40 décès sur 357 contaminations au coronavirus, c’est le bilan publié par le ministère de la Santé en date du 12 mai.  Ce sont environ 11% de personnes contaminées qui meurent de Covid-19 au Tchad. Un taux très élevé par rapport à la situation mondiale de la pandémie. Quels facteurs pourraient justifier ce taux ?

Il serait très tôt  de dire que le Tchad, en ces temps de pandémie du coronavirus, a déjà vu le fond du gouffre. Mais, les statistiques de ces derniers jours inquiètent et accentuent la psychose que vit la population depuis la découverte du premier cas le 19 mars.

Environ 11% des personnes contaminées au Tchad meurent. Dans le monde, le taux de mortalité lié au coronavirus tourne autour des 7%. La moyenne en Afrique est d’environ 5%. Au Tchad, ces chiffres laissent croire que la gestion de l’épidémie pose des problèmes.

Les décès extra structures médicales

Le 04 mai, face aux députés, le ministre de la Santé publique, Mahamoud Youssouf Khayal a justifié : « Les 2 ou 3  jours, c’est arrivé boum. Pourquoi ? Il y a des explications scientifiques », affirme t-il avant de détailler. « La première personne, au lieu d’aller à l’hôpital de Farcha, a préféré soigner ‘’un palu’’ à la maison, écoutant peut être les conseils des réseaux sociaux.  Mais, les gens qui l’ont (le cadavre, ndlr) nettoyé, quand ils se sont rendu  compte qu’il y a un problème, ils ne sont pas venus à l’hôpital.  S’ils étaient venus, on allait voir les choses autrement ».

Dans une publication sur Facebook, l’ancien coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), Dr Djidi Ali Sougoudi, avance les mêmes hypothèses mais, axées exclusivement sur l’hôpital de la Renaissance. « Pourquoi il y a plus de décès de Covid-19 à l’hôpital de la Renaissance qu’à l’hôpital de Farcha ? Deux raisons possibles ». D’abord, « les cas de l’hôpital de la Renaissance sont d’emblée plus graves dès leurs entrées ».  Ensuite, « des surinfections nosocomiales ou des germes multirésistants pourraient être en cause ».  

Dr Djidi laisse entrevoir à travers cette publication, des possibilités que les personnes décédées à l’hôpital de la Renaissance auraient vu leurs infections diagnostiquées tardivement. Soit les malades étaient admis à l’hôpital pour d’autres infections avant qu’ils ne soient diagnostiqués au coronavirus, soit ils ont attendu la phase finale de la maladie avant de se rendre à l’hôpital. A côté, il faut le signaler, certaines personnes sont déjà mortes avant d’être testées positives au coronavirus.  Dans son communiqué du 07 mai, le ministère de la santé a annoncé 9 cadavres testés dont 4 positifs. Ces chiffres renforcent l’hypothèse.

L’efficacité du traitement

Le 26 avril, sur le plateau de la Télé Tchad, Pr Choua Ouchémi, président du comité scientifique a affirmé que les personnes infectées du covid-19 au Tchad sont soignées avec de la chloroquine.  Seulement, dans une autre publication, Dr Sougoudi s’est à nouveau inquiété de la qualité et des origines de ces médicaments de chloroquine. « La mortalité surélevée due au Covid-19 au Tchad peut être liée à la qualité des soins et à l’origine douteuse des médicaments dont la fameuse hydroxychloroquine. Il nous faut présenter le certificat de contrôle-qualité de ces médicaments et le plus rapidement possible ! L’OMS l’a déjà signalé !!», avait-il écrit.

Lire ici: Coronavirus : des Tchadiens soignés à base de la Chloroquine

Son inquiétude se base sur une alerte émise par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fin mars. L’instance mondiale de la santé a signalé la circulation de faux médicaments de chloroquine au Nigéria, Cameroun et au Tchad.  Dans la foulée, les autorités sanitaires camerounaises par le biais du Laboratoire national de contrôle de la qualité des médicaments et des expertises (Lanacome) ont mis la main sur plusieurs lots de fausses chloroquines. « Deux présentations de chloroquine issues des circuits de contrebande sont actuellement en circulation et se retrouvent déjà dans certaines formations sanitaires. Les tests de ces deux présentations révèlent l’absence de toute substance active pharmaceutique », a précisé le laboratoire dans un communiqué rapporté par Cameroon Tribune. Les contrôles engagés ont permis l’interpellation de plusieurs présumés contrebandiers accusés de fabrication et mise sur le marché de faux médicaments de chloroquine.

Lire ici: Ngaoundéré: 210 cartons de fausse chloroquine saisis

Au Tchad, aucune réaction des autorités compétentes n’a été enregistrée. Pourtant, nos sources au ministère de la Santé publique confirment que le ministère a bien été tenu au courant par l’OMS. L’ordre national des pharmaciens du Tchad informe qu’après avoir reçu cette alerte sur les fausses choloroquines, des notifications ont été envoyées aux ministères de la Santé publique, à celui de la sécurité et à toutes les autres entités concernées « mais  à l’arrivée, rien n’a été fait ».

Depuis l’annonce de l’efficacité de la chloroquine pour le traitement du coronavirus, beaucoup de Tchadiens se sont procuré ces médicaments sans s’interroger sur leur qualité et leur provenance.

Pour garantir la qualité des soins pour les malades de Covid-19 et pour les Tchadiens en général, « le gouvernement doit impérativement procéder au contrôle et à l’analyse technique des médicaments avec lesquels les patients sont traités actuellement », a conclu notre informateur au sein de l’Ordre national des pharmaciens du Tchad.