Trois jours après le communiqué de l’Ambassade de Chine au Tchad, à travers sa page Facebook, les étudiants tchadiens vivant dans l’épicentre de coronavirus ont réagi par une lettre adressée à l’ambassadeur chinois au Tchad, pour faire lumière sur leur réalité, en appelant l’ambassade à un peu de retenue dans sa communication. Lire l’intégralité de leur lettre.

Etudiants tchadiens à Wuhan

À l’Ambassade de la République Populaire de Chine en République du Tchad

Excellence monsieur l’Ambassadeur,

Au nom de la relation bilatérale forte qui lie nos deux pays le Tchad et la République Populaire de la Chine sur tous les plans, nous, étudiants tchadiens vivant à Wuhan, tenons avant tout propos à travers cette note, d’une part à exprimer notre gratitude à l’endroit du gouvernement chinois et les responsables de nos universités pour la gestion salutaire de cette crise d’épidémie en ce qui concerne notre protection, et d’autre part à vous dire merci pour votre implication dans la vulgarisation des informations sur le virus à corona à la connaissance du public tchadien, rassurant ainsi nos familles sur nos conditions de vie présente.

Cependant, monsieur, permettez-nous de relever quelques mécompréhensions et inadéquations de vos propos dans deux de vos publications sur votre page Facebook dont une datée du 4 février 2020, en réponse à notre compatriote de Nanning, qui a accordé une interview au journal, Tchadinfos.com le 02 de ce mois, et une autre du 05 février 2020 sur nos conditions de vie dans nos dortoirs.

Ces mécompréhensions et inadéquations sont à comprendre en trois points. D’abord, aucun tchadien ici à Wuhan ou ailleurs en Chine n’a pointé du doigt la faiblesse des autorités ni locales ni universitaires dans la prise en charge relative à notre santé et à nos besoins de premières nécessités.

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Notre compatriote Adoum ne faisait qu’exprimer son inquiétude quant à l’éventuelle gravité de la situation susceptible de générer de conséquences sanitaires allant de la santé psychologique à la santé physique. Il a tout simplement plaidé pour notre évacuation loin de cette menace épidémique. Pour notre part, nous reconnaissons en toute honnêteté la prompte bravoure avec laquelle les autorités chinoises locales se sont engagées dans la lutte contre ce virus. Ainsi, nous sommes bien conscients que les mesures de préventions, notamment les déplacements limités, le confinement dans nos dortoirs sont prises dans le sens de nous protéger.

Cependant, monsieur l’Ambassadeur, est ce que la transparence du gouvernement chinois dans la gestion de cette situation louée par l’OMS comme vous l’avez avancée, doit occulter notre besoin ultime de survie qui nous pousse à crier vers les autorités de notre pays ? Nous croyons comme vous que c’est ce même besoin qui a amené la plupart de nos camarades à quitter leurs dortoirs en plein milieu de l’année académique. Comme eux, personne d’entre nous n’a le plaisir de rentrer si ce n’est par contrainte.

Ensuite, nous ne doutons pas de la fiabilité de vos sources d’informations provenant des « autorités compétentes de la province du Hubei ».

Néanmoins, laissez nous vous en fournir davantage en ce qui concerne nos conditions de vie dans les dortoirs. Les mesures de préventions et de protection prises par les autorités locales particulièrement pour étudiants étrangers ne s’appliquent pas de la même manière dans toutes les universités.

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L’application de ces mesures varie selon les universités allant des déplacements limités à de sorties strictement interdites avec la prise de repas uniquement fournis par l’université (Le cas de Central China Normal University où résident un grand nombre des nôtres). Or, ce qui est différent de vos écrits selon lesquels « Leur nourriture est suffisante, leurs activités quotidiennes ne sont limitées, ils peuvent faire les achats librement à condition d’en réduire la fréquence…». Sauf que la « nourriture suffisante » n’est ni le remède contre notre incertitude et psychose, ni du goût de tout le monde.

En fin, pour le moins qu’on puisse dire, Monsieur, nous jugeons votre prise de position comme non seulement une « usurpation de l’autorité » au détriment de nos responsables politiques, mais aussi comme interférence dans notre communication avec nos autorités en publiant certaines informations qui ne représentent pas nos opinions et notre réalité. Aussi, figurez-vous que vous êtes l’autorité représentative de votre pays dans le nôtre et non le contraire.

Si vous n’avez pas l’intérêt de connaitre les lois de notre pays, nous tenons à vous faire comprendre que la constitution de notre pays le Tchad, stipule en son article 60 que « L’Etat a le devoir de protéger les intérêts légitimes des ressortissants tchadiens à l’étranger. » Par conséquent, nous croyons qu’il n’y a pas un intérêt plus légitime que notre santé. Pour votre information, nous avons les autorités compétentes de notre pays responsables d’informer l’opinion nationale sur notre situation actuelle et que nous sommes confiants quant à l’issue satisfaisante de notre communication permanente avec elles.

Bref, excellence monsieur l’Ambassadeur, au regard de l’ampleur de la situation actuelle de cette épidémie qui va grandissante et du confinement dans lequel nous sommes, c’est juste raisonnable et légitime de notre part de faire entendre notre cri par les responsables de notre pays. C’est une question de l’instinct de survie. Par contre, nous n’avons aucune raison, moins encore une intention de salir l’image des autorités chinoises politiques ou universitaires impliquées dans la gestion de cette crise.

Espérant votre compréhension, Excellence Monsieur l’Ambassadeur, nous souhaitons que ce malheureux incident d’incommunication prenne fin.

En attendant une issue rapide et heureuse à cette crise, nous disons d’une vive voix FELICITATIONS et COURAGE aux autorités chinoises, aux peuples chinois et ceux de Wuhan en particulier ainsi qu’à tous ceux qui traversent cette épreuve

Fait à Wuhan, le 06 février 2020, les étudiants tchadiens vivant à Wuhan/Chine.