OPINION – Les réseaux sociaux tchadiens dominés par une horde de donneurs de leçons et d’agrégés ès Science Infuse sont étrangement calmes après la sortie magistrale de l’homme fort de N’Djaména.

Cet article m’a été inspiré par une jeune promotionnelle, politologue et étudiante en Relations internationales à l’IRIC de Yaoundé qui m’a envoyé un message WhatsApp ainsi libellé : « Trop charismatique, je l’aime trop. Je visionne son interview sur France24 en ce moment. Le gars est d’une sérénité et d’une class incroyables. » Ce bout de message qui répondait à une vidéo que j’ai partagée sur mon statut a été un déclic. Cela veut dire tout simplement que malgré les tentatives innombrables de déstabiliser notre jeune président, il a réussi à renverser la vapeur. Son opération de communication est un coup de maître. Les opinions longtemps désabusées par des vendeurs de rêve se réveillent à la réalité. Désormais, les incertitudes du début font place à l’assurance du « patron ».

Quoi de plus normal pour un militaire, habitué aux théâtres des opérations, de trébucher sur le tapis rouge si moelleux de la Présidence de la République dont il hérite d’un père tombé sur le front si brutalement ? Idriss Déby Itno, en arrivant au pouvoir en décembre 1990, a eu le temps de réfléchir sur ce qu’il ferait une fois au pouvoir. Cela n’a pas du tout était le cas du PCMT qui a été projeté au-devant de la scène d’une manière si brusque. Mais de cela, nos diplômés ès Science Infuse de Facebook et Tweeter n’en ont cure.

Mais curieusement, depuis sa magistrale sortie d’hier, une chappe de plomb semble s’abattre sur cette catégorie très spéciale des tchadiens qui sont obnubilés par la magie d’Internet et qui sont amenés complètement à oublier que la réalité de la gestion quotidienne du pouvoir n’a rien à voir avec les chimères facebookiennes. Pour Gouverner, l’ont fait appel à des outils sociologiques, anthropologiques, juridiques, politiques, managériaux et du commandement. Le populisme est une posture réaliste pour la quête du pouvoir mais jamais pour la gestion durable du pouvoir.

Mahamat Idriss Déby Itno s’est envolé à Paris en tant que Président de la République du Tchad qui est incontestablement la puissance militaire du Sahel et du Bassin du Lac-Tchad. Cette invitation à lui adresser par son homologue français n’a rien de fortuit. Macron qui était parmi les premiers Chefs d’Etat à accompagner la transition au Tchad et dont les officiers ont toujours eu affaire à ce jeune chef charismatique au sein de la troupe savaient les potentialités intrinsèques du Chef de l’Etat tchadien. Les occidentaux en mission dans nos pays tiennent des fiches détaillées sur chacun de leurs interlocuteurs et s’en servent pour leurs relations futures.

Ceux comme moi qui ont eu la chance de côtoyer le Général Mahamat Idriss Déby au front, savent exactement son aisance au commandement des troupes mais aussi de communication et de relation presse avec les journalistes qui accompagnent l’armée. Ce n’est pas fortuit non plus s’il a épousé une journaliste. Mais bon bref, ceux qui mettent en avant le coaching ne doivent pas ignorer que tous les Chefs d’Etat et hommes politiques en font usage parce que les contraintes protocolaires et les postures présidentielles sont des acquisitions permanentes dans la mesure où certains les acquièrent au fur et à mesure qu’ils rêvent d’être « calife à la place du calife » et d’autres dans le tas en accédant à cette position sans y avoir pensé. Mais si cela peut les consoler de l’amertume qu’ils ont ressenti en découvrant ce chef posé et plein de densité nous leur concédons cela. Mais, n’est-ce pas prodigieux qu’une personne apprenne en si peu de temps ce dont ils le croyaient incapable ?

