Au Tchad, de plus en plus de jeunes se lancent dans l’entrepreneuriat. Un parcours semé d’embûches dont très peu arrivent à se frayer un chemin. Bindah Dingaotabet Ghislain, PDG de Karö Enterprise et lauréat du prix talent de génie édition 2020, en est un exemple. Il fait usage des déchets agricoles et ménagers pour produire des charbons écologiques. Interview.
D’où vous est-il venu l’idée de la fabrication du charbon à base des déchets ?
L’idée de produire du charbon écologique est née d’un constat lors de mon déplacement en février 2020 dans mon village Bedjimoundou, dans le canton Gadjibian, au sud du pays. J’ai eu à remarquer la disparition du couvert ligneux dans beaucoup d’endroits qui autrefois étaient couverts de flore et cela est dû à la production du charbon de bois, principale activité de revenus en saison sèche et surtout du bois de chauffe, principale source d’énergie domestique. Et pourtant, juste à côté, il y a des déchets agricoles qui sont tellement énormes que même les animaux n’en finissent de manger…des tiges de riz, de maïs, de sorgho, de sésame, des coques d’arachide, etc. C’est partant de ce constat que j’ai pris la décision de faire de recherches sur une possible valorisation de ces déchets qui dans un premier temps permettra de solutionner le problème de source d’énergie domestique et en second lieu, d’empêcher les gens de s’adonner à la coupe abusive des bois en leur proposant une nouvelle source de revenus. Voilà comment est né, l’idée de production du charbon écologique, puis de Karö Enterprise.
Quand est-ce-que vous vous êtes lancé dans cette activité ?
Comme je l’avais dit ci-haut, cette recherche était concluante, j’ai finalement découvert que ces déchets peuvent produire du charbon écologique. Et en novembre 2020, j’avais réalisé les premiers échantillons pour participer à la compétition ”Talent des Génies” de la Semaine mondiale de l’entrepreneuriat édition 2020. Dieu merci, J’ai remporté cette compétition. Ce fût mon début dans cette aventure.
Quels sont les déchets que vous transformez ?
Les déchets utilisés dans la production du charbon écologique sont en majorité des déchets agricoles, mais il y a aussi les déchets ménagers comme les épluchures de fruits.
Quelles sont les procédures de transformation de ces matières en charbon?
Pour la production, on procède par la collecte et le tri des déchets, ce qui est la base de toute entité de recyclage des déchets. Ensuite, la carbonisation de la matière trillée, le broyage et le mélange avec un liant avant de passer sur la machine à presser pour sortir les briquettes de charbon écologique. On les laisse au séchage quelques jours avant de les utiliser. C’est un charbon qui ne fume presque pas, ne noircit pas le derrière de la marmite, brûle efficacement et prend du temps pour se consumer. Il est moins coûteux et facile à utiliser de préférence dans un foyer amélioré.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ?
Comme dans toutes les activités entrepreneuriales, les difficultés ne manquent pas. Nous sommes actuellement limités pour une production à grande échelle compte tenu de l’insuffisance de machine à presse et surtout d’absence d’une machine à presse électrique dotée d’une grande capacité de production par minute. La machine à presse que nous utilisons actuellement est manuelle, on produit autour de 250 à 500 briquettes seulement par jour ce qui est très en dessous de nos attentes. Nous avons aussi le manque des moyens de collecte des déchets. Une moto-bene ou un pick-up peut nous aider à ramasser plus de déchets et ainsi accroître la production. Ceci permettra également d’assainir notre ville. Notre travail contribue énormément à créer des emplois, rendre meilleure la vie de nos concitoyens. Mais malheureusement, nous n’avons reçu aucun soutien qu’il soit financier, matériel ou technique.
Quels sont vos projets ?
Ma véritable vision avec Karö Enterprise, c’est de réussir à inculquer dans l’esprit de tous mes frères tchadiens l’importance de se tourner vers les énergies renouvelables, la consommation des produits 100% Bio, la seule issue à mon avis qui garantit une vie de tranquillité et une espérance de vie plus longue. Il est bien vrai que cela s’avère être une mission difficile mais pas impossible. Cette mission doit passer par la conscientisation, le changement de comportement et surtout les innovations pour rendre visible et disponible les alternatives proposées.
Avez-vous un mot de fin à l’endroit de la population et particulièrement aux jeunes comme vous?
Je profite de votre micro pour inviter les jeunes à plus de responsabilité, plus d’audace et surtout les encourager dans ce qu’ils font, de le faire d’un seul cœur et de bien le faire. Nous avons un écosystème dans lequel il est difficile d’entreprendre, seule notre détermination fera notre différence. Pour ma part, comme j’ai l’habitude de dire, je n’aime pas le terme financement mais plutôt accompagnement alors je demande à tous ceux qui sont intéressés par ce que nous faisons, les volontiers de la lutte environnementale, les ONG qui militent dans l’écologie, etc., de nous contacter sur nos différents numéros pour savoir davantage de nos activités et projets pour mieux nous accompagner.