Sa réaction était attendue mais en vain. Via son compte Facebook, Angal Toclock, journaliste à la TéléTchad s’est lâchée ce mercredi 5 février 2020 pour la première fois publiquement sur sa brève interpellation à Moundou alors qu’elle était en mission. Mêlant défense et consternation, Angal a qualifié ce qu’elle a vécu à Moundou de “simple incident”. Voici in extenso sa publication.

« Toute chose arrive parce que Dieu la permet. C’est la conclusion à laquelle je suis arrivée après ces deux semaines de réflexions. Quatorze jours durant lesquels, je n’ai fait qu’essuyer, dans le silence, mes larmes. J’étais dans l’incompréhension totale. Puisque j’ai simplement voulu respecter ce qui m’a été enseigné pour l’exercice du journalisme : la neutralité. La neutralité qui, pendant des années, m’a permise de prendre du recul pour reporter les événements à leur juste valeur.

A la faveur de cet incident, moi, Angal Toclock, fille d’un enseignant, une certaine opinion m’a vouée à la vindicte populaire, parce que j’ai démontré par mon acte que je suis une personne incivique. Non, sachez-le, je suis respectueuse des lois de la république et de ses symboles. J’ai plus de 30 ans de vie et je n’ai jamais été condamnée pour un quelconque délit. Pendant mes tournages, je me suis toujours levée, Dieu seul sait maintes fois, pour honorer les symboles de la République.

Lors des discussions avec des amis, j’aime ironiser à dire que je suis frappée du bleu, jaune, rouge, et pour cette raison, j’appartiens au Tchad tout entier, et non singulièrement à ma communauté Kim.

De ce qui précède, ceux qui évoquent l’incivisme pour justifier mon arrestation à Moundou paraissent injustes à mon égard. Si jusqu’ici, j’ai refusé de me prononcer sur le sujet, c’est uniquement parce que je savais qu’en pratiquant le journalisme, je pourrais être mise aux arrêts, torturée ou humiliée. C’est la situation que j’ai vécue à Moundou ce 18 janvier 2020 et que je qualifie d’un simple incident. Un petit incident face à ma détermination d’informer.

Par ailleurs, je demeure perplexe quant au génie du mensonge qui véhicule que j’aurais écrit une lettre d’excuse pour qu’on m’accorde la liberté. Disons que les mensonges n’engagent que ceux qui les croient. J’aurais préféré la mort si ma hiérarchie n’avait pas mené des actions pour ma libération. Il va falloir que les gens trouvent autre occupation que de parler de moi partout comme si je suis devenue le coronavirus.

Enfin, je me tourne vers vous, vous qui m’avez apporté soutien lors de cet incident. Qu’est-ce que je peux vous dire d’autre que merci ? Merci pour ce soutien témoigné de toute part. Puisse Dieu vous bénir richement et qu’il permette que la paix revienne dans mon cœur. Pour emprunter cette phrase à un ami, “devant, c’est avant”. Angalement vôtre! »

Pour rappel, Angal Toclock a été brièvement interpellée le 18 janvier 2020 à Moundou alors qu’elle y était pour la couverture de la cérémonie de bancarisation des recettes de la société tchadienne des eaux (STE). Son péché : ne pas se lever pour saluer l’arrivée du secrétaire général provincial à la cérémonie. Considéré comme un crime de lèse-majesté, Angal Toclock a été arrêtée sur ordre du secrétaire général de la province du Logone oriental.  Le milieu médiatique tchadien s’est levé pour fustiger l’attitude du secrétaire provincial. Mais ni la direction de l’organe de Toclock ni les responsables du ministère de la Communication n’ont réagi officiellement. Moins encore ceux du ministère de l’Administration du territoire n’ont présenté leurs excuses.