Le 28 juillet dernier, un décret présidentiel nomme Abakar Mahamat Hassaballah directeur général de l’Office national des examens et concours du supérieur (Onecs), en lieu et place de Pr Bakary Abbo. Ce décret, publié sur la page Facebook du Secrétariat général du gouvernement, puis très vite retiré, n’est pas passé inaperçu. Il crée un tollé sur la Toile.

Beaucoup d’observateurs jugent inacceptable qu’un jeune homme, certes travailleur mais titulaire d’un master, remplace un universitaire rodé de rang professoral à la tête d’un organisme chargé de valider et authentifier les diplômes. Les textes régissant l’institution précisent que le directeur général doit avoir un grade de Professeur titulaire d’universités ou de Maitre de conférences à la limite. Cinq jours après, un décret est venu abroger celui du 28 juillet, Abakar Mahamat Hassaballah est nommé directeur des examens et concours, Pr Bakary Abbo maintenu à ses fonctions.

Ce rétropédalage vient mettre à nu le disfonctionnement de l’administration tchadienne à travers les légèretés dans les nominations à des fonctions dans la haute et moyenne administration publique. Les ministres, les premiers responsables des institutions publiques, sont nommés au nom des partis et cercles qui gravitent autour du pouvoir. Le ministre, à peine arrivé, nomme des camarades du parti ou des proches (du village ou de la région) à des postes administratifs, au mépris des exigences de compétences et de performance. Par les nominations et les affectations, l’on récompense et entretient la soldatesque partisane ou électorale. Il en est de même des recrutements à la fonction publique et des attributions de marchés publics qui doivent normalement se faire respectivement par concours et par avis d’appel d’offres. Le recrutement promis de 20.000 nouveaux agents risque de ne pas déroger à cette logique de clientélisme politique, de népotisme et de corruption.

L’administration publique tchadienne est aujourd’hui politisée à outrance. Pire, des cellules des partis politiques sont créées dans les ministères, ce qui contribue à violer la liberté de conscience des agents publics. La neutralité, principe sacrosaint, a fui notre administration.

Conséquence : l’administration publique tchadienne est malade. Ses maux sont nombreux : désorganisation, corruption, incompétence, lourdeur, laxisme, absentéisme, etc. Dans son discours lors de la promulgation de la constitution de la 4ème République, le président Déby Itno a fustigé le faible rendement de l’administration publique. « La durée hebdomadaire de travail qui est de 37 heures aujourd’hui est un luxe pour un pays comme le Tchad. Nous sommes tous astreints à travailler plus pour tenir les paris de développement. L’obligation de résultat doit être la règle d’or de notre administration », a-t-il déclaré. Pour le chef de l’Etat, un réaménagement s’impose pour augmenter le temps de travail. On est ainsi passé de 37 à 40 heures, pour contraindre les travailleurs à une obligation de résultat.

Mais le changement du temps de travail n’est pas la panacée. Les mêmes maux persistent. Il faut donc transformer l’administration publique : sur le plan organisationnel par le biais de la révision et l’amélioration des structures administratives organisationnelles ; sur le plan moral en promouvant les valeurs de mérite, d’intégrité et de transparence ; sur le numérique à travers la consécration de la culture d’adhésion à l’évolution numérique à tous les niveaux.

L’efficacité de l’administration publique, de chaque ministère ou service en particulier, suppose d’abord que celui qui le dirige le connaisse, le maîtrise parfaitement. Or, avec la valse des remaniements gouvernementaux, un ministre n’a-t-il eu le temps de faire le tour de ses services qu’il est déjà relevé ou muté à un autre ministère. Il faut du temps pour connaître et comprendre les rouages d’une administration. Et les organigrammes des ministères, qui suivent la valse des gouvernements, ne facilitent guère la tâche.

Ensuite, pour diriger des hommes et gérer des services à la fois, il faut que le ministre ait les outils, les compétences nécessaires : la capacité d’écouter, le savoir déléguer, l’art de motiver et de contrôler, etc. Autant de qualités qu’on retrouve rarement à la fois chez nos ministres.  Enfin, l’efficacité du service signifie que le responsable (ministre, directeurs et autres chefs de services) ait la liberté de manœuvre.

« Pour amorcer le développement du Tchad, ils [les agents de l’Etat] doivent s’acquitter de leurs tâches quotidiennes avec dévouement et abnégation », déclarait le chef de l’Etat tchadien en main 2018. Il est temps de se départir de cette logique de rente partisane et clientéliste qui guide les recrutements et nominations. Il est temps de développer, à tous les niveaux, la responsabilisation ou la culture des compétences et résultats axée sur la rentabilité, l’efficacité, l’efficience et la qualité des services.

La Rédaction.