REPORTAGE – La lenteur dans la prise en charge des malades aux urgences est déplorée un peu partout dans les centres hospitaliers de N’Djamena et considérée comme l’une des causes de la mort des patients.

Hôpital notre dame des Apôtres. Il est 14 heures. Sous la véranda, des patients attendent de voir un médecin. Félicité* regarde encore sa montre. Brusquement, la femme quitte le groupe d’une cinquantaine de personnes. Elancée, d’un pas accéléré, elle se dirige avec détermination vers la porte fermée. De sa pomme de main droite, la quarantaine pousse la porte et fait son entrée sans fermer derrière elle. L’accès à moitié fermé. On entend ce qui se dit à l’intérieur.

“Remettez-moi mon carnet. Ce n’est pas possible, comment peut-on attendre autant avant d’être reçu par un médecin. Et pourtant, nous sommes sensés être aux urgences”, gronde-t-elle. Après une réponse de son interlocuteur, la femme ressort furieuse, carnet en main. “Vous n’êtes que des stagiaires. Quel médecin au monde laisserait mourir à petit feu un patient”. À peine la phrase achevée, elle reprend son sac à main et quitte les lieux. Les yeux de ceux qui hurlent de douleur sur place la regardent partir sans être consultée.

Subitement, on s’en prend à l’infirmière positionnée à l’entrée du bureau. « Tu es lente mademoiselle », lance un homme, la tête entre les deux mains. À sa gauche, une autre femme dit être là depuis 10 heures du matin avec sa fille qui brûle de fièvre. La colère est au comble. Derrière la porte que chacun veut franchir se trouve un jeune médecin. Sur sa table de bureau, un tas de carnets est superposé, l’un après l’autre. Il prend le premier et appelle. Un homme entre. Quelques minutes, il sort et une autre personne entre.

 “Nous sommes débordés ce dernier temps. De 50 patients, nous sommes passés à 100”, argumente-t-il. “Il y a une recrudescence du paludisme en ce moment. Le nombre de nos malades a quasiment doublé. Et les gens affluent vers nous, mais malheureusement, nous ne pouvons pas les satisfaire aussitôt“, regrette le médecin qui requiert l’anonymat.

Hors de ces murs, devant les urgences de l’hôpital général de référence nationale, un pick-up klaxonne. À bord du véhicule, un homme baigne dans son sang. Dents serrées, les mains accrochées à un côté de l’engin, visage pâle, le trentenaire se tord de douleur au regard des curieux.  « Il a été poignardé à l’abdomen », dit un policier. Au cinquième coup de klaxon, le portail s’ouvre. À un mètre près, le pick-up se gare.  « Où sont les brancardiers », personne ne répond à cette question posée par le chef de bord du véhicule. Deux policiers jouent le rôle de ces derniers. L’homme poignardé est admis aux urgences. Il occupe un lit et attend les premiers soins des médecins.  Une prise en charge qui tarde pour la famille de la victime. C’est environ dix minutes plus tard que la première ordonnance a été prescrite.

Des cas similaires sont quasi-quotidiens, dénoncent des Tchadiens. L’exemple récent avancé est la mort de Bonheur Mateyan. Fauché par une balle, le jeune homme a passé deux heures de temps sans être pris en charge par un médecin aux services des urgences, a témoigné son père.

Le taux de mortalité au Tchad est de l’ordre de 14%. Un taux qui pourra être revu en baisse si les prise en charge dans les centres de soins est faite à temps. Hormis la prise en charge rapide que déplore les patients, dans certains centres de soins, sous prétexte que samedi et dimanche ne sont pas des jours, ouvrables, l’on gonfle les tarifs de consultation. L’on s’interroge si vraiment un personnel soignant est appelé à observer des journées non ouvrables ou des journées courtes ?