En politique d’urbanisation, d’habitat et de modernisation d’une ville, la construction des cités d’habitations et des logements sociaux ou d’accession constitue un facteur clé pour une ville organisée et vivable répondant aux aspirations de sa population.

Beaucoup de pays africains ont pris leur envol en construisant de nouvelles cités. En Egypte par exemple la Cité Cheik Zayed sortie du désert en quelques années, la nouvelle capitale administrative en cours de construction et d’autres nouvelles cités construites par des entités privées pour suivre la montée démographique et désengorger l’ancienne ville de Caire. La capitale éthiopienne Addis-Abeba montre aussi bien l’exemple du développement du secteur par des projets financés par le gouvernement afin de loger les familles à revenu modeste, et d’autres financés par les privés réservés aux familles aisées. En quelques années la périphérie d’Addis s’est métamorphosée, on aperçoit des villas en cascade qui n’embellissent pas seulement la capitale, mais elles offrent un style de vie amélioré aux nouveaux habitants.

Au Burkina Faso, le quartier Ouaga 2000 fait la fierté du peuple Burkinabé, une nouvelle extension de la capitale Ouagadougou, rassemblant des immeubles d’habitation, des villas et des bâtiments de l’administration publique nouvellement construits et déplacés depuis l’ancien centre-ville pour réduire le trafic pendulaire d’avant.   

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Plusieurs autres pays africains ont adopté des politiques de logement et d’urbanisation de leurs villes pour améliorer les conditions de vie de leur population et de faciliter l’accession aux jeunes actifs grâce à des prêts logements et des payements échelonnés pour une première accession.

Le Tchad est inscrit aux abonnés absents dans cette vague d’urbanisation et d’habitat organisée. C’est le moins qu’on peut dire car à ce jour aucun projet de construction des logements n’a été réalisé jusqu’à à sa fin. Revenons en arrière pour avoir un aperçu sur les projets initiés depuis l’indépendance par les autorités du pays afin de moderniser la ville et d’offrir des habitations décentes à la population.

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Après l’indépendance, le gouvernement du Président Tombalbaye  a chargé le secrétariat des missions d’urbanisme de la responsabilité  d’urbanisation et l’amélioration de l’habitat de la capitale Fort Lamy. C’est ainsi que le projet d’aménagement de la cuvette Saint Martin est né. C’est un projet de construction d’un quartier résidentiel de 4 000 logements dans le centre de Fort-Lamy (quartier Klemat/Bololo et place de la nation actuellement) faisant partie du plan directeur de l’urbanisation et l’amélioration de l’habitat de la ville dont le canal Saint Martin bâti aujourd’hui, en fait partie.

Ce projet fut confié au grand atelier d’architecture Candilis-Josic-Woods dont la maquette a été finalisée et publiée. Tombalbaye fut renversé malheureusement sans que ce méga projet soit réalisé. Un vaste projet très ambitieux que nous reviendrons dessus avec un article détaillé.

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Un autre projet, plus récent encore c’est la cité Gassi Toumaï, annoncée tambour battant par le feu Maréchal Deby. Un vaste programme immobilier sur 3 000 hectares offrant des logements, des bureaux, un centre commercial, des espaces verts sur la rive du fleuve Chari. Le coût global est estimé à plus d’un milliard de dollars qui devrait été financé par la manne pétrolière en partie, les exploitants des bâtiments et les locataires des logements. Projet conçu par le cabinet d’architectes sénégalais Atepa. Une conception parfaite d’une ville moderne avec des services essentiels à proximité. Mais ce vaste projet ne verra jamais le jour pour des raisons financières a priori.

En 2014, l’Etat tchadien a contractualisé avec le groupe marocain Addoha pour la construction des 15 000 logements sociaux dans la capitale N’Djamena d’un montant d’investissement global de 300 millions d’euros dont 50 millions pour une cimenterie. Cette dernière a été réalisée et produit actuellement plus 500 mille tonnes de ciment par an, mais le projet de construction de logement ne voit pas le jour faute de garantie. Le groupe marocain n’a jamais lancé les travaux, malgré le lancement du projet en grande pompe par le feu président Deby.

