INTERVIEW- Pour épouser une fille, il faut, à un moment ou à un autre, verser sa dot. Ce geste symbolique témoigne de l’attachement de l’homme envers sa future épouse. Que dit l’église catholique de la dot? Dans le cadre de notre dossier sur la pratique de la dot de nos jours, nous avons donné la parole à Mbaihornom Patrice, cude la paroisse de Farcha.


Tchadinfos.com : Que dit la Bible concernant la dot et quelle est son origine ?


Mbaihornom Patrice : d’une manière générale, la Bible voit la dot comme un prix d’achat d’une épouse ou bien l’argent versé pour la noce. Parlant de l’origine de la dot, c’est un phénomène qui existe dans beaucoup de couches sociales. Je peux dire c’est universel Donc on peut trouver cela en Orient , en Occident, surtout chez les Hébreux. Donc ce sont des pratiques qui existaient du fait du mariage entre l’homme et la femme. Mais, il y avait certains interdits. C’est lié au fait que, ce n’est pas permis aux jeunes de même clan ou tribu de se marier. Donc, il est question que le jeune homme parte dans une autre tribu pour chercher une épouse et vice-versa.
Pour avoir une femme à l’époque, l’homme venait travailler chez sa belle-famille pour leur prouver qu’il est capable de se battre pour prendre leur fille en charge. Si on revient dans la Bible, c’est ce que Jacob a fait pour avoir sa femme. Il lui a fallu 14 ans de travail pour avoir sa femme Rachel. Avec le temps, l’homme a préféré faire des cadeaux à la belle-famille plutôt que de venir travailler chez eux. Alors le cadeau peut-être en nature, tout comme en espèce. Des fois, c’est lié à des outils quelque part, ou bien il faut donner un truc symbolique. Avec l’apparition des moyens, l’homme se rend compte qu’il n’a pas besoin d’aller travailler longtemps, pour avoir une épouse. Alors, il décide de donner la valeur de ces outils, en argent. D’où la naissance de la dot et ses modalités pratiques.


Selon la Bible, comment la dot devrait se faire ?


Au niveau traditionnel tout comme religieux , la dot devrait être une entente entre les deux familles, à titre symbolique. On ne peut pas faire avec l’idée d’achat d’une personne. Quand c’est comme ça, c’est qu’on a une autre vision sur la personne. Donc, le processus doit être une entente. On ne peut pas trop exiger à la belle belle-famille. Ce qui est important, c’est l’union entre l’homme et la femme. Et dans le foyer l’homme doit s’occuper de sa femme. Cela dépend de la capacité du mari. Tout doit être adapté selon les circonstances. La dot n’est pas discutable où on propose un prix exorbitant à l’homme de verser.


Y aurait-il un montant fixe à verser par le conjoint à sa belle-famille?


Il n’y a pas un tarif standard pour la dot, mais elle se fait plutôt en fonction des deux conjoints, deux familles et aussi des rangs sociaux des individus. En aucun cas la Bible a fixé un montant pour règlementer le processus du versement de la dot.

La dot est-elle obligatoire selon les ”saintes écritures”?

Dans le sens strict de l’Eglise catholique, parlant de la loi universelle, la dot n’est pas obligatoire. C’est une contextualisation, c’est d’abord l’amour entre les deux personnes ce que dit la loi, mais si cela se fait, c’est par rapport à cette loi universelle. L’Eglise nous demande de voir nos réalités au niveau culturel et traditionnel pour intégrer la loi universelle. Dans cette loi particulière, c’est ce qu’on appelle l’inculturation. Chez nous ici au Tchad, dans certaines tribus, s’il n’y a pas la dot, on appelle ça “autogéré” comme la fille vit juste en location avec le gars, ainsi les deux subissent les moqueries des amis


Quelle comparaison faites-vous entre ce que dit la Bible et la réalité ?


La réalité est toute autre. Les gens copient ce qui se fait un peu partout. Je crois qu’il y a un laisser-aller, c’est pourquoi je dis mais finalement la dot est devenue un commerce. Selon moi, en tant que religieux, quand on prépare les gens au mariage, ce qu’on dit aux jeunes c’est que la dot en tant que telle n’existe pas dans l’église comme processus de mariage. Mais cela est juste lié à nos traditions, mais nous les catholiques à notre niveau, le fondement du mariage, c’est d’abord l’amour mais pas les biens matériels et financiers qu’on apporte. Pourtant, de nos jours, si tu ne dotes pas une fille et qu’elle vit en concubinage avec toi, en cas de problème, la belle-famille se moque de toi et te parle mal comme quoi tu as pris leur fille gratuitement donc cela rend le foyer un peu fragile. C’est pourquoi nous au niveau de l’Eglise catholique, on exige quand même que la dot soit versée, mais pas un montant élevé. Il dépend maintenant des deux familles, quand elles trouvent que cela stabilise un peu le foyer. Mais toujours on recommande plutôt au couple l’amour et la fidélité, la responsabilité des deux à l’égard de leur progéniture et surtout d’assumer leurs responsabilités. On se marie pour le meilleur et pour le pire.


Quel conseil donneriez-vous aux parents qui exigent un montant élevé pour la dot?


Les jeunes ont raison de se plaindre de la cherté de la dot de nos jours, car elle est devenue comme un business pour les parents des filles. Ainsi un jeune ne peut pas s’engager dans ce vivre ensemble qui est la volonté de Dieu, juste parce que les gens ont rendu ça comme un marché. Je demande aux parents qui exigent des sommes énormes comme dot, de causer plutôt avec leur beau-fils, tout en voyant le niveau de vie de chacun pour ne pas exagérer. Vu la réalité de nos jours, les jeunes qui ne travaillent pas ne s’engagent pas non plus dans la réalisation de la dot. Le plus important dans ce stade, il faut le dialogue.