INTERVIEW– Au Tchad, le recours à la médecine traditionnelle n’est pas automatique. La flore tchadienne comporte des milliers de plantes médicinales. Le rôle de la médecine traditionnelle n’a pas été aussi important qu’en cette période de la pandémie de Covid-19. Tchadinfos est allé à la rencontre du directeur de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle du ministère de la Santé publique, Dr Seid Abakar Bechir.  

Quelle importance accordez-vous à la médecine traditionnelle au sein du ministère de la Santé publique ? 

La médecine traditionnelle occupe une place très importante au sein du ministère de la Santé publique. Car, notre pays est membre de la Région Africaine de l’Organisation Mondiale de la Santé. Il a adhéré aux stratégies de la médecine traditionnelle africaine en appliquant la résolution AFR/RC50/9 de l’OMS lors du lancement officiel du programme de la médecine traditionnelle dans le système de santé le 29 décembre 2000. A travers le ministère de la Santé publique, le gouvernement tchadien a entrepris plusieurs démarches depuis plusieurs années pour intégrer au système national de santé cet important potentiel que constitue la médecine traditionnelle. C’est dans le souci d’assurer des soins de santé efficaces et accessibles à toutes les collectivités. Le gouvernement tchadien s’est engagé aussi à adopter les textes législatifs et réglementaires de la médecine traditionnelle.

Depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19, avez-vous songé à faire recours à la médecine traditionnelle pour traiter ou prévenir la maladie à coronavirus ? 

La médecine traditionnelle a été utilisée lors de nombreuses épidémies historiques et a donné des résultats positifs en matière de traitement. Cette médecine traditionnelle a été utilisée lors des précédentes flambées de Coronavirus SRAS-CoV en 2002-2003. Le ministère de la Santé  soutient  toutes les initiatives proposées par la direction de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle car notre pays regorge une richesse très diversifiée en matière des plantes médicinales.

Le remède malgache ‘’Covid-Organics’’, fabriqué à base de plantes médicinales dont 62% d’artemisia est très prisé pourtant nous avons au Tchad plusieurs plantes médicinales dont l’artemisia. Pourquoi ne pas valoriser nos produits locaux ? 

Au Tchad, des efforts sont fournis dans ce sens. Les résultats enregistrés, notamment dans les processus d’adoption d’une partie des textes législatifs et réglementaires et dans le domaine des recherches sur les plantes médicinales autorisent tous les espoirs. Pour cela, le protocole sous régional de prise en charge curative/préventive à base d’Artemisia annua et autres plantes a été  adapté selon nos contraintes sanitaires. Nous sommes en pleine procédure de composition de l’équipe technique pour procéder à la formulation d’un médicament traditionnel amélioré afin de lutter contre la Covid-19.

A cela, s’ajoute un projet porté sur la « Valorisation du secteur de la pharmacopée au Tchad pour l’amélioration de la santé et le développement économique des populations » qui est disponible depuis quelques années. Pour le réaliser, on espère que ce projet sera bientôt adopté par le gouvernement afin  que les partenaires techniques et financiers tels que le PNUD, l’AFD, l’UNESCO… puissent apporter leurs contributions afin que le Tchad soit autonome dans le domaine des ressources naturelles en matières premières pharmaceutiques. Ce dernier permettra à notre pays de devenir une référence dans l’exportation des matières premières pharmaceutiques à base des plantes.   

Que pensez-vous du CovidOrganics ?

La découverte du Covid-Organics est une meilleure initiative, les autres pays africains doivent suivre le même exemple du Madagascar. Par ailleurs, je crois que c’est un très bon message aux autres chercheurs africains qui ne croient pas à leurs propres compétences.  J’espère aussi que nos autres dirigeants africains puisse accorder une importance capitale à la recherche scientifique médicale afin de sauver leurs citoyens au moment des crises sanitaires. 

Que proposez-vous au gouvernement pour mener à bien la lutte contre la Covid-19 ?

Pour lutter contre la Covid-19 ou bien toute autre épidémie, je propose au Gouvernement de créer un Centre de recherche pharmaceutique et épidémiologique. Il sera rattaché directement à la présidence de la République et géré à travers un Fonds spécial, avec une autonomie de Gestion. Je suis en pleine réflexion dans ce sens et je le présenterai au Gouvernent au moment opportun. J’ajoute que ce Centre aura presque les mêmes missions que le CDC ( Centres for Disease Control and Prevention) sauf que nous additionnons l’aspect de la recherche pharmaceutique, surtout en Pharmacognosie médicale qui procédera à la production des Médicaments Traditionnels Améliorés (made in Chad). Ces médicaments seront 100% naturels, plus efficaces que les médicaments conventionnels, moins chers et sans effets secondaires.   

Pourquoi le ministère de la Santé publique a pris la décision d’interdire la vente d’Orsur qui est le remède tchadien contre la Covid-19?

Après le constat relatif à la vente d’‘’Orsur anti-covid-19’’ dans les boutiques, les supermarchés et les établissements pharmaceutiques, nous avons interpelé les initiateurs dudit produit en tant qu’autorité de règlementation pour un entretien. Suite à cet entretien et après vérification de l’étiquetage, il s’est avéré que ceux-ci ne représentent aucune structure officielle et ne sont pas des ‘’tradipraticiens’’.  De ce fait, nous avons remis en cause la production de ce médicament traditionnel dénommé Orsur anti-covid-19. Nous avons proposé la suspension de toute activité non liée à une unité de production qui vise la formulation de Médicaments Traditionnels Améliorés (MTA) afin d’éviter le risque d’intoxication à la population tchadienne.