« L’information est l’oxygène de la démocratie. Si les gens ne savent pas ce qui se passe … ils ne sont pas en mesure de participer d’une manière positive à la vie de leur société », dit Andrew Puddephatt, directeur général de «Article 19», la célèbre association britannique des droits de l’homme très impliquée dans la défense et la promotion de la liberté d’expression et de la liberté d’information dans le monde entier. Il existe en théorie deux principes: d’une part, le fait qu’il soit particulièrement important en période électorale que les opinions et les informations de toutes sortes puissent circuler librement; d’autre part, le fait, tout aussi important, que lors d’élections (comme la présidentielle du 11 avril 2021), il puisse aussi être considéré comme nécessaire d’imposer certaines restrictions à la liberté d’expression, en vue de garantir la libre expression de l’opinion du peuple lors du choix du futur président de la République.

Dans la pratique, il est difficile de concilier ces deux principes qui s’opposent. Mais il est indispensable de trouver le juste milieu en régulant la couverture du jeu démocratique en général, et de l’élection présidentielle du 11 avril prochain en particulier. C’est ainsi que la Haute Autorité des Media et de l’Audiovisuel (HAMA) a édicté, le 9 février dernier, trois décisions pour réglementer la couverture médiatique de la campagne électorale de la prochaine présidentielle. La première décision porte sur le respect des principes d’équité, de pluralisme et d’équilibre de l’information par les media publics et privés. Les deux autres portent sur la réglementation du temps d’antenne et de l’espace rédactionnel dans les media publics et dans les media privés.

Deux gros défis attendent l’instance de régulation des media: garantir un accès équitable, à défaut d’égal, à tous les candidats dans les media de service public et réguler les plateformes en ligne qui s’invitent déjà dans le jeu démocratique.

Les media publics, financés par les contributions des Tchadiens, sont considérés à juste titre comme une ressource publique. Ils sont ainsi soumis à des obligations et à des réglementations plus rigoureuses, contrairement aux media privés. Ces obligations valent déjà en période non électorale et davantage en période électorale. Ça, c’est la théorie. Dans la pratique, le parti au pouvoir et ses ramifications ont pratiquement pris en otage la radio et la télévision. Ce qui a décrédibilisé l’ONAMA (Office National des Media Audiovisuels) aux yeux de l’audimat tchadien.

La HAMA doit veiller à ce que l’ONAMA ouvre à tous les candidats un temps d’antenne et un espace rédactionnel réguliers et équitables, ainsi que des conditions de programmation comparables. Il en va de même de l’Agence Tchadienne de Presse et d’Edition, l’autre medium de service public.

Par ailleurs, la multiplication des plateformes par internet, satellite et téléphonie mobile, ces dernières années, a ouvert des possibilités accrues pour l’échange d’information et la liberté d’expression. Aux côtés des media traditionnels (radios, télévisions et journaux sur du papier), ces nouvelles technologies seront de plus en plus utilisées par les partis, les candidats et des tiers militants ou sympathisants. Certains candidats font déjà le buzz sur Facebook.

Contrairement aux précédents scrutins, l’utilisation de plateformes nouvelles et innovantes par les acteurs politiques et autres, tels que les journalistes ou les observateurs électoraux, va soulever au Tchad un large éventail de questions concernant le contrôle. Les nouveaux media viennent ainsi remettre en cause les concepts existants de contrôle des media et exigent une redéfinition de certaines délimitations des règles régissant les media, tout en continuant de répondre au fonctionnement des media traditionnels.

La HAMA aura du pain sur la planche dans la surveillance de ces plateformes. Cette tâche sera plus hardie, voire presque impossible les jours J et après le scrutin. Car même si la publication des sondages et résultats, partiels et complets, provenant d’une autre source que la CENI (Commission électorale nationale indépendante) est interdite, des individus, autres que journalistes, pourront bien publier sur Facebook les résultats sortis de tel bureau de vote ou de telle autre circonscription électorale. C’est la quadrature du cercle de la prochaine présidentielle qui attend la HAMA.

La Rédaction