Malgré les réformes, engagées depuis quelques années, dans l’attribution de terres, beaucoup de citoyens tchadiens, surtout des fonctionnaires, se plaignent de la manière dont les parcelles d’habitation sont attribuées. Certains disent ne pas comprendre le processus d’attribution des terres. D’autres invoquent une anarchie dans l’urbanisation. Comment peut-on devenir attributaire de terrain au Tchad? Pour éclairer les Tchadiens sur cette situation, nous reprenons une interview du quotidien LE PROGRES, avec le directeur du Cadastre, M. Ousman Dilo. 

Monsieur le directeur, beaucoup de fonctionnaire se plaignent d’avoir déposé des demandes d’attribution de terrain depuis plusieurs années sans être situés, alors que de l’autre côté, des attributions sont opérées. Quelles sont les raisons? N’est-ce pas là une cause d’anarchie dans l’urbanisation?

Le problème foncier au Tchad constitue un défi majeur auquel l’Etat fait face. Pour pouvoir maîtriser l’ensemble du domaine et ses insuffisances, les plus hautes autorités ont mobilisé de plus importants efforts, pour des réponses urgentes, dont la création du Guichet Unique des Affaires Foncières (GUAF). Aujourd’hui, sur la base du régime foncier tchadien, réglementé par les lois 23, 24 et 25 de 1967 et le décret 1347 portant création de la Commission d’Attribution de Terrain en Zone Urbaine (CATZU), tout citoyen, quelle que soit sa catégorie professionnelle, peut être attributaire de terrain. Donc, ce ne sont pas seulement les fonctionnaires qui peuvent en bénéficier, mais, tous les citoyens. Tout citoyen tchadien peut être attributaire d’un terrain au Tchad, à condition qu’il détienne une carte d’identité nationale ou un passeport tchadien, un permis de conduite régulier et valable. Il ne doit pas être, en principe, un mineur, sauf exception. Les étrangers sont exclus, ils ne doivent pas être attributaires de terrains au Tchad.

Comment alors le citoyen tchadien peut devenir attributaire de terrain au Tchad?

La procédure d’attribution commence par le dépôt d’une demande d’attribution, adressée au président de la CATZU, à travers une fiche préétablie que le demandeur doit remplir et signer. Ensuite, la commission recense les dossiers et statue sur les différentes demandes, notamment, leur éligibilité. Une fois avoir défini les critères d’éligibilité des demandeurs, la CATZU procède aux attributions. La liste des attributaires retenue et le procès-verbal d’attribution sont signés par tous les membres de la commission avant d’être rendue publique. Après les affichages, une fiche d’attribution provisoire est délivrée à l’attributaire. Tous les attributaires qui y figurent seront alors invités à passer à la régie du Cadastre pour régulariser leur situation, c’est-à-dire payer la valeur du terrain et les taxes y afférentes, dans un délai n’excédant pas trois mois. 

Quels sont les critères définis pour être attributaire dans les zones urbaines et rurales au Tchad?

L’attribution de terrains varie selon les zones. Dans la zone rurale, seules les autorités administratives locales sont habilitées à accorder 5 hectares, à titre de location, pour une période bien déterminée, pendant laquelle les bénéficiaires sont tenus de les mettre en valeur, pour un montant donné. Ces valorisations peuvent être des plantations d’arbres fruitiers, des forages d’eau, la construction d’habitations, etc. Mais, l’attribution définitive intervient après l’effectivité de la mise en valeur du terrain. Une commission comprenant le service des cadastres, des domaines, de l’inspection forestière, établit un procès-verbal de constat et d’évaluation de cette mise en valeur. Si le locataire a dépassé les cinq années de location, sans mettre en valeur le terrain, la location peut être annulée et, dans ce cas, le terrain revient à l’Etat. Dans la zone urbaine, c’est la CATZU qui est la seule habilitée dans l’attribution de terrains, sur la base des critères que j’ai, précédemment, expliqués.

Même dans le cadre d’une attribution légale, plusieurs individus se sont retrouvés à la justice, parce que les terrains étaient déjà occupés par d’autres personnes. Quelles solutions peut-on trouver à cette situation?

Le problème foncier à N’Djaména, à l’instar des autres grandes agglomérations du pays, est récurrent et se pose avec acuité. Cela est dû au non respect des textes en vigueur, notamment, les lois 23, 24 et 25, relatives au régime foncier au Tchad. Les dispositions de ces lois précisent que la terre appartient à l’Etat. Aucune communauté, aucun individu ou aucun groupe d’individu ne peut s’en approprier ou s’en attribuer. Elles définissent, clairement, les conditions d’appropriation et d’attribution. Le non respect de ces lois fait qu’aujourd’hui nous assistons à des conflits et autres problèmes. En effet, le non respect des textes régissant le foncier par les citoyens et utilisateurs, pour des fins mercantiles, coutumières ou traditionnelles, est à la base de plusieurs problèmes. C’est pour cela qu’aujourd’hui, beaucoup de problèmes liés à ces conflits fonciers sont pendants devant juridictions. Il y a lieu, également, de rappeler la non maîtrise des textes, par certains responsables. Nous ne cessons pas de rappeler, aussi, les concitoyens au respect des textes. Nous réitérons, encore ici, aux autorités traditionnelles, notre demande de dénoncer les occupations illégales et de sensibiliser leurs administrés au respect des textes.

Comment l’Etat choisit les sites pour y attribuer des parcelles ?

Les sites sont choisis en conformité avec le plan d’aménagement de l’urbanisme adopté par la Commission National d’Urbanisme (CNU). Une fois ce plan adopté, l’Etat procède au lotissement et, éventuellement, aux attributions à des citoyens selon la disponibilité des parcelles.

Et, monsieur le directeur, pour les villages entrés dans le périmètre urbain mais qui ne sont pas, jusque-là, lotis, que peuvent faire les occupants des parcelles dans ces nouvelles parties de la capitale pour régulariser leur situation?

Effectivement, ce problème est récurrent. Mais, tant que la restructuration de ces villages entrés dans le périmètre urbain n’est pas réalisée, ces occupants n’ont aucune possibilité de régulariser leur situation. Ils doivent attendre jusqu’à ce que les services du cadastre et de l’urbanisme procèdent à une restructuration de ces villages. Une équipe descend sur le terrain pour effectuer un recensement. La liste de ce recensement est approuvée par la CNU ou la CATZU. Après ce travail, interviendra, l’établissement d’une fiche d’identification des parcelles. Ainsi, les occupants peuvent venir régulariser leur situation.

Propos recueillis par

Hassan Moussa Ali