N’DJAMENA, 11 mars (Xinhua) — Depuis mardi, les écoles et universités de la capitale tchadienne sont fermées, selon une décision du gouvernement réagissant aux manifestations violentes des élèves contre la mesure instituant le port obligatoire de casque. Une mesure qui est loin d’apaiser les tensions dans les rangs des jeunes.

Les établissements scolaires et universitaires de la commune de N’Djaména, la capitale du Tchad, sont fermées “à compter du 10 mars 2015 et ce jusqu’à nouvel ordre”, a annoncé, lundi soir sur la télévision nationale, Abdérahim Birémé Hamid, ministre tchadien de l’Administration du territoire et de la Sécurité publique.

M. Birémé Hamid a expliqué cette décision par les perturbations, sous prétexte de refus de port de casque par des motocyclistes, qui ont mis cette dernière semaine, les élèves et étudiants de la capitale “en danger permanent”.

Lundi, en effet, des milliers d’élèves sont descendus dans les rues pour manifester, bloquant l’accès de plusieurs écoles et s’en prenant aux motocyclistes qui portaient des casques. Les manifestations ont été violemment réprimées par la police et la gendarmerie qui ont fait usage de gaz lacrymogène.

Ces troubles et perturbations occasionnées “par des individus mal intentionnés”, selon le gouvernement, ont entraîné “la mort par accident d’un étudiant fauché par un bus universitaire”. Dans les rangs des étudiants et sur les réseaux sociaux, l’on évoque plutôt trois morts et plusieurs blessés.

Au cours de nouvelles échauffourées, les forces de l’ordre ont procédé aux interpellations d’environ 200 individus dont la majorité n’est plus étudiant ni élève, selon le ministre de la Sécurité publique.

“Par ailleurs, toutes les dispositions sont prises pour débusquer les fauteurs de trouble et leurs complices en vue de les traduire en justice afin de répondre de leurs actes, conformément à la loi”, a promis M. Birémé Hamid.

Mardi, le premier ministre tchadien, Kalzeubé Payimi Deubet, accompagné de plusieurs membres de son gouvernement, est allé adresser ses condoléances aux parents de Hassan Massing Daouda, l’ étudiant en 4ème année de droit mortellement “fauché” la veille.

“Ces incidents s’expliquent tant par la mauvaise gestion de cette mesure, que par le climat morose dans lequel baignent les Tchadiens”, affirme l’éditorialiste de N’Djaména Bi-Hebdo, le premier journal indépendant du pays, dans sa dernière parution.

Pour le bihebdomadaire et pour beaucoup de Tchadiens, le gouvernement a manifestement manqué de pédagogie dans la mise en oeuvre de sa décision relative au port de casque. “Au lieu de sortir la grosse artillerie avec des centaines de policiers, de gardes nomades et de gendarmes à différents carrefours pour arracher les motos des contrevenants, il aurait pu commencer par informer, sensibiliser le public et surtout expliquer le bien- fondé de cette décision qui intervient au moment où on l’attendait le moins. Cela d’autant plus que le même gouvernement avait levé l’ obligation du port de casque il y a quelques temps, car des malfaiteurs se cacheraient derrière les casques pour commettre des forfaits”, explique l’éditorialiste de N’Djaména Bi-Hebdo.

Par une décision conjointe publiée début février, le ministre tchadien des Infrastructures, des Transports et de l’Aviation civile, Adoum Younousmi, et son collègue en charge de l’ Administration du territoire et de la Sécurité publique, Abdérahim Birémé Hamid, avaient rendu le port de sécurité homologué à nouveau obligatoire au Tchad, à compter du 1er mars 2015, pour tous les conducteurs et passagers des motocyclettes.

Le jour J, la Brigade de circulation routière (BCR) a déployé ses éléments à travers les rues de N’Djaména, la capitale du Tchad. Chaque jour, des centaines de motocyclettes, dont les conducteurs ne portent pas de casque, sont appréhendées.

Parmi les motocyclistes en infraction, il y avait des élèves qui ont commencé par protester. Ces réactions spontanées ont gagné, comme une traînée de poudre, les principaux lycées et collèges de la capitale. Les élèves se sont déversés par centaines dans les rues, et se sont frottés aux forces de l’ordre. Conséquence, beaucoup d’écoles ont fermé par précaution, toute la semaine, espérant que le week-end allait porter conseil et ramener les ” opposants du casque” à la raison.

C’était sans compter sur la détermination des jeunes, remontés contre une décision dont ils comprennent le bien-fondé mais qu’ils jugent inopportune. Le comportement véreux des concessionnaires de motocyclettes, qui ont quadruplé en quelques jours le prix des casques, a envenimé ce que certains observateurs appellent le “ras- le-casque” des élèves.

“Les manifestations des jeunes sont des signaux que ceux qui nous gouvernent devraient prendre la peine de lire lucidement, pour nous éviter de futurs bouleversements”, conclut l’ éditorialiste de N’Djaména Bi-Hebdo.

Toutes les écoles et universités, publiques et privées, de N’ Djaména sont hermétiquement fermées ce mercredi. Autour de celles qui sont réputées pour leur fronde, il y a une présence policière. Des patrouilles des forces de l’ordre se font aussi régulièrement dans certains artères et carrefours de la capitale.

Sur les réseaux sociaux, particulièrement Facebook, les élèves et les étudiants restent très actifs, n’arrêtent pas de débattre des évènements de ces derniers jours.

Mercredi, ils sont sortis des centaines pour accompagner la dépouille de leur camarade “fauché” lundi, dans une longue procession qui a débuté de la morgue de l’Hôpital général de référence nationale jusqu’au domicile du défunt. Les mains sur la tête, ils ont chanté en boucle “La Tchadienne”, l’hymne national, sous une haute surveillance policière. Il n’y a pas eu de débordements, mais la tension reste très vive entre les deux camps.