Le 31 décembre 2021, le président du Conseil militaire de transition (CMT), Mahamat Idriss Déby Itno, prend un décret pour nommer une centaine de sous-préfets à la tête d’unités administratives. Un joli cadeau de Noël ou du Nouvel An pour les promus. Mais le 10 janvier, spectacle ! Le décret du 31 décembre est annulé. Et pour cause, ni le Premier ministre de transition ni le ministre de l’Administration n’ont respecté les consignes récemment données par le PCMT pour la nomination à des postes publics : compétence, expérience et équité.

Le décret du 31 décembre dernier ne respectait pas non seulement les critères sus-énumérés, mais également ni le critère genre ni la géopolitique si chère au Tchad. Des partisans, courtisans et clients ont été ainsi promus et parmi eux, et comme c’est souvent le cas dans l’administration territoriale, des analphabètes. Beaucoup de plaintes ont fusé à la publication du décret du 31 décembre. Elles sont allées jusqu’aux oreilles du PCMT qui est entré dans tous ses états en réalisant qu’il a été désobéi. Et c’est tout naturellement que le décret d’annulation a été pris lundi.

Il faut saluer l’acte courageux pris par le PCMT car des sous-préfets de chiffon, de pacotille remplissent nos unités administratives et ternissent l’image de l’administration. Soit ils n’ont aucune qualification professionnelle ou linguistique, si ce n’est être le frère ou cousin d’un tel ou appartenir à un même parti politique ou une même région qu’un tel autre. Soit, ils s’adonnent à des pratiques délictueuses, voire déviantes comme le sous-préfet de Donia (dans le Logone oriental) pris, il y a quelques semaines, en flagrant délit d’adultère au sein de sa résidence et qui a dû prendre la fuite pour avoir la vie sauve.

A quoi sert-il de former, chaque année, des dizaines d’administrateurs, les laisser dans la nature et prendre des courtisans sans aucune qualification, analphabètes, et en faire des sous-préfets, voire des préfets ou gouverneurs? On devrait alors supprimer la filière « Administration territoriale » de l’École normale d’administration (ENA) et arrêter de dépenser des millions de francs pour rien.

En annulant le décret honteux du 31 décembre, le PCMT donne un bon signal. C’est à saluer, comme les bons actes qu’il pose depuis qu’il a pris les rênes de la transition. Cependant, comme il l’a ordonné à ses ministres, il doit défendre le mérite ou le professionnalisme, assurer une représentation équitable de tous les groupes sociaux, mais également veiller à l’application des règles régissant la fonction publique tchadienne.

Tout le monde doit prendre conscience de l’urgence et de la nécessité d’avoir enfin une Fonction publique avec un comportement conforme à l’éthique et qui fasse preuve de responsabilité et de transparence. En premier, par le Premier ministre, chef de l’administration publique, et tous les ministres qui doivent mettre un terme à ces nominations honteuses comme celles du 31 décembre. Ensuite par tous les responsables qui ont le moindre pouvoir de nomination. Car les pratiques contraires à l’éthique et les actes délictueux ayant pignon sur rue dans le secteur public depuis plusieurs décennies, ont fini par, d’une part, créer un grand fossé entre les institutions publiques et les usagers ou administrés qui ont perdu toute confiance, et d’autre part, éroder complètement l’état de droit dans notre pays. Il est temps d’aller au-delà des discours sans lendemain et de redonner à la fonction publique tchadienne ses lettres de noblesse.

Désormais, pour respecter les critères de compétence notamment, l’on peut faire comme au Cameroun voisin où les décrets de nomination des administrateurs sont rédigés comme suit : « Sous-préfet de telle localité : Monsieur/Madame UNTEL, Secrétaire d’administration Principal, précédemment… ». Il est vrai que le diplôme, chez nous, n’est qu’une présomption de connaissances et de compétences, mais cela aura le mérite de montrer aux administrés quel est le background de cette personnalité nommée à la tête de leur unité administrative.

La Rédaction