et Bourkéra qui ont un même grand-père se regardent désormais en chien de faïence depuis le décès du chef de canton de Yiria, Moussa Woleda Mahamat en 2016. Au lendemain du décès de Woleda, le dieu de la division pénètre le clan. Djidi Saleh du village Douga est nommé par décret chef de canton de Yiria. Mais Souleymane Sougui du village Bourkéra s’oppose à sa nomination. Dès lors, les habitants du village Bourkéra ne savent où mettre la tête.

Le 16 août 2016, le secrétaire général du département du Bahr-El-Gazal Sud de l’époque, Guichwé  Abaye, à la tête des forces de l’ordre a déporté la population du village Bourkéra pour l’installer non loin du village Douga, village de Djidi Saleh dont  la nomination est contestée par Souleymane. Le SG a ensuite instruit les forces de l’ordre d’incendier les habitations et de détruire les champs. Selon Souleymane, Djidi n’est pas de la lignée directe de la chefferie, donc il ne doit pas être nommé chef de canton. Les habitants de Bourkéra ont introduit un recours gracieux à la présidence de la République et Djidi Saleh est révoqué. Saleh Tata Sougouma, cousin de Djidi Saleh, est nommé à sa place. Mais il est également contesté. Pour départager les gens, les autorités ont prévu organiser une élection le 9 avril 2020 avec trois candidats: Oumar Hamid Gori, Alhadji Youssouf Woleda et Saleh Tata Sougouma. Mais la Covid-19 est venue tout chambouler.

Les habitants de Bourkéra accusent Guichwé d’avoir joué le jeu de leur adversaire,  Djidi Saleh. Interrogé à cet effet, Guichwé Abaye, sans ambages, dit qu’il a agi en tant qu’autorité, il ne regrette pas l’acte qu’il a posé. D’ailleurs, dit-il, si c’est à refaire, il le refera, parce que ”ces gens-là sont des auteurs de trouble”.

Par ordonnance, le tribunal de Moussoro a exigé leur réinstallation dans le village Bourkéra. Mais depuis 2016 jusqu’aujourd’hui, les autorités du département du Bahr-El Gazal Sud s’opposent à la décision de la justice.

L’autre manche de ce feuilleton, c’est autour d’un point d’eau

En déportation forcée au village Douga, la population de Bourkéra est confrontée à un sérieux problème d’eau. D’ailleurs, le manque d’eau se pose avec acuité dans le canton Yiria. Face à cette situation, en décembre 2020, les frères de Souleyemane Sougui ont décidé de creuser un puits traditionnel pastoral dans un wadi, non loin de leur ancien village détruit par Guichwé Abaye, l’ex-SG du département du Barh-El Gazal Sud.

 Mais, quand les autorités  départementales ont appris la nouvelle, elles ont saisi le président  du Tribunal de grande instance de Moussoro, Pakou Tchouing qui a fermé le puits par une ordonnance le 11 janvier 2021. Le 14 janvier, soit 3 jours après, il  prend  une autre ordonnance pour rouvrir le puits. Pour lui, la réouverture du puits se  justifie par une nécessité d’eau. Car, dit-il, lorsqu’il s’est rendu dans le village pour constater les faits, il a vu les femmes et les bergers désemparés, à la recherche de l’eau. Chose que les autorités, en l’occurrence le gouverneur, le préfet et le secrétaire général du département  n’admettent pas. Ils ont envoyé la brigade refermer le puits.

Selon les autorités, pour creuser un puits, il faut nécessairement avoir l’aval des autorités traditionnelles et administratives. Ce qui n’est le cas chez les habitants de Bourkéra. Elles justifient la fermeture du puits par le comportement belliqueux de ces derniers. Car, disent elles, il  y avait un antécédent qui opposait les habitants du village Clanicha au village Bourkéra.

Tout compte fait, derrière ce problème de puits, se cache le problème au contour flou qui oppose trois  villages,  Bourkéra, Clanicha et Douga : la succession du chef de canton, Moussa Woleda Mahamat décédé en 2016.

Selon le préfet du Barh-El-Gazal Sud, Mahamat Adam Moussa, plus de 90% de problèmes auxquels sont confrontés les autorités du département sont de problèmes  liés à la succession dans les chefferies traditionnelles et à la création anarchique des cantons. « Sur les 18 cantons que compte le département, aucun n’a un territoire bien délimité. Ce sont les cadres qui, pour des raisons politiques, depuis N’Djamena créent des cantons mais de manière anarchique. Ils divisent ainsi les familles qui deviennent désormais des ennemis jurés », a-t-il précisé.