Après une longue absence, le réalisateur tchadien Haroun Mahamat Saleh revient cette année au-devant de la scène cinématographique internationale, par un long métrage documentaire de plus de 80 minutes intitulé «Hissein Habré, une tragédie tchadienne»

Le film sera projeté en avant-première au public de N’Djamena ce vendredi 6 mai 2016 à 18h30mn au cinéma Le Normandie, avant sa projection le lundi 16 mai prochain en séance spéciale de la 69ème édition du Festival de Cannes. Dans son nouveau film tourné à Mongo, le cinéaste tchadien donne la parole aux victimes de la dictature d’Hissein Habré. «Le film essaie de restituer la parole des survivants, qui reviennent de l’enfer, pour la plupart d’entre eux. Les victimes décrivent ce qu’elles ont subi. Entre autres, il y a une rencontre entre une victime et son bourreau. Ils décrivent religieusement ce qu’ils ont subi, qui sont souvent des atrocités impensables. C’est des moments de tentative de réconciliation qui sont très puissants», indique-t-il au journal Le Progrès.

Il s’agit d’après le cinéaste tchadien, habitué du Festival de Cannes d’incarner les visages des victimes par des images. «Je pense qu’au Tchad, aucun travail en profondeur n’a été effectué sur ce plan, à cette période précise. C’est plus la parole des victimes, ce qu’ils ont subi. Je ne voulais mettre en valeur que les victimes. Dans certains films réalisés par des Européens, on mettait plus en avant les activistes occidentaux, qui sont dans les ONG, les aident et font leur propre communication, en fait. Mais, moi, j’ai préféré mettre en avant les victimes», justifie le cinéaste dans ce journal.

Haroun Mahamat Saleh estime que les victimes de HH sont des gens qui sont mis sous une chape de plomb. «On se demande comment on a pu fait souffrir autant ses frères. Ce film est très important, pour moi. Il faut qu’on essaie de le montrer partout au Tchad, qu’on ne revive plus ces atrocités, et rappeler aux Tchadiens d’où on vient et où on peut aller, comme l’a dit Hampaté Bâ. Si on est tranquille, aujourd’hui, c’est qu’il y a eu des avancées quelque part. Qu’on regarde un peu en arrière pour faire le point», oriente-t-il. Pourquoi avoir choisi de projeter «Hissein Habré, une tragédie tchadienne», en avant-première, à N’Djaména, avant Cannes?

«C’est un film tchadien, qui relate des histoires tchadiennes, après tout. Je me fais un devoir, depuis que cette salle de cinéma Le Normandie est disponible, de présenter mes films à N’Djaména qu’ailleurs. C’est ma terre. Je donne la possibilité aux Tchadiens de voir mes films en primeur. Le film leur appartient. C’est leur histoire. Il est tout à fait normal qu’ils regardent avant les autres», explique le cinéaste tchadien dans les colonnes du  Progrès.