Des tragiques événements qu’a connus le Tchad, il y a certainement la deuxième bataille de N’Djamena déclenchée le 20 mars 1980 entre les Forces Armées Populaires (FAP) de Goukouni Weddeye et les Forces Armées du Nord (FAN), d’Hissène Habré. Ceux qui ont vécu ce moment, garde un souvenir très douloureux.

« Pendant la guerre de neuf mois, j’avais autour de 20 ans. Durant des jours, on n’a pas de ration alimentaire à la maison. Un jour, j’ai bravé la peur pour aller au marché faire des provisions. Sur ma mobylette appelée Dima, j’arrive au marché où il n’y a que quelques rares marchands qui sont présents. Je commence à faire mes achats, autour de moi il y a quelques personnes. Brusquement, un obus tombe à quelques mètres de moi. Je me tourne, je vois une femme dont la tête est emportée par l’engin explosif. Tout mon habit est maculé de sang. Au départ, croyant être blessé, mais après vérification, c’était le sang des autres ». Alhadj Annour, sexagénaire, se souvient comme si c’était hier, de la bataille de N’Djaména, appelée « Douass tiza chaar » (la guerre de neuf mois).

Après la terrible explosion, Annour décide de rentrer en oubliant même sa mobylette sur place. « C’est après une longue distance à pieds que je me suis rappelé que j’étais arrivé au marché avec une mobylette. Je me suis retourné pour prendre mon moyen de déplacement et rentrer chez moi. Ça a été vraiment horrible, inoubliable », confie-t-il.

Un autre témoin de cet événement, Oumar, lui aussi était dans la vingtaine. « Par curiosité, j’ai voulu faire un tour dans certains quartiers de la capitale. Dans ma folle promenade, je tombe sur un groupe des combattants qui ont tous soulevé leurs armes voulant me fusiller. Je n’ai eu la vie sauve que grâce à leur chef qui leur a dit de ne pas tirer », relate-t-il.

En effet, la deuxième bataille de N’Djamena est intervenue le 20 mars 1980 après la première, le 12 février 1979. Si la première a opposé le président de la République, le général Félix Malloum avec l’armée régulière, les FAT (Formes armées tchadiennes) et son Premier ministre Hissène Habré avec ses FAN, la deuxième bataille qui dura neuf mois, oppose deux anciens alliés, Goukouni Weddeye à la tête du gouvernement d’union nationale de transition (GUNT) et Hissène Habré, ministre d’Etat chargé de la Défense.

Quelles sont les causes de cette guerre ? Les avis divergent, mais la réalité est que les deux chefs de guerre, Goukouni Weddeye et Hissène Habré, ne s’acceptent pas. Même s’ils n’ont pas d’animosité entre eux, chacun ne veut pas que l’autre reste à la tête du pays.

C’est dans cette difficile cohabitation entre les « frères ennemis » qu’éclate la deuxième bataille de N’Djamena. Selon les témoignages, Goukouni et ses alliés du gouvernement d’union nationale de transition voulaient mettre « hors d’état de nuire » Hissène Habré. Des éléments du GUNT issus de différentes tendances ont attaqué l’EMB (Établissement matériels et bâtiments), camp militaire où sont stationnés des combattants FAN d’ Hissène Habré. Il y a eu 27 morts. Le GUNT soupçonne, en effet, Habré de vouloir fomenter un coup d’état.

Parmi les raisons pour lesquelles les tendances formant le GUNT se méfiaient d’Hissène Habré, c’est le fait que ce dernier ne voulait pas appliquer l’une des clauses des accords de Lagos portant sur la démilitarisation de la capitale. Hissène Habré, en tant que ministre de la Défense, cherchait à rallier des combattants d’autres tendances à ses éléments des FAN. Le déclenchement direct de la bataille de N’Djamena est parti de l’attaque de la ville de Mongo contrôlée par les combattants de la première armée du Frolinat.

« A l’annonce de la prise de Mongo par les FAN, j’ai convoqué les membres du gouvernement et le comité d’observateurs pour une réunion à la chambre de commerce afin de résoudre le confit qui venait de naître. Les discussions durèrent plusieurs heures. Hissène Habré refuse de retirer ses forces de Mongo. La réunion est dans l’impasse. Nous l’avons reportée pour demain. La nuit, j’ai été réveillé par Hissène qui me demandait les raisons de l’attaque du camp EMB », retraçait, ainsi, le président Goukouni, le récit du début de la bataille de N’Djamena. 

Finalement, la réunion sur le retrait des troupes de Habré de Mongo reportée pour le lendemain, n’aura jamais lieu. La guerre de neuf mois est déclenchée. « Si cette attaque n’avait pas été déclenchée, si Hissène, le lendemain avait retiré ses forces (de Mongo), on pouvait au moins atténuer l’éclatement pour quelques semaines, un mois. On allait retarder, dans tous les cas », reconnaissait, Goukouni Weddeye.

Au deuxième gouvernement de transition, Hissène Habré occupe le poste de ministre d’Etat chargé de la Défense nationale. Il sera démis de ses fonctions le 26 avril 1980, soit un mois après l’éclatement de la guerre avec d’autres ministres notamment, Mahamat Saleh Ahmat chargé des Finances, bâtiments et matériels et Hadjaro Sénoussi, ministre de la reconstruction et de l’aménagement du territoire.