BANGUI – Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a lancé samedi à Bangui une appel vibrant aux leaders centrafricains pour qu’ils empêchent un nouveau génocide en Afrique, 20 ans après le Rwanda, dans un discours au parlement provisoire.
D’ici je vais directement à Kigali pour commémorer (lundi) le 20e anniversaire du génocide rwandais, a lancé M. Ban aux parlementaires, lors d’une visite surprise de quelques heures à Bangui sur la route du Rwanda.
C’est votre responsabilité à tous – en tant que leaders – d’assurer que nous n’aurons jamais à commémorer un tel anniversaire en Centrafrique. Ne répétez pas les erreurs du passé, n’oubliez pas d’en tirer les leçons, a-t-il dit à la tribune du Conseil national de transition (CNT), le parlement provisoire.
Une épuration ethnico-religieuse est une réalité en Centrafrique, a souligné le secrétaire général.
De nombreux membres de la minorité musulmane ont fui. Musulmans et chrétiens sont exposés à un danger mortel du simple fait de leur appartenance à une communauté ou de leur croyance, a-t-il dit.
La communauté internationale a fait défaut aux Rwandais il y a 20 ans. Et nous risquons de ne pas en faire assez pour les Centrafricains aujourd’hui, a-t-il poursuivi devant l’assemblée avant de rappeler que des crimes atroces sont commis ici.
J’ai rendu visite à des personnes arrachées à leur foyer dans les camps de déplacés de la capitale centrafricaine où s’entassent des dizaines de milliers d’hommes, femmes, enfants: J’ai entendu leurs histoires effroyables.
– Etat éviscéré par la corruption –
Des personnes ont été lynchées et décapitées. La violence sexuelle prend de plus en plus d’ampleur. Des atrocités ont été commises sous les applaudissements des autres, s’est-il indigné, déplorant qu’une impunité totale règne. Personne n’a eu à rendre compte de ses actes. Cela doit changer.
En Centrafrique, la sécurité de l’État a cédé la place à un état d’anarchie, a rappelé M. Ban, en félicitant les forces de l’Union africaine et les forces françaises dont l’action rapide a pu empêcher à ce jour le pire.
Les 6.000 soldats de la force africaine Misca et les 2.000 soldats de l’opération française Sangaris – dépêchés début décembre 2013 dans cette ancienne colonie française – tentent de pacifier la Centrafrique sans parvenir à mettre fin aux exactions contre la population.
Leurs moyens sont insuffisants et elles sont submergées par l’ampleur même des besoins, a relevé le secrétaire général de l’ONU.
C’est pourquoi j’ai demandé que plus de contingents et d’unités de police soient immédiatement déployés. C’est aussi pour cette raison que j’ai proposé la transformation de la Misca en une opération de maintien de la paix des Nations unies a-t-il ajouté, applaudi par les parlementaires.
Depuis un an, la Centrafrique, pays parmi les plus pauvres de la planète, habitué aux coups d’Etat à répétition et aux rébellions, traverse une crise sans précédent qui a fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.
Appuyé par la France, le secrétaire général plaide pour le déploiement avant fin 2014 d’une opération de l’ONU en Centrafrique, forte de 12.000 hommes, avec un effectif policier nettement renforcé pour tenir compte de la spécificité de l’opération: rétablir l’ordre.
Les Centrafricains ne devraient pas se ruer vers la mort, le temps que le monde se décide à tenir ou non ses engagements, a-t-il plaidé, rappelant que des décennies durant, la structure de l’État a été éviscérée par le gaspillage, la corruption et l’indifférence de la communauté internationale.
Pourtant, la réalité était visible par tous, a lancé M. Ban, avant de s’interroger: qui a payé le prix de cette indifférence? Les citoyens ordinaires.
(©AFP / 05 avril 2014 18h53)