Avec 53 décès sur 519 contaminations, le Tchad affiche le taux de mortalité lié à la Covid-19 le plus élevé au monde. Pour comprendre la situation, deux ONG américaines ont affirmé dans un rapport que le Tchad est mal préparé.

« Quand je suis arrivé à la tête du ministère de la santé, j’ai visité quelques hôpitaux de N’Djamena. Je suis désolé ! C’est autre chose, ce ne sont pas des hôpitaux ». Cette déclaration du ministre de la Santé publique, Pr Mahamoud Youssouf Khayal, tombe au moment où beaucoup de Tchadiens s’interrogent sur l’efficacité du système de santé au Tchad. La pandémie du coronavirus a permis donc de lever le voile sur les tares et la précarité du système de santé tchadien. Plusieurs défaillances rendent ce système inefficace.

Selon un rapport publié en octobre 2019, le Tchad a été classé 150e sur 195 Etats par l’indice de sécurité sanitaire mondiale, développé par la Nuclear threat initiative et le  Johns Hopkins center for health security. Les deux ONG américaines ont basé leur classement sur six critères: les capacités de prévention, de détection, de réponse ; la force du secteur sanitaire; le suivi des normes internationales et le degré d’exposition.  Sur un score de 100, le Tchad  affiche 28, 8. Un classement qui renforce le constat accablant dressé par le ministre de la Santé lui-même.

Un comité scientifique tardivement mis en place

Depuis son indépendance en 1960, c’est seulement le 28 mars 2020 que le Tchad se dote d’un comité scientifique, une première. « Nous avons monté ce qu’on appelle le comité scientifique. Il y’en avait pas au Tchad. C’est le comité scientifique qui va nous dicter qu’est-ce qu’il faut faire », s’était félicité Pr Mahamoud Youssouf Khayal face aux députés le 04 mai 2020. Seulement, ce comité scientifique arrive 10 jours après la découverte du premier cas de coronavirus au Tchad.

Le premier vice-président de l’Assemblée nationale, Moussa Kadam, a d’ailleurs dénoncé la mise en place tardive d’une structure censée donner les grandes orientations face à une pandémie de cette envergure. Pourtant, depuis des décennies, le Tchad a fait face à de grandes épidémies dont les plus meurtrières. Le choléra, la méningite ou encore la variole ont fait assez de victimes il y a encore quelques années. Le Tchad évoluait-il à tâtons ?

Maintenant qu’il est mis en place, le comité scientifique semble chercher encore des repères. Ce qui est logique mais là, la situation est encore grave puisqu’il ne dispose ni d’expériences de terrain, encore moins du matériel de travail. Ailleurs, un comité scientifique, ce sont des prélèvements d’échantillons, des analyses au laboratoire, des tests… Mais ici, la réalité est encore loin et les tergiversations entre un traitement à l’artemesia  et celui à la chloroquine démontrent de ce que le Tchad n’a rien prévu depuis des années pour d’éventuelles épidémies comme celle qui sévit actuellement.

Une gouvernance déplorable

Les premiers laborantins capables de détecter le sars-cov 2, virus responsable de la covid-19, sont formés au Cameroun par des spécialistes camerounais. Mais il n’y a pas que la question du personnel compétent qui pose problème actuellement. Que dire de la situation des structures ou des moyens matériels pour le travail ?

« On a un seul laboratoire de ce genre. Il nous faut au moins six», a regretté Mahamoud Youssouf Khayal. Paradoxe ! A l’unisson avec la défunte cellule de veille et de sécurité sanitaire, le ministre de la Santé a chanté la maitrise de la situation épidémiologique et la mise à disposition des matériels de travail pour tout le personnel sanitaire à travers le pays. Comme pour apporter un démenti à cette assurance du ministre déjà décriée par les parlementaires, la lettre adressée au comité scientifique par le comité bioéthique a créé une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Le personnel soignant n’a plus d’autres options que d’utiliser des masques et autres matériels de protection périmés depuis plusieurs années.

Des doutes sur l’efficacité du traitement auquel sont soumis les malades de la Covid-19 et sur les origines des médicaments ont aussi été relevés récemment sur les réseaux sociaux par certaines personnalités. Tous ces éléments concourent à la thèse qui place le Tchad parmi les pays les moins bien préparés pour faire face à de grandes crises sanitaires.

Révélateur de l’échec d’une politique de santé, véritable source d’enseignements, cette crise sanitaire devrait inspirer à mettre en place des stratégies capables de faire éviter le pire que les experts internationaux prédisent pour l’Afrique toute entière.