La session extraordinaire de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (CEMAC), tenue mardi dans la capitale tchadienne, s’est achevée sur de grandes décisions qui devront renforcer l’intégration sous-régionale et revigorer une institution qui peine à s’auto-financer.

Le sommet de N’Djaména se tient au moment où les six pays membres de la CEMAC (Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine et Tchad) sont confrontés à de sérieux problèmes financiers qui affectent le fonctionnement des services de la Commission et des institutions spécialisées. A titre d’exemple, la taxe communautaire d’intégration (TCI) recouvrée n’est pas intégralement versées à la Commission et ce malgré l’existence des dispositions pertinentes de l’Acte additionnel relatif à son recouvrement.

Parmi les sujets discutés à N’Djaména, il y a eu, entre autres, le financement des institutions, le renforcement des acquis de l’intégration, l’examen de l’état d’avancement des mesures prises à Djibloho, en Guinée équatoriale le 17 juillet 2017, notamment celle relative à l’application intégrale de la libre circulation des biens et des personnes dans l’espace communautaire, condition sine qua non pour l’édification d’une intégration économique forte et réussie.

“Le diagnostic et l’évaluation que nous avons faits lors de cette dernière rencontre, nous ont montré l’ampleur des défis qui nous attendent”, a déclaré le président tchadien Idriss Déby Itno en ouvrant les travaux du sommet de N’Djaména.

“Nos peuples croient fortement à l’idéal communautaire, tant ils ont un destin lié. Ils attendent légitimement des actes forts qui renforcent cette conviction”, a insisté le chef de l’Etat tchadien qui assure la présidence en exercice de la CEMAC.

Selon le président Déby Itno, des actes forts, audacieux et pragmatiques sont absolument nécessaires pour marquer non seulement les esprits, mais démontrer de manière concrète que l’intégration sous-régionale est la matrice de la CEMAC.

Le 17 octobre, le Gabon a décidé de supprimer le visa d’entrée dans son territoire pour les ressortissants des pays membres de la CEMAC désirant se rendre sur son territoire, pour un séjour n’excédant pas trois mois, conformément à l’Acte additionnel de la CEMAC du 25 juin 2013 portant suppression du visa pour tout ressortissant de la CEMAC circulant dans l’espace communautaire, décision qui a jusqu’ici du mal à être appliquée.

Le Gabon devient ainsi le 3ème pays à officialiser la libre circulation dans l’espace régional en l’espace de quelques mois seulement, après le Tchad (début août) et la République centrafricaine (le 13 octobre). Par la suite, la Guinée équatoriale n’étant pas en reste, dès lors que depuis le 26 octobre 2017, elle s’est arrimée à l’acte additionnel de la Communauté. La décision prise par les autorités gabonaises et équato-guinéennes donneront sûrement un coup d’accélérateur d’intégration au processus dans la zone CEMAC.

Tout en se félicitant de ces avancées sur le front de la libre circulation, le président Déby Itno a appelé ses pairs de la sous-région à “faire œuvre de pédagogie et surtout à franchir rapidement l’étape de la mise en place des passeports biométriques CEMAC et celle d’identification des postes de contrôle aux normes d’Interpol”.

Les dirigeants de la sous-région ont décidé d’autoriser la BDEAC (Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale) à prélever, sur les ressources du Fonds de développement de la Communauté (FODEC) 1,7 milliard de francs CFA pour le paiement du reliquat dû à Interpol au titre de la sécurisation des frontières de la CEMAC, selon le communiqué final du sommet de N’Djaména. Ils ont également instruit la Commission de la CEMAC de prendre toutes les dispositions pour la création des postes sécurisés aux frontières, afin de réserver le bénéfice exclusif de la libre circulation aux ressortissants de la Communauté. Ils ont, en outre, exhorté les Etats membres qui n’ont pas encore produit leur passeport CEMAC, à le faire “dans les meilleurs délais”.

Si l’intégration avance, le financement de la CEMAC pose problème, les moyens financiers manquent considérablement. Les chefs d’Etat de la région, conscients de la nécessité de doter la Communauté des ressources suffisantes et pérennes, avaient adopté le 6 mai 2015 à Libreville (Gabon), l’Acte additionnel portant réaménagement du mécanisme du financement autonome en vue de régler définitivement cette question de financement de la communauté.

Lors du sommet de Djibloho, ils ont pris un acte additionnel définissant le mécanisme du prélèvement de la taxe communautaire d’intégration (TCI). “A ce jour, son taux de recouvrement et de reversement reste désespérément bas, au point où il ne permet pas de couvrir les charges essentielles de fonctionnement de notre Communauté”, a déploré le président en exercice de la CEMAC.

Le montant cumulé des arriérés de cotisations des six pays membres de CEMAC vis-à-vis de leur organisation, entre 2009 à ce jour, s’élève à plus de 200 milliards de francs CFA, selon le ministre tchadien de l’Economie et de la Planification du développement, Nguéto Tiraïna Yambaye, qui préside le conseil des ministres.

Abordant la question du financement, les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé d’annuler la masse des arriérés à hauteur de 90%, afin de partir sur de nouvelles bases. Ils ont invité les Etats membres à s’acquitter du différentiel de ces arriérés avant la fin de l’année en cours.

“La sévère contrainte financière qui pèse actuellement sur les budgets nationaux, doit conduire également à “mieux dépenser”, a exhorté le président Déby Itno. La Commission de la CEMAC a été sommée de procéder à d’importantes réformes institutionnelles, notamment sur le plan du nombre et de la qualité des organes spécialisés afin que leur coût soit au même pas que le niveau de financement interne.

Enfin, le sommet de N’Djaména a exhorté les Etats de la sous-région à appliquer, sans conditions et intégralement, le mécanisme de liquidation et de recouvrement des produit de la TCI.

“Nous avons franchi, sans nul doute, un nouveau palier dans le processus de consolidation de notre organisation commune. Les pertinentes décisions formulées à l’issue de cette réflexion, vont nous permettre de renforcer l’intégration sous-régionale et d’assurer l’efficience de nos actions”, a affirmé le président Déby Itno en clôturant les travaux du sommet de N’Djaména.

Pour conduire ce renouveau de la CEMAC, le chef de l’Etat tchadien et ses homologues ont procédé aux nominations des premiers responsables dans les structures de la Communauté.