C’est un miracle : le Tchadien Ahounta découvre, dans le désert, le crâne d’un préhumain qui vivait voilà 7 millions d’années.

Alors que l’aube se lève à peine sur le Djourab, les quatre hommes crèvent déjà de chaud. À cette époque de l’année, la moiteur baignant le désert tchadien est infernale. Mais, au moins, la tempête de sable qui soufflait la veille s’est miraculeusement évanouie. Le 19 juillet 2001 est le dernier jour de la mission paléontologique dirigée par Alain Beauvilain, un géographe détaché auprès du ministère tchadien de l’Enseignement supérieur. Elle comprend également trois Tchadiens, dont le jeune Ahounta Djimdoumalbaye, licencié en sciences naturelles. Personne ne se doute encore que, dans quelques minutes, ces hommes vont faire une découverte fracassante qui leur apportera la grande prise de tête de leur vie : un crâne de 7 millions d’années considéré par certains comme celui du plus vieil ancêtre humain. Après, bien entendu, celui d’Elizabeth II

Pour l’instant, les quatre hommes avalent en vitesse un café avant d’affronter le sauna. Au moins, il ne faut pas faire l’effort de creuser, le vent du désert se charge de décaper le sol, laissant émerger des terrains vieux de plusieurs millions d’années. Ahounta se dirige vers le sud. Il possède la réputation de posséder les meilleurs yeux de tout le Tchad. De véritables lasers capables de repérer une sardine borgne dans un banc de millions de poissons. Deux ans auparavant, le paléontologue français Michel Brunet, qui dirige les campagnes de fouilles au Tchad depuis sept ans – mais resté à Paris pour celles de 2001 -, lui avait dit : “Ahounta… s’il y a un primate ici, je suis sûr que c’est toi qui vas le faire découvrir.”

Depuis, le jeune homme se sent chargé d’une mission quasi divine. Alors qu’il avance doucement, son attention est attirée par “une sorte de boule prise dans une gangue noire, posée là, devant moi. Je ne sais pas pourquoi la chose a capté mon attention. Toujours est-il que je me suis approché et, à quelques mètres, j’ai remarqué deux rangées de dents…” La rencontre est historique. Plus encore que celle de Christophe Colomb avec le premier “Indien”.

Emballé dans du papier toilette

Le Tchadien Ahounta Djimdoumalbaye vient de découvrir le plus ancien membre de la famille humaine connu à ce jour. Ce crâne noirâtre, à moitié écrasé, dont l’aspect primitif ferait même honte à un chimpanzé, appartiendrait à l’un de nos ancêtres qui aurait vécu quelque temps après la séparation de la ligne humaine de celle des chimpanzés. Un événement qui se serait produit voilà peut-être huit millions d’années. À peu près l’époque où Giscard est entré en politique…

Environ 400 000 générations nous séparent de ce glorieux ancêtre baptisé Toumaï, et 1 000 cm3 de matière grise. Vivons-nous pour autant plus heureux ? Certainement ! Toumaï ne bénéficiait d’aucun progrès de la civilisation : la guerre, le chômage, le sida et le hamburger. Après être tombé à genoux devant sa trouvaille pour l’examiner, Ahounta appelle son camarade Fanoné Gongdibé : “C’est la victoire ! Nous avons ce que nous cherchions !” Autant dire que c’est la fête le soir même. Le chef de l’expédition Beauvilain en pleurerait presque. Quel dommage que le patron Michel Brunet ne soit pas présent pour assister à la découverte ! Mais lui a prévu de fouiller ailleurs. Le crâne est délicatement emballé dans du papier toilette pour être rapporté à N’Djamena. Honte et déshonneur… lire la suite sur le point.fr