L’essence et le gasoil sont deux combustibles, pour le moment irremplaçables, que produit la Société de Raffinage de N’Djaména (SRN) située à 40 kilomètres au nord de la capitale. Malgré l’évidence que la proximité du lieu de production est censée leur offrir en termes d’avantages (coût accessible et disponibilité permanente), les consommateurs tchadiens éprouvent, et c’est récurrent, d’énormes difficultés à s’en approvisionner afin d’alimenter, comme ils l’auraient souhaité, qui son véhicule, qui son générateur. D’autant plus que, pendant cette période de chaleur oppressante où la fourniture de l’énergie par la Société nationale d’électricité (SNE) reste des plus aléatoires, les commerces tournent grâce à des générateurs privés.

Face à l’ampleur de la pénurie des carburants observée donc depuis fin avril 2022 et surtout tenant compte du tollé qu’elle a suscité au sein de la population, les autorités chargées de réguler la vente des produits pétroliers ont cru bon de faire une sortie médiatique, le 6 mai 2022, pour situer les responsabilités et annoncer des mesures.

Dans sa communication à la presse, le directeur général de l’ARSAT a vertement accusé, sans pour autant les citer nommément, « certains marketers et distributeurs de vendre frauduleusement les produits destinés au marché national dans des pays voisins pour des raisons de profit ». Ensuite, il a annoncé qu’une commission appuyée par la gendarmerie était mise sur pied pour surveiller le circuit de distribution desdits produits.

Mais, quelques jours après cette sortie somme toute tardive du directeur général de l’ARSAT, la pénurie a continué de plus belle dans les villes et villages du pays. Avec les conséquences que l’on connaît : cherté du coût et difficulté de transport des personnes et des biens et des denrées alimentaires, manque d’énergie dans les ménages et les commerces, etc.

N’est-ce pas parce que l’ARSAT a échoué dans son rôle de veiller au transport et à la distribution, dans la règle, des produits pétroliers depuis Djarmaya, siège de la SRN, jusqu’aux stations-service ? La réponse à cette question est un cinglant oui si l’on en croit le fait que les hautes autorités étaient obligées d’intervenir, ce jeudi 26 mai 2022, pour davantage réguler le secteur.

Dans une correspondance adressée au ministre du Pétrole et de l’Energie, relayée par les médias sociaux, Abdelkerim Idriss Déby, le directeur de cabinet civil de la Présidence, qui répercute les instructions du président du Conseil militaire de transition, lui a ordonné de « retirer à l’ARSAT le privilège de distributeur des produits pétroliers au profit de la SRN jusqu’à l’opérationnalisation de la société chargée de la distribution des produits pétroliers ». Il n’y a pas que cela. La Présidence a également instruit que désormais, ce soit les 12 marketers précédents qui soient chargés de leur distribution et qu’enfin la SRN « redonne à Total Marketing Tchad des produits à la hauteur de sa demande ».

Il est judicieux de souligner que la SRN n’a pas arrêté de produire ni qu’elle n’a diminué la quantité livrée de carburant. Sauf que l’ARSAT, au lieu de 12 marketers, a introduit plus d’une dizaine d’autres dans le circuit. Et ce sont donc ceux-là, visiblement véreux, qui exportent frauduleusement vers la République centrafricaine au détriment des consommateurs tchadiens. Ne possédant pas de stations-service, ceux qu’il convient d’appeler les marketers véreux conditionnent les produits dans des stocks illégaux dans le seul but d’aller vendre au prix d’or.

A cause de ces mauvaises pratiques, Total Marketing, qui possède près d’une trentaine de stations-service implantées à travers le pays, a vu le nombre de citernes qui lui est alloué journellement passer de six à deux. Un grand désordre qui ne pouvait continuer sans mettre à mal l’économie et la stabilité sociale. Il fallait, en plus de taper du poing sur la table, prendre des mesures fortes pour y remédier. C’est ce que le président du Conseil militaire de transition vient de faire. Et c’est tant mieux.