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Le dernier projet sur notre liste c’est le quartier de la patte d’Oie située vers la sortie Est de la capitale Ndjamena. Cet ensemble immobilier est programmé en plusieurs phase. La première phase composée de 70 logements a été finalisée et attribuée aux fonctionnaires du ministère de l’Enseignement supérieur sur paiement échelonné imputés directement sur leur salaire. Le reste du projet est destiné aux promoteurs immobiliers et les particuliers afin de bâtir des logements haut de gamme. Une société foncière a été créée et placée sous tutelle du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat afin de gérer et commercialisé le domaine, mais le projet n’aboutit pas à ce jour : des terrains clôturés non bâtis, des rues vides ; des immeubles inachevés ; et une insécurité galopante dans le quartier :

Sauf erreur ou omission de notre part, et si nos comptes sont bons, depuis les années soixante, seules 70 logements ont été construits par les gouvernements afin d’offrir un cadre de vie décent à la population. Ce qui constitue un échec de tous régimes successifs dans ce secteur face au déficit d’habitat, et malgré la montée démographique sans cesse de la population urbaine depuis des années.

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Depuis le lancement du projet de développement urbain et d’amélioration de l’habitat (DURAH), à la création de la Banque d’habitat du Tchad BHT, suivi par la Société de promotion foncière et immobilière (SOPROFIM), tous ces efforts n’ont pas porté leurs fruits malgré la bonne foi claire des autorités pour résoudre les différents problèmes.

D’après les analyses, une manque une vision globale à long terme appuyée par une instabilité incessante des autorités à la tête du département d’habitat sont souvent les raisons de l’échec.

Le gouvernement doit fixer des objectifs facilement atteignables et consacrer le budget pour. Chaque année, il faut par exemple construire si ce n’est cent logements et suivre de près les différentes phases jusqu’à la réception. Ainsi de suite le nombre sera augmenté d’une année a une autre. Si cela aurait été fait plus tôt, depuis l’élaboration du projet de développement urbain et d’amélioration de l’habitat (DURAH) en 2004, nous serons aujourd’hui dans les 2000 logements sociaux.

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Le ministère en charge de l’Habitat de l’Urbanisme pourra aussi consacrer des terrains et les vendre à des prix symboliques pour inciter les habitants à construire suivant un cahier des charges précis. Beaucoup d’espaces vides à N’Djamena sont bien placés notamment l’espace Champ de fil dans le 5e arrondissement ou le terrain de Poste à côté de l’aéroport dans le 2e arrondissement. Ainsi des nouveaux quartiers bien bâtis pourront naître et embellir l’image de la capitale N’Djamena.

Finalement, le Tchad étant inexpérimentée dans le domaine, doit mettre les garanties nécessaires afin de susciter l’investissement des entreprises locales et étrangères dans le domaine de la construction des maisons individuelles à bas prix et la promotion immobilière pour bénéficier de leur savoir-faire et initier ses propres logements sociaux.

Ahmat Adam

Ahmat Adam est un jeune ingénieur tchadien. Fort de plusieurs années d’expériences dans la construction et montage des projets. Il a effectué son cursus universitaire entre la France et la Chine. Diplômé d’un Bachelor en Génie Civil en République populaire de Chine et d’un Master à l’école d’ingénieur Polytech de Lille en France, il fait carrière chez le géant mondial du BTP Bouygues construction en tant qu’ingénieur principal. Depuis quelques années il intervient régulièrement sur les thématiques liées aux infrastructures des pays en développement, et le Tchad en particulier avec des approches nouvelles. Il livre ses analyses et solutions sur les entraves qui minent le développement de ce secteur au Tchad.