YAOUNDE, 25 août (Xinhua) — En attendant l’entrée en fonction de son gouvernement encore en préparation trois jours après sa formation, le nouveau Premier ministre centrafricain Mahamat Kamoun a promis lundi de “contrecarrer” les “ennemis de la paix”, en réaction aux menaces de représailles exprimées par l’ex- rébellion, la Séléka, à l’encontre de ses trois membres nommés dans ce cabinet.

“Les obstacles de la Séléka, nous les avons compris. Ils continuent de raisonner comme s’ils étaient encore au pouvoir. S’ ils avaient bien géré, on n’en serait pas là. Ils parlent de l’ accord de N’Djamena qui leur attribue le poste de Premier ministre. C’est de la pure fiction !”, a décrié le chef du gouvernement dans un entretien téléphonique avec Xinhua lundi matin à Bangui.

“La Séléka, c’est des ennemis de la paix. L’ensemble des forces vives de la nation n’est pas prêt à accepter un Séléka ou un Balaka comme Premier ministre. Ils ont fait tellement de mal au pays. Nous avons compris qu’ils veulent nous conduire vers un blocage, nous avons pris nos responsabilités. Nous avons fait un choix sur des personnalités, c’est sûr qu’elles ne vont pas suivre leur mot d’ordre”, a-t-il ajouté.

Près de deux semaines après sa nomination, M. Kamoun, 52 ans, a pu dévoiler son cabinet vendredi dernier à travers un décret présidentiel. Depuis le gouvernement issu de l’accord politique de Libreville du 11 janvier 2013 et dirigé par Nicolas Tiangaye, écarté au moment que Djotodia, c’est le troisième gouvernement d’union nationale et de transition centrafricain.

Le précédent était dirigé par André Nzapayéké, ex-vice- président de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC), nommé à la suite de l’élection de Samba-Panza. Répartie en 31 portefeuilles dont deux postes de ministres d’ Etat parmi lesquels celui de la Défense confié à l’ex-ministre de l’Administration territoriale Aristide Sokambi, puis 27 ministres et 2 ministres délégués, cette équipe comporte trois représentants de l’ex-Séléka : Arnaud Djoubaye Abazène, proche de Djotodia, reconduit aux Transports, Abdallah Kadre Hassane aux Postes et Télécommunications et Mahamat Tahib Yacoub à l’Elevage.

ENNEMIS DE LA PAIX

En dehors du choix même du Premier ministre, premier musulman à accéder à une telle charge depuis l’indépendance de la République centrafricaine (RCA) en 1960 et de surcroit ancien directeur de cabinet de Djotodia alors chef de l’Etat par intérim,mais n’y appartenant pas, l’ex-alliance rebelle rejette ces nominations et l’ ensemble du gouvernement.

“Si le Premier ministre est de l’ex-Séléka, là on peut accepter. Il y a l’accord que la présidente a oublié. Nous avons des leaders et s’il s’agit de choisir quelqu’un, c’est nous les hommes de terrain”, a réaffirmé le chef d’état-major, le général Joseph Zindeko.

Selon des sources dans la capitale centrafricaine, la publication du gouvernement vendredi aurait pourtant été rendue possible après des jours de blocage grâce à une nouvelle mission dépêchée par la présidente de transition le même jour auprès de son prédécesseur en exil à Cotonou au Bénin.

En dépit de cette évolution, la hiérarchie militaire de la Séléka ne désarme pas. “Djotodia, s’il donne son accord, ce n’est pas lui qui tient le terrain. Il doit aussi nous consulter”, insiste le général Zindeko qui annonce la remise d’une liste de propositions de quatre noms parmi lesquels celui du Premier ministre à la présidente de transition en perspective de la formation du nouveau gouvernement d’union.

Pour lui, “Djoubaye (cousin de Michel Djotodia, NDLR) ne va pas régler les problèmes de la Séléka, il a été choisi par la présidente et non par l’ex-Séléka”.