En janvier 2013, alors que les FATIM ont quitté Ménaka, la première ville malienne qu’ils ont libérée, en venant du Niger, en direction de Kidal, Mahamat Idriss Déby Itno donnera le ton face aux forces spéciales françaises qui étaient en tête de la colonne pour faire le lien avec l’opération serval qui bombardaient la zone afin  d’éviter un « tire ami ». En effet, l’équipe de serval qui était sensée conduire les tchadiens à Kidal les tournait en rond dans le désert pour retarder leur entrée dans cette ville qui est l’objectif principal des FATIM. L’on apprendra plus tard que les français prenaient leur temps pour permettre au MNLA de s’installer et organiser les modalités de coopération entre ce groupe rebelle et les forces françaises et tchadiennes. C’est quand le ComForces Mahamat Deby Itno a donné de la voix que les  soldats tchadiens sont enfin entrés dans la ville. Voir leur Chef tenir un langage ferme face aux soldats français a fait monter en estime ce jeune officier général auprès de cette troupe qui était constituée de plusieurs unités de l’armée nationale et dont la majorité ne le connaissait pas auparavant. Le chef se révèle forcément dans des occasions particulières.

De toute évidence, le Président que les Tchadiens ont découvert à l’aise au perron de l’Elysée et sur l’antenne de France 24 a fait taire ses détracteurs et conforter ses soutiens. Sur le plan de la communication politique, c’est un très grand coup que le Chef de l’Etat et son équipe de stratèges ont réalisé sur la scène nationale. Rien que le silence de ces personnes souvent promptes à commenter tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux en dit long pour n’est pas dire est éloquent.

Sur la scène internationale, les partenaires du Tchad font plus que jamais confiance au Président de la République et à son équipe pour leurs actions sur les fronts de la lutte contre le terrorisme mais aussi dans l’apaisement de la situation politique interne. Les nombreuses missions vers la diaspora, les mains tendues vers les « politico-militaires » sont appréciées à leur juste valeur. Après la chine, l’Union Européenne vient de faire un geste important en appuyant le processus du dialogue avec une enveloppe de plus de 10 milliards de FCFA. D’autres partenaires suivront forcément parce qu’ils sont convaincus par le PCMT et son équipe.

Pour ceux de nos compatriotes qui anticipent déjà sur le lendemain et qui pensent que par la rue ils vont gouverner ce pays, il faudrait qu’il se rendent à l’évidence très rapidement que le Tchad rêvé n’est pas forcément le Tchad réel. On doit se battre pour réaliser ses rêves, c’est normal. Mais cela tourne rapidement au ridicule si cela ne tient pas compte de la réalité. La réalité au Tchad est sociologiquement orientée. Les élections ont toujours tenu compte des spécificités de chaque groupe et ce ne sont pas ceux qui crient le plus qui ont forcément raison. Le vote au Tchad n’est pas le fait des 5, 10 ou même 100.000 jeunes qui se mobilisent dans les rues mais tient compte des rapports que chaque groupe social entretient en son sein.

Ce n’est pas fortuit si malgré tout, Kebzabo est toujours élu à Léré, Pahimi Padacké Albert à Pala sans pouvoir s’imposer à Léré à côté malgré la proximité linguistique. C’est à juste titre que mon cousin Ramadan Kodi a remporté les élections à Abtouyour malgré le déploiement de force du MPS qui avait misé sur le mauvais cheval sociologiquement. Ce n’est pas pour rien que le PUR a remporté le siège de Batha que Yorongar bat un Premier ministre en exercice à Bebedjia ou que Kassiré est toujours présent à Laï et Kélo quel que soit ce qu’il advienne du reste du pays. Rien de tout cela n’est le fait du hasard mais tient compte d’une sociologie électorale bien dosée et qui sera le dernier véritable juge. Resté scotché sur les directs Facebook ou mobilisé des badauds dans des quartiers traditionnellement proches de l’opposition parmi des jeunes en proie au chômage est bien pour son égo personnel mais ne peut jamais être une stratégie à long terme.

Comme dit un adage de chez nous, celui qui s’est endormi avant toi, se réveillera avant toi. Les caciques de la politique tchadienne savent que nonobstant les agitations de ces jeunes qui sont pour la plupart encore sous la coupe de leurs parents et de leurs communautés, au moment venu, il y a un levier à actionner pour faire peser la balance de leur côté. La course de l’enfant c’est le matin.

Abdel-Nasser Garboa, ancien journaliste