Au Tchad, la défécation à l’aire libre est très courante. Dans la capitale, N’Djamena, certaines personnes tentent de résoudre le problème en construisant des toilettes publiques payantes. Mais la difficulté est toujours de taille.

Ce n’est une surprise pour personne. La défécation à l’aire libre est une réalité connue de tous à N’Djaména. Du premier au dixième arrondissement de la capitale, c’est très rare de voir des toilettes construites au bord de grandes artères ou dans les espaces à forte affluence.

Selon un rapport publié conjointement par le Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (Unicef) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2017, au Tchad, environ neuf millions de personnes soit 68% de la population se soulagent dans la nature. Cela, « parce que la question des toilettes publiques n’a pas fait l’objet d’une conception et d’une définition de stratégie de manière formelle », explique l’urbaniste Alaina Yacoub Possey, directeur général du ministère de l’Urbanisme et de l’aménagement du territoire.

En cas de besoin, chacun se trouve un coin où il pourra se mettre à l’aise, sans se gêner, ni se soucier des conséquences.

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C’est un véritable problème de santé publique qui cause des cas de diarrhée et autres maladies graves, telles que le choléra. Heureusement, certaines personnes essaient d’y faire face, en construisant des toilettes à caractère public mais dont l’utilisation est payante. Ces initiatives sont rares mais existent dans quelques endroits très fréquentés de N’Djamena.

Des toilettes publiques qui font vivre

Au marché central de N’Djaména, situé dans le 3e arrondissement de la ville, en plein milieu, se trouvent des toilettes publiques construites avant les années 1979. Elles comportent 12 pièces. Femmes et hommes se les partagent.

Daouda, la cinquantaine révolue, en est le gérant en chef. Après les séances de salamalekoum, le quinquagénaire, vêtu d’une blouse de couleur grise, a accepté de répondre à nos questions, juste à une distance de moins de deux mètres d’une de ces toilettes. « Je ne suis pas le propriétaire. Je ne suis qu’un employé. Ces toilettes sont construites par la Mairie mais maintenant, c’est pour un entrepreneur », dit-il. Celui-ci ne vient que pour prendre son argent à la fin de l’heure, ce qui ne nous a pas permis de le rencontrer.

Pendant que le gérant répondait à nos questions, des clients ne cessent de se succéder dans ces toilettes. Et chaque personne qui veut aller faire ses besoins pose 50FCFA sur la table positionnée juste devant Daouda. « Cet argent nous permet d’acheter des produits pour rendre propre les toilettes », affirme-t-il. Mais pas seulement, c’est avec ce même argent qu’on paie Daouda et son assistant Yacoub.

Il est difficile de connaitre le nombre des personnes qui fréquentent les toilettes de Daouda par jour. Mais au vu de notre constat, en l’espace de deux minutes, c’est au moins six personnes qui se succèdent. Ce qui fait par mois, un chiffre d’affaires important.

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« Aux alentours du marché, il y a d’autres toilettes payantes, comme celles de Brahim, mais la majorité préfèrent venir chez Daouda. Et c’est simplement parce qu’il est propre », témoigne un client. A la différence des toilettes de Daouda, les toilettes de Brahim coûtent 100FCFA l’utilisation.

Aujourd’hui, grâce à ces toilettes publiques construites au sein du marché central, les alentours de ce marché sont désormais propres. Sinon, avant la construction de ces toilettes publiques payantes, « nous étions obligés de faire de longues distances pour nous mettre à l’aise. Et quand le besoin est trop pressant, certaines personnes le font juste à côté du marché, en plein air », se souvient Yacoub.

Des toilettes publiques parfois difficile à trouver et dangereuses pour la santé

Ces initiatives sont salvatrices mais l’on déplore la mixité des toilettes et surtout leurs positions géographiques qui ne facilitent pas la tâche à tous, sauf aux commerçants. L’exemple de la France face à cette situation est intéressant et pourrait être reproduit à N’Djaména. Grâce à ses innovateurs, la France a conçu une application qui permet de localiser les toilettes dans différentes villes. Au total 23 380 toilettes publiques sont référencées dans cette application.

Des déchets qui pourraient être bénéfiques

Malgré qu’on lave ces toilettes trois fois par jour, à environ 15 mètres, on commence déjà à sentir une odeur dégoûtante qu’elles dégagent. Ce qui serait la source de certaines maladies.

C’est quelque chose que le Tchadien n’a pas encore essayé mais si l’on utilisait la technologie utilisée par la startup ghanéenne « Washking », le pays sortirait gagnant. C’est une technologie qui consiste à éviter le gaspillage de l’eau et la défécation en plein air. Cette technologie utilise une poudre biodégradable qui sépare les eaux-vannes et les transforme en eau salubre pour l’agriculture ou l’aménagement des paysages urbains.

Cet article fait suite à une formation de cinq jours en journalisme de solution initié par Chad Innovation (chadinnovation.org) en partenariat avec StopBlabla (www.stopblabla.com) et financée par l’ambassade de France au Tchad