L’économie tchadienne, très dépendante de l’or noir, est frappée de plein fouet par trois chocs exogènes : la chute des prix du baril, l’instabilité sécuritaire dans la sous-région et la pandémie du coronavirus. Les perspectives restent toutefois bonnes et le pays doit poursuivre la diversification de son économie pour la rendre moins vulnérable aux aléas.

Les deux premières années du mandat du président Idriss Déby Itno qui s’achève, ont été très éprouvantes sur le plan économique. En 2016 et 2017, le Tchad a connu une forte récession : -5,6% et -2,4% respectivement. Cette situation était la conséquence de deux facteurs exogènes : la chute des cours du brut, d’une part, et l’insécurité de plus en plus accrue dans les pays voisins, d’autre part. L’économie tchadienne est fortement tributaire du pétrole. Depuis le début de l’exploitation de son or noir en 2003, son économie s’est sans cesse accrue au point d’atteindre le chiffre record de 13,7% de croissance en 2014. Et l’effondrement des cours du Brent est venu stopper net cet élan.

Mais le Tchad a résisté à ce double choc, renouant avec la croissance en 2018 (+2,3%) et 2019 (3,0%). Cette embellie était due, selon le ministère des Finances et du Budget, à la remontée des cours du brut et à une augmentation de la production boostée par la mise en exploitation de nouveaux gisements et l’introduction de nouvelles techniques dans les champs pétroliers du sud du pays.

Au cours du premier trimestre 2020, les revenus pétroliers se sont élevés à un peu plus de 102 milliards de francs CFA, contre seulement 76,5 milliards sur la même période de 2019, soit une hausse de 33,4%.

L’embellie pétrolière s’est poursuivie au deuxième trimestre de 2020 : plus de 309 milliards de francs CFA, contre un peu plus de 152 milliards de francs CFA l’année précédente à la même période, soit un bond de 102,5%.

Bouffée d’oxygène

Le ministère des Finances et du Budget explique cette augmentation par le recouvrement de l’impôt sur les sociétés pétrolières des exercices précédents et la hausse du volume des exportations du brut. Si le consortium Esso, la CNPCIC et Glencore ont augmenté leurs productions, l’opérationnalisation d’un autre consortium (OPIC, avec plus de 155 000 barils par mois) en mars 2020 a été également une grande bouffée d’oxygène.

Malheureusement, la crise sanitaire du Covid-19, survenue en mars 2020, est venue ralentir l’économie tchadienne, à l’instar des autres pays du monde entier. Le Tchad a accusé à nouveau ce troisième choc exogène. Le gouvernement a pris des mesures fortes pour freiner la propagation du virus au sein de la population. Il a également élaboré un plan d’urgence pour atténuer les effets de la pandémie sur l’économie : un ensemble de mesures économiques d’aides aux couches sociales vulnérables et aux entreprises. Face à un choc soudain, le gouvernement a été contraint de relâcher le déficit des finances publiques et accroître les dépenses en matière de santé publique. Ce relâchement est temporaire ; la crise sanitaire résorbée ou contrôlée, le gouvernement entend poursuivre les réformes et maintenir la bonne trajectoire des finances publiques à moyen terme.

Soutiens des partenaires

Pour aider le Tchad à répondre aux besoins urgents de financement de la balance des paiements résultant de la détérioration de la conjoncture mondiale et de la pandémie du Covid-19, le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé, en avril 2020, le décaissement de 115,1 millions de dollars en sa faveur. Ce décaissement, fait au titre de la facilité de crédit rapide, sera suivi d’un autre d’un montant d’un peu plus de 18 millions de dollars.

Dans la foulée du FMI, la Banque mondiale a également accordé un don de 16,9 millions de dollars (environ 10,2 milliards de francs CFA) pour aider le Tchad à répondre au défi sanitaire posé par l’épidémie de Covid-19. « C’est urgent de soutenir le Tchad car la pandémie met le système sanitaire tchadien, déjà fragile, à très rude épreuve », avait déclaré Soukeyna Kane, la directrice des opérations de la Banque mondiale pour le Tchad.

D’autres partenaires techniques ont répondu à cet appel, accordant au Tchad des aides budgétaires ou aides directes : la Banque africaine de développement, l’Union européenne, la France, etc. Le Tchad a même bénéficié du moratoire sur la dette extérieure bilatérale proposé par les pays du G20 et du Club de Paris.

La meilleure résilience

Grâce aux soutiens de ses partenaires techniques et financiers, le Tchad a ainsi résisté au coronavirus. Près d’un an après l’apparition du virus sur son territoire, il continue de lui résister, et il est le pays qui résiste le mieux dans la sous-région, avec -0,8% de croissance en 2020, soit mieux que la moyenne de toute l’Afrique subsaharienne (-3,2%).

Le Tchad se bat contre le coronavirus ; il continue à être un havre de pays dans un océan régional d’insécurité. Il a résisté au choc pétrolier. Avec l’accélération de la production dans les nouveaux champs pétrolifères et le rétablissement des prix du pétrole, la croissance devra repartir en 2021 et atteindre les 6%, selon des prévisions du FMI.

Malgré ces bonnes perspectives, le président Déby ne cesse de marteler à ses compatriotes : « Attention! Le pétrole est une denrée périssable, ne comptez pas sur le pétrole ». La diversification apparaît, aujourd’hui plus que jamais, comme un impératif. Et les secteurs porteurs ne manquent pas : agriculture, élevage, mines, nouvelles technologies de l’information et de la communication, tourisme, etc.

Deux autres contraintes majeures

Cependant, en plus des trois chocs exogènes, le Tchad fait face à deux contraintes majeures. D’une part, l’aide extérieure s’est contractée du fait de son endettement élevé, aggravé par la « dette GLENCORE » et leurs répercussions sur la Position Nette du Gouvernement (PNG) au niveau de la BEAC. D’autre part, le secteur privé peine à se relancer et contribue de manière peu conséquente dans la mise en œuvre du Plan National de Développement 2017-2021.

Il apparaît ainsi indispensable pour le gouvernement d’adopter une nouvelle politique de croissance équitablement distribuée. Tout en poursuivant la diversification du secteur réel pour réduire la dépendance de la manne pétrolière avec ses aléas, il faut développer les économies verte et numérique et introduire le capital humain comme facteur de croissance dans le nouveau modèle économique.

Le gouvernement devra également renforcer les capacités de prévisibilité du pays et la consolidation des acquis auprès des institutions de Bretton Woods, et poursuivre les efforts de mobilisation des ressources pour le financement du développement en renforçant les études de faisabilité des programmes et projets.

Enfin, le Tchad rattrape son retard en termes d’attractivité, de climat des affaires. Les réformes engagées commencent à porter de fruits, mais elles doivent se poursuivre. Et il faut également élaborer et mettre en œuvre une politique fiscale qui facilite la relance du secteur privé, ainsi qu’une politique cohérente de développement agricole et de transformation des produits de l’élevage.