Le syndicalisme est défini comme un mouvement social qui vise à unifier les travailleurs dans des syndicats pour défendre leurs intérêts communs. En cette fin d’octobre et début novembre, les syndicats tchadiens font bouger les lignes en entrant en grève pour des revendications qu’ils estiment restées insatisfaites. Revendications et grève vont souvent de pair dans l’action syndicale au Tchad. Alors, comment est né le syndicalisme au Tchad ? Petite rétrospective.

L’intérêt commun des travailleurs. Tel est l’ultime et légitime objectif que se fixe tout syndicat. Après l’accord du 9 janvier 2020, le gouvernement a commencé à rétablir les avantages coupés depuis 2016 dans le cadre des restrictions budgétaires pour faire face à la crise économique et financière. Jusque-là tout va bien. Mais, dans cet accord, il est aussi prévu que le gouvernement lève le gel des effets financiers des avancements, reclassements, et paye les frais de transport appelé aussi 13è mois. C’est à ce niveau que syndicats et gouvernement ne semblent pas danser au même rythme. Ce qui a fait entrer en grève les enseignants pour, disent-ils, obtenir une satisfaction totale, et une grève d’avertissement d’autres syndicats.

Revendications et grèves, maîtres mots des syndicats tchadiens. En effet, le Tchad, comme les autres parties de l’Afrique noire, a connu le syndicalisme dans son parcours historique. Le mouvement syndical au Tchad a débuté en 1933 avec les premières tentatives d’associations des travailleurs au Tchad sous la houlette des communistes français arrivés la même année. Par ailleurs, la France, en 1937, disposait d’une législation permettant d’élargir les droits relatifs à la création des syndicats dans les colonies. Ce qui a facilité la création des syndicats par les travailleurs africains, même si les libertés n’étaient pas aussi largement accordées.

Mais, le syndicalisme ne devient une réalité qu’avec le processus de décolonisation, notamment, au sortir de la Conférence de Brazzaville tenue en 1944, dont les résolutions ont permis la création de l’Union française en 1946. La conférence de Brazzaville a aussi aboli le travail forcé. Les fédérations des syndicats français s’implantent alors en Afrique. Au Tchad, entre 1946 et 1957, quatre organisations syndicales ont vu le jour, mais, surtout en tant que « filiales » des syndicats français. Il s’agit de l’Union Locale des syndicats du Tchad (ULST) créée en 1946 affiliée à la Confédération Générale du Travail (CGT), l’Union des Syndicats Autonomes du Tchad (USAT), créée par François Tombalbaye en 1956 et affiliée à la CGT-Force Ouvrière, les confessionnels réformateurs proches des Églises chrétiennes, la Confédération africaine des Travailleurs Chrétiens (CATC) créée en 1950 et affiliée à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens et  la Confédération africaine des syndicats libres du Tchad (CASLT) créée en 1957.

Ces syndicats nés dans la marche vers l’indépendance du Tchad animaient la vie syndicale et surtout défendaient les droits des travailleurs tchadiens. Ils sont souvent confondus avec les partis politiques car les positions font jonction contre le colonisateur. Parmi les leaders syndicaux, il y a aussi des vrais leaders politiques comme le premier président tchadien, Ngarta Tombalbaye, qui, du syndicalisme, s’est retrouvé en politique, pour être ensuite à la tête de la jeune république à son indépendance.

Avec le parcours politique tout particulier du Tchad, des guerres, coups d’état, dictature, parti unique, le mouvement syndical n’a pas aussi brillé que pendant la période de la démocratie. Les régimes du parti unique n’ont pas favorisé une bonne éclosion du syndicalisme. Les travailleurs sont contraints de se taire malgré les difficultés. Les retards dans le paiement des salaires ou encore le demi salaire sont des tristes souvenirs du mouvement syndical tchadien.

Cependant, depuis 1990, la lutte a pris une forme véritablement démocratique, avec des nouveaux syndicats et surtout des centrales syndicales. Après la dissolution de l’UNST, a vu le jour sur ses cendres, la Confédération Libre des Travailleurs du Tchad, en avril 1991. L’Union des Syndicats du Tchad (UST), le Syndicat des Enseignants du Tchad (SET), celui des secteurs de la santé et de l’action sociale, sont entre autres, des gros syndicats qui pèsent sur l’échiquier national. Parfois, si ce n’est pas tout le temps, ils sont au bras de fer avec le gouvernement pour revendiquer leurs droits.

Actuellement, gouvernement et syndicats sont sur les traces d’un pacte social qui permettra aux pouvoirs publics de souffler durant quelques années sans mouvement d’humeur. Mais, ce pari pourra-t-il être gagné ?