Le cas du ministre de l’Elevage Mahamat Tahib Yacoub est encore plus polémique.

“Il est de l’aile militaire. C’est le 4e vice-président. Il a été sanctionné par le 2e vice-président Nourredine (Adam) au retour de Brazzaville. Ils ont signé l’accord (de cessez-le-feu) sans nous contacter, avec Dhaffane. Heureusement, le général Dhaffane s’est ressaisi”.

Le Premier ministre Mahamat Kamoun affirme quant à lui en avoir cure de l’intransigeance de ceux qui à ses yeux constituent des ” ennemis de la paix” de la RCA, “responsables du pillage des ressources naturelles nationales” tenant sous leur contrôle les zones diamantifères de l’Est et qui “oublient tout le préjudice moral qu’ils ont infligé aux gens dans ce pays”.

“On va avancer. On va commencer à les contrecarrer. Qu’est-ce qui peut encore justifier une rébellion ? A Brazzaville, il a fallu qu’on mette la pression sur eux pour qu’ils viennent signer l’accord de cessez-le-feu. Ils étaient absents des commissions de travail. S’ils ont des revendications, il faut qu’ils transformer la Séléka en parti politique”, suggère le chef du gouvernement.

L’ex-directeur général du Budget et du Trésor, précédemment ministre d’Etat, conseiller spécial auprès de la présidente de transition, assure avoir formé un “gouvernement d’ouverture composé de gens expérimentés” et ayant la particularité de compter huit femmes, “un record historique dans notre pays depuis l’ indépendance”.

CONTRAINTES TECHNIQUES

D’une moyenne d’âge de “40 à 55 ans”, ce cabinet marque aussi, selon son chef, “une ouverture à toutes les régions : les 16 préfectures sont représentées. Evidemment, on ne pouvait pas prendre tout le monde. Les plateformes politiques ont 11 représentants. On a voulu éviter que ce soit les mêmes. Il faut donner la chance aussi à d’autres personnalités”.

La tâche n’a pas été aisée pour opérer les choix, dans un pays où presque tout le monde pense avoir destin lui permettant de jouer un rôle de premier plan, or les profils de compétences ne courent pas les rues.

“Si nous sommes partis de 20 (dans le précédent gouvernement, NDLR) à 31 membres du gouvernement, c’est parce que ce n’était pas facile l’ouverture. Certains profils qui ont été proposés ne correspondaient pas aux postes. Par exemple, il fallait trouver les huit femmes. Ce sont des contraintes techniques que nous avons essayé de surmonter”, confie Mahamat Kamoun. Comme la formation du gouvernement lui-même, l’entrée en fonction des nouveaux ministres pourrait quelques jours, malgré l’urgence imposée par la crise militaro-politique que traverse la RCA depuis fin 2012.

“Nous sommes en train de préparer les passations de services.J’ espère que les ministres sortants ont préparé leurs dossiers. En tout cas, nous allons faire en sorte que les choses aillent rapidement”, a annoncé le Premier ministre.

Réconciliation nationale, rétablissement de la paix et de la sécurité, relance de l’économie nationale, assistance humanitaire aux victimes de la crise, préparation des futures élections générales : ce sont autant de dossiers cruciaux auxquels le nouveau cabinet est appelé à se consacrer à la suite des précédents qui ont du mal à remplir cette mission délicate dans un contexte de poursuite des violences. D’un montant prévisionnel d’environ 200 milliards de francs CFA(400 millions de dollars américains), le budget actuel de l’Etat voté par le Conseil national de transition (CNT, Parlement provisoire en place depuis juin 2013) s’établit entre 120 et 130 milliards (240 à 260 millions de dollars), un chiffre dérisoire, se désole le chef du gouvernement qui affirme miser sur les secteurs forestier et minier pour mobiliser les ressources nécessaires au fonctionnement de l’administration et à la relance de l’économie.