Lors des manifestations du 20 octobre contre la prolongation de la transition de deux ans au Tchad, initiées par des partis politiques et organisations de la société, plusieurs personnes ont été tuées par balle dans le 9e arrondissement de N’Djamena. De nombreux blessés et dégâts matériels ont été également enregistrés. Le calme est revenu, mais la psychose est là. Surtout avec les nouvelles prises par les autorités et les eaux qui ne cessent de monter.

Dans les différents quartiers du 9e arrondissement de la capitale, le 20 octobre, des centaines de jeunes étaient sorties exprimer leur mécontentement face à la prolongation de la transition décidé par le dialogue national.

Retour sur les manifestations

Sur certains grands axes, des pneus et différents objets ont été brûlés, empêchant ou bloquant la circulation.

Déjà, tard dans la nuit, les entrées et sorties ont été filtrées par les forces de l’ordre. Quelques rares personnes ont pu sortir de l’arrondissement, car craignant de débordements. “Je voulais regagner ma maison qui est à Walia Barrière vers 23h. Les forces de l’ordre avaient voulu m’empêcher de traverser le pont. Pendant ce temps, des gaz lacrymogènes étaient lancés sur des jeunes du quartier Habbena. J’avais insisté et un agent m’a compris“, témoigne un habitant de l’arrondissement.

A l’aurore, des coups de sifflet commençaient à résonner. Ils étaient accompagnés par des tirs de gaz lacrymogènes. Les manifestants, qui sortaient de toutes parts, étaient de plus en plus nombreux face aux agents de police qui semblaient dépassés. Surtout entre les deux ronds-points du quartier Walia et ses alentours. Quelque temps plus tard, des actes de vandalisme ont été enregistrés.

Le restaurant-snake-auberge Persévérance a été saccagé. Des véhicules qui s’y trouvaient ont été brûlés. Pareil au commissariat de sécurité publique n° 9. Certaines sources déplorent le décès d’un agent dudit commissariat. L’hymne national est entonné par les manifestants qui dénoncent notamment les injustices au pays sous le régime des Deby. “Je suis contre le système des Deby. Nous sommes inondés et rien n’est fait. Nous vivons mal“, critique un manifestant.

Certains jeunes, qui ne voulaient pas manifester, ont été poussés à sortir dans la rue. De chez eux, ils ont reçu des gaz lacrymogènes tirés à tout bout de chemin. “Ça sert à quoi de rester à la maison et aspirer les gaz?’’, s’interroge un manifestant.Un jeune dit s’être contenu malgré la ‘’provocation’’ des forces de l’ordre.‘’ J’ai failli être enlevé par les forces de l’ordre. Notre tort était que nous ayons notre maison à côté du goudron. Ma maman a failli être asphyxiée par les gaz’’, regrette un jeune, qui n’est pas sorti de la maison.

La situation a pris une autre tournure quand des tirs à balles réelles ont débuté. Un manifestant a pris une balle aux fesses. Certains civils à bord de leur véhicule ont tiré à balles réelles sur des jeunes, rapportent des témoins. Un adolescent qui se trouvait devant la maison familiale a pris une balle à la tête. Un autre est grièvement blessé. Des tirs en l’air se poursuivaient pour dissuader les manifestants. Il y a eu des courses-poursuites. Vers midi, une accalmie s’est installée.

”Représailles” gouvernementales ?

La connexion internet qui était fortement perturbée a été carrément coupée. C’est aussi le cas aux quartiers (Chagoua, Habena, Moursal, etc.) où des manifestations ont eu lieu ou ceux où il y a des leaders ayant appelé à manifester.

Le même jour, un couvre-feu allant de 6h à 18h a été instauré dans les villes concernées (N’Djamena, Moundou, Doba, Sarh, Koumra) par ces manifestations. Le 9e arrondissement de N’Djamena, réputé prompt à exprimer ses mécontentements à travers les manifestations de rue, est pris d’assaut par les forces de l’ordre.

Certaines familles dénoncent des enlèvements de leurs proches qui n’auraient pas un lien avec ces manifestations. La peur se lit sur certains visages, mais la vie reprend peu à peu son cours.

Les inondations

D’un autre côté, les populations font face à un débordement inquiétant des fleuves Chari et Logone.

Après les quartiers Walia Barrière, Ngoumna, Goré, Ndigangali, Ngueli, Madagascar, etc. les eaux envahissent Hadjaraï, Toukra. Des milliers de familles sont abri et occupent les rues et espaces publics.

La paroisse Bienheureux Isidore Bankaja de Walia Goré accueille des centaines de sinistrés. Un père de 7 enfants, qui a tout perdu, dit être désemparé.”Ma femme vient d’accoucher et je suis un debrouillard”, confie-t-il.

A l’aire libre, près de la Maison des jeunes de Walia, des familles se sont installés, dans la promiscuité. Avec ces inondations, des risques d’épidémie sont évoqués. Face à son manque de prévision, le gouvernement semble dépasser.

Sur le terrain, les partenaires et bonnes volontés s’activent pour porter secours aux sinistrés mais les besoins sont de plus en plus grands.