KYE-OSSI (Cameroun), 15 juillet (Xinhua) — Sans chiffre précis, les estimations se contentent d’évaluer la population de Kyé-Ossi, petite ville du Sud du Cameroun à la frontière avec la Guinée équatoriale et le Gabon, entre 60.000 et 75.000 habitants, d’origine camerounaise et étrangère avec une présence remarquable de ressortissants de l’Afrique de l’Ouest, de sources officielles.

Célèbre pour son marché de produits agricoles et manufacturés fait de bric et de broc, Kyé-Ossi est en effet décrite par le sous- préfet de l’arrondissement du même nom, Simon Edjimbi, comme “le point de ralliement des peuples et des Etats de l’Afrique centrale ” et “le laboratoire de l’intégration que nous attendons avec impatience”.

Créée en 200- par un décret présidentiel, cette unité administrative dotée d’une vingtaine de chefferies traditionnelles de troisième degré, coiffées de deux chefferies de deuxième degré, s’étend sur une superficie d’environ 5.000 km2. D’une estimation de 40.000 âmes, la population est concentrée dans le chef-lieu, qui grouille au quotidien de monde en raison d’une forte affluence autour du marché.

“Kyé-Ossi est limitée au Nord par Ambam, au Sud et à l’Est par la Guinée équatoriale et le Gabon, à l’Ouest par Olamze. C’est une population qui varie du jour au lendemain, puisque celle-ci est cosmopolite, les neuf régions du Sud y habitent et il y a aussi nos frères des pays africains et voisins”, rapporte pour sa part le maire de la commune, Antoine Ndong Alo’o.

Sans eau courante et sans électricité, la localité continue de peiner sept ans après sa création à se transformer alors qu’en face se dresse progressivement à Ebibeyin en Guinée équatoriale une cité aux allures modernes avec des édifices administratifs imposants auxquels s’associent des logements sociaux sans occupants cependant.

Il n’empêche, à près de 280 km au Sud de Yaoundé, Kyé-Ossi, d’après le maire, s’impose comme “le poumon économique du département de la Vallée du Ntem, je voudrais même dire la région du Sud. Puisque être à côté de la Guinée équatoriale, pays des pétrodollars, aujourd’hui les nouveaux riches, et être à côté du Gabon, il y a lieu de croire à un mouvement économique assez important”.

A longueur de journée jusqu’à la fermeture officielle des frontières à 18h00 locales (17h00 GMT) après l’ouverture à 6h du matin, le marché de cette ville qui, en plus des productions agricoles dont la banane-plantain, produit phare, provenant de diverses régions du Cameroun, commercialise par ailleurs des boissons achetées bon marché à Ebibeyin, vit un défilé incessant de véhicules aux numéros d’immatriculation gabonais et équato- guinéens.

Dans ce carrefour par excellence d’échanges transfrontaliers en zone CEMAC, les transactions s’effectuent avec le franc CFA utilisé par l’ensemble des six pays de la région qui comprend en outre le Congo, la République centrafricaine (RCA) et le Tchad, pour une population totale estimée à environ 30 millions d’habitants.

Avec Kyé-Ossi, le Cameroun confirme ainsi son statut de première économie de cet ensemble qui traîne la mauvaise réputation de la région africaine qui commerce le moins avec elle- même, avec un taux de commerce intra-régional de moins de 2% du total du commerce extérieur.

Une importante masse monétaire circule dans cette localité, de sorte que nombreux établissements de microfinance et de transfert d’argent sont créés pour capter ces fonds. L’existence des restaurants, des bars et des structures d’hébergement où les auberges disputent la vedette permet d’entretenir une ambiance d’animation jusqu’à tard dans la nuit.

Pour Mohamed Abbas, gérant d’un parc de vente de véhicules d’ occasion, Kyé-Ossi est une terre de bénédictions pour les affaires. “La quasi-totalité de notre clientèle vient de la Guinée équatoriale. Quand ça marche bien, on peut vendre entre huit et dix véhicules par mois”, informe le jeune homme pour qui cependant l’ouverture prochaine des frontières portera un coup dur à ce business. “Les Equato-guinéens vont maintenant se ravitailler à Douala. Ils ne vont plus s’intéresser à notre parc”, prédit-il. Ce sentiment d’inquiétude n’est pas partagé par Amélie Ntsame, Camerounaise résidant à Libreville qui s’est spécialisée dans le commerce de la banane-plantain écoulé dans la capitale gabonaise.

“C’est une bonne nouvelle, remarque celle-ci. Certaines personnes n’acceptent pas, mais ceux qui font les activités comme nous, ça nous fait du bien”.

Par Raphaël Mvogo