Depuis le début du mois de juin, la courbe de contamination au coronavirus est en baisse au Tchad. Pour autant, la maladie n’a pas complètement disparu. Pour rassurer la population, faut-il organiser des tests de masse ? Entre le ministère de la Santé, les députés et les spécialistes en santé, les avis divergent.

Les autorités ont annoncé une série d’allègements des mesures prises contre la Covid-19. Ces allègements témoignent-ils de la régression de la maladie dans le pays ? Difficile de savoir faute de données vérifiables pour la population et les médias afin d’apprécier la situation épidémiologique actuelle.

« De mon point de vue, toutes les données qu’on a, sont des données fausses. Je dis toujours qu’on achète des laboratoires à installer dans les provinces et qu’on procède à des tests massifs », a jugé le professeur Avocksouma Djona Atchemou, spécialiste en santé publique et ex-ministre de la santé, lors d’une entrevue avec Tchadinfos. Cette déclaration relance le débat sur la nécessité ou pas de faire des tests massifs dans le cadre de la lutte contre la covid-19.

Au parlement, ministre et députés ne s’accordent pas

Le 15 juin, à l’Assemblée nationale, le député Saleh Kebzabo, face au ministre de la Santé publique, s’est attaqué à cette question, l’abordant sous l’angle de la fiabilité des chiffres. Il clame au passage que c’est l’expression des inquiétudes puisées au sein de la société. « Je répercute ici ce que j’entends autour de moi. Les gens ne croient pas à nos statistiques, à vos statistiques et ça, ça pose problème », a-t-il fustigé en lien avec le manque de données fiables. Ce manque découle lui aussi de l’absence des tests massifs permettant d’apprécier la situation de la maladie sur le terrain. Son collègue, Moussa Kadam, a sauté lui aussi sur la question. « Aujourd’hui, nous n’avons pas la maitrise de la circulation du virus. Et  bien si  quelqu’un dit qu’il n’a pas fois en vos statistiques, c’est normal. La vérité des cimetières n’est pas la vérité médicale », a-t-il fait savoir.

Sur sa réplique aux inquiétudes des députés, Mahamoud Youssouf Khayal, ministre de la santé publique a commencé par la question des chiffres.  « Nous ne sommes pas seuls à nous retrouver chaque soir et dire voici, telle personne, telle personne sont testées et voici les résultats. Non. Nous avons tous nos partenaires avec nous », a-t-il martelé avant de hausser le ton. « Nos données sont justes, elles sont fiables et vérifiables. Les laboratoires sont faits de façon technique et scientifique donc ce n’est pas un hasard », a-t-il lâché presque essoufflé.

Les tests de masse, un souci d’argent et de matériels

Le Ministre ne s’est pas peut-être rendu compte de ce qu’il a laissé entendre quelques minutes auparavant. « Si nous ne pouvons pas analyser un grand nombre, c’est que nous avons un problème de laboratoire », avait déclaré le ministre. Une bourde ? En tout cas, la contradiction constatée dans la communication du ministre de la santé, justifie le manque de confiance de la population évoquée précédemment par Saleh Kebzabo. En confrontant les déclarations de Mahamoud Youssouf Khayal, actuel locataire du département de la santé et de son prédécesseur Avocksouma Djona Atchémou, il apparaît clair que la question des tests de masse se résume à la disponibilité des ressources matérielles et financières.

« Nous avons de l’argent pourtant », a soufflé Avocksouma Djona, en référence aux moyens que dispose le Tchad mais surtout aux multiples dons faits dans le cadre de la solidarité contre la Covid-19.

C’est une question technique, pas d’argent ?

Malgré cette évidence, Mahamoud Youssouf Khayal ne veut rien entendre. « Pour les diagnostics de masse, la question est en train d’être étudiée par nos scientifiques », a-t-il déclaré avant de préciser  que « il s’avère que les résultats de ces tests ne sont pas efficaces et ne sont pas aussi homologués par l’OMS. Pour l’instant, nous ne pouvons pas les utiliser tant que leur efficacité n’est pas prouvée ». Une déclaration rejetée en bloc par les élus du peuple qui eux s’inspirent des résultats encourageants obtenus dans d’autres pays. La Corée du sud a été citée parmi les bons élèves ayant tiré profit des tests massifs. « Ailleurs, les gens font un échantillonnage, ils circonscrivent des zones, ils prennent tout le monde dans les ruses et testent tout le monde, ici, on n’est pas arrivés à ce stade. Donc nous subissons les cas référés », a rétorqué le 1er vice-président de l’Assemblée nationale Moussa Kadam.

Pour rassurer la population, précisément les parlementaires, le ministre a informé qu’une nouvelle machine a été commandée. Pour procéder au test massif ? Pas certainement. Encore, faudrait-il que la nouvelle machine en commande arrive sur le terrain.