Le ministère tchadien de la Santé publique vient de finaliser un plan stratégique national de couverture sanitaire universelle qui sera exécuté dès le début de la semaine prochaine.  

Le plan stratégique national de mise en œuvre de la couverture sanitaire universelle (CSU) portera sur la période 2017-2019 et fera l’objet de plans opérationnels annuels. Une table-ronde de mobilisation de fonds est prévue en décembre prochain.

Composante de la Stratégie nationale de protection sociale, mise en place en 2014, elle vise à lever les barrières financières à l’accès aux soins et à assurer à la population un accès à des services de santé de qualité, tout en évitant de placer l’individu et sa famille dans une situation financière difficile. Pour Hamid Djabar, secrétaire général du ministère tchadien de la Santé publique, il s’agit aussi de protéger la population contre les risques ayant une incidence sur leur santé (consommation de tabac, d’alcool, port de casque pour les motocyclistes, etc.) et d’accorder une attention particulière à la population la plus défavorisée dans un esprit d’équité et de solidarité.

Le plan, élaboré par une cellule interministérielle, avec l’appui d’un consultant international, se résume sur six axes: le développement de mécanismes contre les risques financiers, l’utilisation des ressources plus efficacement et équitablement, le partenariat public-privé, la prévention des risques ayant une incidence sur la santé, la prise en compte des souhaits de la population et la mobilisation des ressources financières pour la couverture universelle.

La mise en œuvre de cette stratégie ne signifie pas que tout le monde ne paye rien pour se soigner, prévient Dr Dadjim Blagué, chef de la cellule interministérielle de coordination de la CSU. “Lorsque vous êtes malade et vous vous adressez au centre de santé, ce n’est pas à ce moment que l’hôpital doit vous demander de débourser de l’argent. Si ça se passe ainsi, il se pourrait que vous soyez malade et que vous n’ayez pas d’argent et donc vous n’aurez pas accès aux soins. C’est ce qui n’est pas normal et le gouvernement a décidé de mettre en place des mécanismes pour protéger l’individu“, affirme-t-il.

Il déplore que les fonctionnaires tchadiens ne soient pas assurés et quand ils tombent malades, ils profitent quelques fois de la gratuité de soins voulue par le chef de l’Etat. Avec les nouveaux mécanismes, ajoute-t-il, les fonctionnaires qui ont de revenus vont désormais payer leurs assurances à partir de leur salaire. Les employeurs du privé vont contribuer pour assurer leurs employés. Pour les secteurs semi-formels ou informels, avec un revenu pas sûr, pas constant, il y aura des mutuelles. “Ils seront mutualisés et paieront des cotisations. Ils vont avoir des cartes qui leur donnent accès à un paquet de services de santé. Lorsque vous êtes un Tchadien pauvre, sans revenu, vous n’avez rien à payer. Il sera mise en place une caisse nationale de solidarité“, explique Dr Dadjim Blagué. La CSU vise d’abord à couvrir cette tranche des personnes démunies.

Au Tchad, la situation épidémiologique reste fragile. Au premier rang, la situation de la mère et de l’enfant qui reste très préoccupante au Tchad: un taux de mortalité maternelle de 1.084 décès pour 100.000 naissances vivantes, une mortalité néonatale de 39 pour 1.000 et un taux d’accouchements assistés par un personnel qualifié à 23%.

Autre grand fléau, le paludisme qui continue également de peser lourdement sur les populations tchadiennes, malgré les importants efforts consentis par le gouvernement et ses partenaires pour le contenir. Il est la première cause de consultations, constituant environ 35% des motifs de consultation médicale, indique-t-on au Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP). En outre, près de 40% de décès qui surviennent dans les hôpitaux et centres de santé sont dus au paludisme. Le nombre de cas annuellement reportés est en constante augmentation: 616.724 cas en 2012, 1.272.841 en 2013 et 1.513.772 en 2014.

La mortalité liée au sida, quant à elle, est en net recul et la survie des personnes vivant avec le VIH ne cesse de s’accroître. Selon le Conseil National de Lutte contre le Sida (CNLS), la prévalence du VIH au Tchad est passée de 2,5 % en 2012 à 1,6% en 2015 au niveau national. Malgré ces progrès, le taux d’infection au VIH est particulièrement élevé parmi les populations vulnérables. Chez les professionnels du sexe, il est estimé à 25,5 % dans la capitale et 20% au niveau national. Selon le CNLS, 8.300 nouvelles personnes sont infectées par le virus chaque année au Tchad et on estime que 8.500 personnes sont décédées du sida en 2014 contre 23.000 en 2005.

Le gouvernement tchadien a pourtant rendu gratuite la prise en charge médicale du Sida (dépistage, traitement et suivi) pour toute personne vivant sur le territoire national. Comme d’autres pays, le Tchad bénéficie également des financements internationaux provenant notamment du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose.

En plus de la situation épidémiologique fragile, “le Tchad est confronté à la problématique de la pénurie des ressources humaines qui concerne toutes les catégories du personnel de la santé”, reconnait Seid Moussa Aggrey, directeur des Ressources humaines au ministère tchadien de la Santé publique.

Une enquête santé menée en 2015 montre que le Tchad fait face à une pénurie chronique de personnel de santé. Selon cette enquête, l’indicateur de densité de personnels médicaux de base est de 2,74 professionnels de santé pour 10.000 habitants, alors que la norme de l’OMS est de 23 travailleurs pour autant d’habitants. Autre disparité, l’indice de disponibilité du personnel au niveau national est très faible (13%), tandis qu’il est très élevé à N’Djaména (82%) et peine à offrir les soins de qualité. Quant aux médecins, ils ne sont que 660 opérationnels contre 1.375 recommandés.

A ce problème du manque de personnel, il faut enfin ajouter l’absence de la gouvernance hospitalière qui empêche surtout les hôpitaux de répondre à la demande en soins médicaux des populations. Le tout couronné par des contraintes budgétaires, malgré les importantes ressources financières mises chaque année à la disposition du ministère.

“Les gens seront assurés ou assistés, mais il faut qu’il existe des services de qualité. On a besoin de l’appui de partenaires pour la mise en place des différents dispositifs comme les formations, la gestion des caisses autonomes et mutuelles, le renforcement des capacités, la mise en place des plateaux techniques, etc.”, conclut Dr Dadjim Blagué.