La guerre contre Boko Haram s’annonce dure et sanglante. Les troupes tchadiennes et camerounaises coalisées pour combattre les islamistes nigérians en ont eu une première illustration mercredi.

À l’aube, les miliciens de la secte ont lancé une violente contre-attaque sur Fotokol, un gros bourg camerounais planté à la frontière du Nigeria. Ce raid se veut une réponse à l’offensive menée la veille par les soldats tchadiens contre Gamboru, la ville sœur de Fotokol, côté nigérian, aux mains de Boko Haram depuis plusieurs mois. Les deux cités ne sont séparées que par un pont long de quelques centaines de mètres. N’Djamena, dont un corps expéditionnaire fort de plus de 2000 hommes a été dépêché fin janvier au nord du Cameroun, avait déployé les grands moyens. La ville de Gamboru, désertée par ses habitants, avait subi de lourds bombardements d’artillerie et des Mig-29 tchadiens. Mardi, les militaires tchadiens, montés sur des pick-up et appuyés par des blindés, avaient passé le pont et pris le contrôle de Gamboru au terme de violents combats. Mercredi, alors que ces hommes tentaient de réduire les derniers foyers de résistance et les tireurs embusqués islamistes, Boko Haram s’en prenait à Fotokol.

 

 

 

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Partis de villages frontaliers proches de Gamboru, les miliciens ont pénétré dans le bourg, tuant tous les civils croisés et brûlant les maisons. La grande mosquée de Fotokol a été incendiée. «Je connais au moins dix personnes qui ont été tuées», assurait un témoin interrogé par l’AFP. «Boko Haram a fait vraiment beaucoup de dégâts ici ce matin. Ils ont tué des dizaines de personnes, au moins vingt à la grande mosquée. Dans une autre mosquée, aucun fidèle n’a pu s’échapper», expliquait un autre habitant, Umar Babakalli.

Les forces camerounaises et tchadiennes ont finalement repoussé les islamistes. Comme souvent, le bilan de ces premiers jours de guerre reste incertain. Selon l’état-major tchadien, ils auraient fait 9 morts et 21 blessés côté tchadien et «plus de 200» dans les rangs de Boko Haram. Aucun chiffre, même vague, n’est avancé pour les pertes civiles, qui pourraient être importantes.

 

 

 

 

 

 

Le pouvoir tchadien est décidé à réduire l’influence de Boko Haram dans une région qu’il considère comme stratégique. L’entrée de soldats tchadiens au Nigeria, alors qu’Abuja s’y opposait, le démontre. Le Nigeria, sous la pression de l’Union africaine, a fini par s’y résoudre. Le Tchad, de son côté, ménage les susceptibilités, assurant qu’il ne fait usage que du simple «droit de poursuite», qui permet depuis plusieurs années aux armées de la région d’entrer sur 35 kilomètres au Nigeria pour combattre Boko Haram.

Mais cet habillage trompe d’autant moins que des troupes tchadiennes sont aussi déployées au Niger, dans ce qui ressemble à une manœuvre pour prendre les islamistes en tenaille. Idriss Déby, le président tchadien, n’a pas caché son intention de porter les combats profondément dans le territoire nigérian. À cette fin, l’Union africaine a décidé la semaine dernière de monter une force militaire régionale avec le soutien financier de l’ONU.

Vendredi et samedi, une réunion est prévue à Yaoundé, la capitale du Cameroun, pour jeter les bases opérationnelles de cette force et aplanir les difficultés diplomatiques.

Source: lefigaro