YAOUNDE, 23 mai (Xinhua) — Le président tchadien Idriss Deby Itno a achevé vendredi matin une “visite de travail et d’amitié”, entamée la veille à Yaoundé auprès de son homologue camerounais Paul Biya avec lequel il s’est engagé à enrayer par une coopération militaire accrue la menace sur leurs sols respectifs de la secte islamiste nigériane Boko Haram.

“Nous devons les combattre de toutes nos forces”, a déclaré le chef d’Etat tchadien avant son départ pour Pretoria en Afrique du Sud, où il prendra part à l’investiture pour un second mandat présidentiel de Jacob Zuma

Il prônait une offensive commune avec son voisin à l’égard d’autres forces du mal qui cherchent à mettre à mal le Tchad et le Cameroun, deux pays liés par de longues et poreuses frontières avec le Nigeria, d’où les infiltrations de plus en plus inquiétantes des combattants de Boko Haram.

Dans la nuit du 16 au 17 mai à Waza, dans la région de l’Extrême-Nord frontalière du Tchad, un groupe d’environ 200 individus lourdement armés soupçonnés d’appartenir à cette organisation ont lancé une attaque contre les employés d’une entreprise chinoise chargée des travaux de rénovation routière.

Un soldat camerounais tué, un Chinois blessé et une dizaine d’autres enlevés, voilà le bilan de cette attaque survenue au moment même Idriss Deby Itno et Paul Biya étaient réunis à Paris aux côtés du président français François Hollande avec leurs homologues nigérian Goodluck Ebele Jonathan, nigérien Mahamadou Issoufou et béninois Thomas Boni Yayi pour un sommet sur la sécurité au Nigeria.

Au cours de ces assises, le chef de l’Etat camerounais avait annoncé une guerre sans merci contre Boko Haram. “C’est un sujet sur lequel nous ne pouvons pas faire de concessions”, a-t-il renchéri lors de la visite de son homologue tchadien.

Pour Paul Biya, la croisade contre les irrédentistes nigérians, dont les actions s’illustrent par des tueries et des prises d’otages, est un impératif pour lequel il propose une stratégie de sécurité portant sur le partage de renseignements, l’échange d’informations et un mécanisme de surveillance des frontières avec le Tchad.

Comme avec Abuja, Yaoundé et N’Djamena sont déjà liées par un accord de sécurité transfrontalière, qui à l’évidence est appelé à se rendre dans sa phase d’opérationnalisation face à la menace symbolisée par Boko Haram, un fléau caractérisé par “plusieurs acteurs (transnationaux) qui fonctionnent en réseaux”, a résumé à Xinhua le géostratège camerounais Joseph Vincent Ntuda Ebodé.

“Il ne s’agit pas d’une guerre classique. C’est une guerre contre le grand banditisme. Le partage de renseignements est primordial et il faut que le dispositif opérationnel soit prépositionné. Une interopérabilité culturelle et technologique des forces et des équipements s’impose”, estime l’universitaire.

La persistance de cette menace et de l’insécurité au plan général avec le spectre de l’instabilité de leurs territoires respectifs est de nature à compromettre le développement socioéconomique des deux pays, touchés l’un et l’autre par les actions de la secte islamiste nigériane, un développement où le commerce des biens et services occupe une place capitale avec l’exploitation des ressources telles le pétrole.

Membres de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) ont en effet en commun d’être des pays producteurs de pétrole.

En service depuis 2003, un pipeline de 1.070 km dont 205 km construit par le Tchad permet à ce pays enclavé, sans accès à la mer, d’évacuer depuis Doba son brut vers le marché international via le Cameroun.

Sur 1,5 milliard de barils d’estimations de réserves, le Tchad totalise une production moyenne de 120.000 barils de pétrole par jour, selon des sources officielles. En baisse après avoir atteint un niveau record de 173.000 barils par jour en 2005, il espère grimper à 200.000 barils cette année et à 300.000 barils en 2015. De 2004 à 2012, le pays a récolté plus de 10 milliards de dollars américains de la vente du brut extrait de Doba.

Les revenus générés par cette exploitation ont permis au pouvoir de N’Djamena de moderniser son armée, de doter le territoire national d’un meilleur réseau routier et de construire de nombreux bâtiments publics.

C’est dire l’importance pour le Tchad de monter au front par une coopération étroite avec Yaoundé contre les “forces du mal”, représentées par ailleurs par les groupes armés actifs en RCA voisine aux effets également ressentis au Cameroun.

Pour sa part, le Cameroun, officiellement pays producteur depuis le début des années 1980, table sur 30 millions cette année et 57 millions en 2016, grâce à l’entrée en production de nouveaux champs pétroliers.